Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2005, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, par Me Fructus, dont le siège est 100 avenue de Suffren à Paris ; l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0005392 en date du 21 octobre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamné à verser à M. X la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X, en tout état de cause, dire que seul l'établissement de soins peut être tenu pour responsable de la contamination par le virus de l'hépatite C de M. X, subsidiairement, le condamner avec l'établissement hospitalier in solidum et très subsidiairement, faire application du principe indemnitaire de droit commun ;
3°) de condamner la partie succombante aux dépens ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 avril 2006, présenté pour M. Francis X par Me Gasparri-Lombard ;
M. X demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il retient la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et de le réformer en ce qui concerne le montant de son indemnisation en portant la somme allouée de 15 000 euros à celle 30 000 euros ; M. X sollicite, en outre, la condamnation de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;
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Vu le mémoire, enregistré le 5 juillet 2006, présenté pour le centre hospitalier de Nice par Me Le Prado ;
Le centre hospitalier demande à la Cour de le mettre hors de cause, de rejeter tant la requête de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG que les conclusions incidentes de M. X ;
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Vu le mémoire, enregistré le 15 juin 2006, par lequel la Poste demande à la Cour de constater sa mise hors de cause dès lors que M. X ne demande plus sa condamnation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2007,
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;
- les observations de Me Moreau pour la SCP Baffert-Fructus associés pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et de Me Noto du cabinet Gaspari-Lombard pour M. X ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, à la suite d'un accident de circulation le 5 novembre 1984, a été admis en urgence au centre hospitalier de Nice en vue d'y être opéré ; que le diagnostic de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C a été porté et confirmé au cours de l'année 1996 ; qu'imputant cette contamination à la transfusion qu'il a subie lors de l'intervention réalisée le 5 novembre 1984, M. X a sollicité devant le Tribunal administratif de Nice la condamnation de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, venant aux droits et obligations de l'Etablissement de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes, et du centre hospitalier de Nice à la réparation de ses préjudices ; que le tribunal, par le jugement dont l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG relève appel, l'a condamné à réparer les conséquences dommageables de la contamination par voie transfusionnelle ; que M. X, par la voie de l'appel incident, demande la réévaluation de ses préjudices ;
Sur la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG :
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi susvisée du 4 mars 2002 : «En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable.» ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'enquête transfusionnelle a permis d'établir qu'en vue de l'intervention chirurgicale que M. X a subie en novembre 1984 au centre hospitalier de Nice, six lots sanguins lui avaient été distribués par l'association régionale de transfusion sanguine à laquelle a succédé l'établissement de transfusion sanguine « Alpes-Maritimes » et que seuls trois des six donneurs ont été contrôlés négatifs ; que si l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG soutient que la matérialité des transfusions alléguées n'est pas établie du fait de la destruction du dossier médical du patient, il résulte cependant de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le Tribunal administratif de Nice que la contamination de M. X peut être datée antérieurement à juin 1988 compte-tenu de l'augmentation des transaminases à cette date, de l'importance de l'intervention chirurgicale de novembre 1984 rendant les transfusions « fortement probables » et du contexte de polytraumatisme grave permettant d'exclure une simple commande à titre préventif ; que, dans ces conditions, la réalité des transfusions doit être tenue pour établie ; que si l'homme de l'art a, par ailleurs, envisagé l'hypothèse d'une contamination par voie nosocomiale lors des quatre interventions que M. X a subies tant en 1967 qu'en 1984, 1985 et 1986, il a toutefois précisé que ce mode de contamination, au cas d'espèce, était « moins vraisemblable » ; qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que M. X présentait des risques de contamination eu égard à son mode de vie ; qu'en outre, la circonstance que le dossier médical de M. X ait été détruit lors d'un sinistre, au demeurant indépendant de la volonté de l' administration, est sans influence sur l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier de Nice dans la mesure où il est établi que les produits considérés comme administrés à M. X ont été fournis par l'association régionale de transfusion sanguine à laquelle a succédé l'établissement de transfusion sanguine « Alpes-maritimes » ; que, par suite, eu égard à ce qui précède, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG qui n'apporte pas la preuve que les produits transfusés, dont trois des six donneurs n'ont pu être retrouvés, ne sont pas à l'origine de cette contamination ni que celle-ci est imputable à une autre cause ; qu'ainsi, le doute profitant à M. X, la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est engagée, comme l'a d'ailleurs jugé le tribunal ;
Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'établit pas que le tribunal administratif a fait une excessive estimation des préjudices personnels subis par M. X du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C en lui allouant une somme de 15 000 euros et, d'autre part, en se bornant à soutenir que la somme allouée par les premiers juges est modeste au regard des souffrances physiques et morales subies et que ce montant doit être porté à 30 000 euros, M. X n'établit pas que le tribunal a fait une insuffisante évaluation de ses préjudices personnels ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, ni M. X ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Nice a condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à verser la somme de 15 000 euros à M. X en réparation des préjudices personnels consécutifs à l'hépatite C qu'il a contractée à la suite d'une transfusion en novembre 1984 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à payer à M. X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes de M. X sont rejetées.
Article 2 : L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG versera la somme de 1 500 euros à M. X sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, à M. Francis X, au centre hospitalier de Nice, à la Poste, à la caisse d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et au ministre de la santé de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée à Me Fructus, à Me Le Prado et au préfet des Alpes Maritimes.
N° 05MA03362 2