Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 11 août 2004 sous le n° 04MA01795, présentée par Me Deplano, avocat, pour la société anonyme GARNIER-PISAN, dont le siège est RD 8, quartier du Bouisset à Fréjus (83370) ;
La société GARNIER-PISAN demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement n° 010874 du 23 avril 2004, notifié le 13 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Grimaud à lui payer :
a) l'indemnité de 516.680, 51 F TTC, augmentée des intérêts moratoires, en réparation de travaux supplémentaires effectués lors de l'exécution du marché de travaux de terrassements (V.R.D.) d'une déchetterie ;
b) l'indemnité de 100.000 F en réparation du préjudice subi à la suite de la faute commise par le maître d'ouvrage lors de l'exécution dudit marché ;
c)la somme de 15.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
2) de condamner la commune de Grimaud à lui verser :
a) ladite indemnité de 78.767, 44 euros TTC (516.680, 51 F), augmentée des intérêts moratoires ;
b) ladite indemnité de 15.244, 90 euros (100.000 F) ;
c) la somme de 2.286, 74 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2007 :
- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,
- les observations de Me Rezki pour la commune intimée,
- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la commune de Grimaud a passé le 3 juin 1999 avec la société SA GARNIER-PISAN un marché de travaux, portant sur le lot n° 1 « terrassements V.R .D. » de la construction d'une déchetterie, pour un prix global et forfaitaire de 601.828, 97 F TTC et dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée au bureau INGEBAT ; qu'à la suite de difficultés rencontrées lors de l'exécution du marché et dont il impute la responsabilité à la commune maître de l'ouvrage, l'entrepreneur GARNIER-PISAN demande la condamnation de cette dernière à l'indemniser du coût de travaux, qu'il estime supplémentaires et imprévus, relatifs à l'abaissement de la côte altimétrique de la plate-forme de la déchetterie et à la confection d'une planche d'essai, ainsi que des préjudices nés de l'interruption du chantier et de l'allongement de la durée d'exécution des travaux ; que l'entrepreneur appelant réclame en outre l'indemnité de 100.000 F (15.224, 90 euros) en raison de l'attitude « fautive » du maître de l'ouvrage ;
Sur la demande d'indemnisation des travaux supplémentaires :
En ce qui concerne les travaux relatifs à l'abaissement de la plate-forme :
Considérant que selon l'article 1er du cahier des clauses techniques particulières du marché en litige, le décapage du terrain naturel est prévu sur une épaisseur de 1,5 mètres sur l'ensemble du projet par remodelage des talus périphériques et extraction des gros éléments, matériaux ferreux, accumulation de déchets végétaux, amas de résidus brûlés, plastiques, pneus, bois ; qu'en vertu des articles 4.1, 4.2 et 4.3 du même cahier, le niveau de la plate-forme basse de la déchetterie est établi à la cote NGF plus 7,80 mètres ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le différent né entre l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage sur le montant des travaux supplémentaires à réaliser pour modifier le niveau de la plate-forme basse a pour origine l'erreur d'interprétation, par la société SA GARNIER-PISAN, du terme « terrain naturel » de l'article 1er précité du cahier des clauses techniques particulières ; que ce terme « naturel » doit être compris, eu égard à la formulation de l'article, comme étant le terrain nu après extraction des nombreux éléments non naturels, « gros éléments, matériaux ferreux, accumulation de déchets végétaux, amas de résidus brûlés, plastiques, pneus, bois » , qui y avaient été entassés, notamment dans d'anciens remblais ; que cette erreur d'interprétation a entraîné, pour la société SA GARNIER-PISAN, une erreur, relevée par le maître d'oeuvre, dans les cotes de ses calculs et par suite dans les volumes figurant sur sa proposition ; qu'ainsi et contrairement à ce soutient l'appelante, la non acceptation de son offre complémentaire et l'absence d'ordre de service a pour origine déterminante sa méconnaissance des obligations du marché, et non l'insuffisance de l'étude préalable des sols qui a d'ailleurs été complétée par une seconde étude, à la demande du contrôleur technique et pour des raisons de sécurité afférentes à leur portance ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société appelante ne démontre pas que la masse des travaux qu'elles a réalisés serait supérieure à celle qui était prévue par le cahier des clauses techniques particulières ; qu'en particulier, le volume de 2.000 m3 de terrassements supplémentaires figurant sur la réclamation du 24 septembre 1999 n'est pas établi ; que si l'appelante fait par ailleurs état de la « promesse » d'un agent territorial présent sur le chantier, elle n'établit pas l'existence d'un ordre de service, même verbal ;
Considérant que dans ces conditions, et dès lors que le marché de travaux dont s'agit a été conclu pour un prix global et forfaitaire, l'entreprise GARNIER-PISAN n'est pas fondée à demander que la commune de Grimaud soit condamnée à payer des travaux de terrassement dont il n'est pas démontré qu'ils n'entraient pas dans l'exécution normale du marché ;
En ce qui concerne la fabrication d'une planche d'essais et la réalisation des essais :
Considérant qu'en vertu de l'article 4.2 du cahier des clauses techniques particulières afférent à l'exécution des remblais, sont à la charge du titulaire du lot les « essais au pénétromètre, à la plaque, avis sur terrassement prévisible selon indications du géotechnicien et du bureau de contrôle permettant la mise en oeuvre d'une chaussée de type voirie lourde » ; qu'ainsi, l'entrepreneur chargé des travaux de terrassement et de voirie (lot n° 1) était tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires pour réaliser les essais permettant notamment de vérifier que les travaux de remblais ont été exécutés dans les règles de l'art ; que, dans ces conditions, la société GARNIER-PISAN n'est pas fondée à soutenir que la fabrication d'une planche d'essais sur une longueur de 20 mètres, demandée le 20 juillet 1999 par la maîtrise d'oeuvre, excédait les prévisions du marché ; que la circonstance que les essais ont été réalisés à la demande du maître d'ouvrage par le bureau d'études des sols ERG ne décharge pas l'entrepreneur de ses obligations contractuelles ; qu'il ne saurait dès lors demander l'indemnisation du coût de fabrication de la planche d'essais ;
En ce qui concerne les travaux réalisés à la suite des résultats des essais effectués par le bureau d'études des sols ERG :
Considérant que la société GARNIER-PISAN n'apporte devant le juge d'appel aucun élément nouveau de nature à contester sérieusement le rejet, par les premiers juges, de sa demande tendant à être indemnisée des travaux destinés à assurer la stabilité de l'ouvrage qui ont été réalisés à la suite des essais sur la capacité de portance du sol ; qu'il y a lieu pour la Cour, dans ces conditions, de confirmer ce rejet par adoption des motifs retenus par le tribunal ;
Sur l'indemnisation des surcoûts liés à l'interruption et à l'allongement de la durée des travaux :
Considérant, d'une part, que la société GARNIER-PISAN fait valoir, en se référant aux procès-verbaux des réunions de chantier n° 9 et 10 des 5 et 12 juillet 1999, que le chantier a été arrêté et qu'un ordre de service d'interruption des travaux était envisagé dans l'attente des résultats de l'étude complémentaire du bureau ERG ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le procès-verbal n° 9 indique clairement de continuer le terrassement de la plate-forme et que le procès-verbal n° 10, dans sa partie « avancement du chantier », a demandé à la société GARNIER-PISAN de remettre son plan des réseaux et de respecter à cet égard le cahier des clauses techniques particulières ; qu'aucun ordre de service formel d'interruption des travaux n'a été adressé ; qu'au contraire, le maître d'oeuvre a adressé le 12 juillet 1999 un courrier à l'entreprise pour lui demander de reprendre immédiatement les travaux qu'elle avait elle-même interrompus depuis le 2 juillet 1999 ; qu'enfin, le procès-verbal de la réunion de chantier n° 11 du 19 juillet 1999 demande à l'entrepreneur de se rapprocher du bureau ERG pour établir l'ensemble des essais prévus par l'article 4.2 du cahier des clauses techniques particulières ; que, dans ces conditions, la société appelante n'est pas fondée à demander l'indemnisation des coûts qui résulteraient d'une interruption des travaux pendant l'été 1999 ;
Considérant, d'autre part, qu'il est exact qu'une étude complémentaire des sols a été commandée au bureau ERG à la suite de la remarque du contrôleur technique formulée le 5 juillet quant à leur portance ; que la réalisation de cette étude en cours de chantier, si elle a pu en gêner l'ordonnancement, ne peut être regardée comme présentant un caractère imprévisible et exceptionnel de nature à justifier, dans le cadre d'un marché à forfait, l'indemnisation des surcoûts allégués au titre des sujétions imprévues ; que les montants de 7.500 et 40.000 F figurant dans la réclamation du 24 septembre 1999 ne bouleversent, pas au demeurant, l'économie du marché ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
Considérant, ainsi que l'a relevé le tribunal, que la demande de la société requérante tendant à ce que la commune de Grimaud soit condamnée à lui payer l'indemnité forfaitaire de 100.000 F au titre d'une « faute » du maître de l'ouvrage n'est assortie d'aucune justification autre que celle tenant au paiement des travaux supplémentaires et surcoûts susmentionnés, dont elle estime être la créancière contractuelle en sus du prix global du marché et dont il a été dit que tel n'est pas le cas ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GARNIER-PISAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la commune de Grimaud au paiement de travaux supplémentaires et de dommages et intérêts dans le cadre de l'exécution du marché de travaux relatif à la construction d'une déchetterie ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées par la société GARNIER-PISAN doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SA GARNIER-PISAN à verser à la commune de Grimaud une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 04MA01795 de la société anonyme GARNIER-PISAN est rejetée.
Article 2 : La société anonyme GARNIER-PISAN versera à la commune de Grimaud la somme de 1.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme GARNIER-PISAN, à la commune de Grimaud et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
N° 04MA01795 2