La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2007 | FRANCE | N°06MA02373

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des référés, 21 juin 2007, 06MA02373


Vu le recours, enregistré le 8 août 2006 sous le n° 06MA02373, présenté par le PREFET DU VAR, qui demande au juge des référés de la Cour d'annuler l'ordonnance n°0603144 en date du 26 juillet 2006 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nice 1) a rejeté son déféré tendant à ordonner, sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la délibération en date du 22 mars 2006 par laquelle le conseil municipal de la commune de Flassans-sur-Issole a approuvé le plan local d'urbanisme, en ce qu'elle cla

sse en zones Nbar, UEbr, UEbar, UEar, UEnr, et UEgr, liées à un proj...

Vu le recours, enregistré le 8 août 2006 sous le n° 06MA02373, présenté par le PREFET DU VAR, qui demande au juge des référés de la Cour d'annuler l'ordonnance n°0603144 en date du 26 juillet 2006 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nice 1) a rejeté son déféré tendant à ordonner, sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la délibération en date du 22 mars 2006 par laquelle le conseil municipal de la commune de Flassans-sur-Issole a approuvé le plan local d'urbanisme, en ce qu'elle classe en zones Nbar, UEbr, UEbar, UEar, UEnr, et UEgr, liées à un projet golfique, des secteurs situés au lieudit La Rouvède 2) l'a condamné à verser à la commune susvisée une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Le PREFET DU VAR fait valoir que sa requête est recevable ; que la délibération querellée est entachée d'un vice de forme, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme (PLU) ne prenant qu'insuffisamment en compte les incidences environnementales de la réalisation du golf et du projet immobilier de la Rouvède, sur un site particulièrement sensible, en méconnaissance des dispositions de l'article R.123-2 4° du code de l'environnement ; que, notamment, ledit rapport de présentation comporte de graves lacunes dans l'évaluation des risques encourus par le lac de Bonne Cougne, mare temporaire dont l'intérêt environnemental est indéniable et qui fait l'objet d'un projet de classement en site Natura 2000 ; que le classement, par la délibération querellée, des parcelles du secteur en zones Nbar, Uebr, Uebar, Uear, Uenr et Uegr constitue une erreur manifeste dans l'appréciation de l'impact environnemental du projet litigieux ; que le projet golfique, ainsi que le projet immobilier qui en est le corollaire, impliquent une modification certaine du fonctionnement hydraulique de la zone ; que ledit projet se situe sur une zone de ponte de la tortue d'Hermann, dont la présence est déjà fortement menacée, et qui fait l'objet d'une protection sur l'ensemble du territoire par un arrêté interministériel du 22 juillet 1993, interdisant l'altération ou la dégradation du milieu particulier de ce reptile ; que le juge des référés du Tribunal administratif de Nice s'est fondé à tort sur un « document minute » produit par la SCI « Domaine de Rouvède », alors que plusieurs notes produites par le conservatoire des études des écosystèmes de Provence et le conservatoire national botanique méditerranéen démontrent l'importance des conséquences environnementales du projet querellé ; qu'en outre, un avis du service départemental d'incendie et secours (SDIS) en date du 12 mai 2005 indique que la zone UEbr de la ZAC de la Rouvède est exposée à un risque majeur de feu de forêt, qui interdit toute construction dans ce secteur ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 27 septembre 2006, le mémoire en intervention présentée par la SCI Domaine de Rouvède, représentée par sa gérante, la SA Franco-Hollandaise de Construction, dont le siège social est sis 10 Boulevard Maréchal Leclerc à Antibes (06600), par Me Asso, avocat ; la SCI Domaine de Rouvède conclut au rejet de la requête, à la confirmation de l'ordonnance attaquée et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La SCI Domaine de Rouvède fait valoir que le PREFET DU VAR n'apporte aucune preuve de l'exigence d'une référence explicite aux sites environnementaux dans le rapport de présentation du PLU ; que ce rapport de présentation détermine, dans ses chapitres 3 et 5, l'impact du projet sur l'environnement ; que le renvoi, sans plus de précision, à l'existence d'un site Natura 2000 est suffisant au niveau du rapport de présentation, la jurisprudence considérant que ce rapport est un « document d'ordre général », pouvant être rédigé de manière succincte ; que ce n'est pas le PLU, mais la ZAC qui a pour objet de définir le contenu exact de la réglementation de ce secteur ; que la mare de la Bonne Cougne se situe en dehors du périmètre de la ZAC et les eaux qui l'alimentent proviennent d'un bassin versant qui intègre pour un faible pourcentage le Domaine de Rouvède ; que le projet golfique n'entraînera aucune modification du cycle hydrologique et hydrogéologique d'alimentation des eaux superficielles ; que le projet golfique s'inscrit dans sa totalité sur des terres cultivées constituant un biotope inadapté aux tortues d'Hermann ; que le SDIS a donné un nouvel avis, le 20 février 2006, ayant entraîné une modification du projet du PLU pour rendre inconstructible la zone UEbr située à l'ouest du site, seule zone finalement considérée par le SDIS comme demeurant exposé à un risque majeur d'incendie ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 9 octobre 2006, le mémoire en défense présenté pour la commune de Flassans-sur-Issole, représentée par son maire en exercice, par la SELARL LLC et Associés, avocat ; la commune de Flassans-sur-Issole conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Flassans-sur-Issole soutient que la requête en annulation présentée par le PREFET DU VAR, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Nice, est irrecevable car tardive ; que, par voie de conséquence, le présent recours est lui-même irrecevable ; que le rapport de présentation du PLU est conforme aux dispositions de l'article R.123-2 du code de l'urbanisme et prend en considération de façon suffisante les incidences environnementales du projet ; que les exigences soulevées par le PREFET DU VAR dans la prise en considération de l'impact de l'opération projetée sur le lac de Bonne Cougne, sur la qualité de l'eau et sur la présence de tortues d'Hermann reviennent en réalité à se conformer aux dispositions de l'article R.123-2-1 du code de l'urbanisme, relatif à la mise en oeuvre d'une évaluation environnementale dans l'élaboration des PLU, qui n'est pas obligatoire en l'espèce ; que les secteurs devant être protégés ont fait l'objet d'un classement en zone naturelle inconstructible, notamment la mare de Bonne Cougne, dont le classement en site Natura 2000 n'est qu'au stade de projet, et qui n'entre pas dans le périmètre du golf, ni même dans celui de la ZAC de la Rouvède ; que la présence des tortues d'Heramnn a été observée en grande majorité sur des secteurs qui sont extérieurs aux zones du PLU dont la légalité est contestée ; que le PREFET DU VAR ne démontre pas que l'éventuelle réalisation du projet de golf mettrait en péril la survie de ce reptile ; que le juge des référés peut se fonder sur l'ensemble des documents versés au débat, notamment sur le « document minute » élaboré dans le cadre des dispositions de l'article R.214-34 2° du code de l'environnement ; que la délibération litigieuse s'est conformée à l'avis du SDIS du 20 février 2006 en rendant inconstructible la zone UEbr située à l'ouest du site ; que la création d'un golf aura pour effet de restreindre les risques d'incendie, en créant une zone de pare-feu ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;


Vu la décision, en date du 1er septembre 2003, par laquelle le président de la Cour a désigné M. Roustan, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative ;


Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant régulièrement été averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu en audience publique le 14 juin 2007 :

- le rapport de M. Roustan, président ;
- les observations de Me Faure-Bonaccorsi du cabinet LLC et Associés pour la commune de Flassans-sur-Issole ;
- les observations de Me Orlandini pour la SCI Domaine de la Rouvède ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.554-1 du code de justice administrative : «Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L.2131-6 du code général des collectivités territoriales…» ; que cet alinéa dispose qu'il est fait droit à la demande de suspension du représentant de l'Etat « si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué » ;
Considérant que, par une délibération en date du 22 mars 2006, le conseil municipal de Flassans-sur-Issole a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, classant la ZAC de la Rouvède, sur lequel un projet golfique et immobilier est projeté, en zone UEbr et Uebar, pour de l'hébergement résidentiel, UEar pour de l'habitat résidentiel plus dense et un hébergement hôtelier, UEnr pour une protection particulière des sites, paysages et boisements et UEgr, destinée au parcours du golf proprement dit ; que, par une ordonnance en date du 26 juillet 2006, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande, présentée par le PREFET DU VAR, tendant à la suspension de l'exécution de cette délibération ; que le PREFET DU VAR fait appel de cette ordonnance ;
Sans qu'il ne soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Flassans-sur-Issole ;

Sur le bien fondé de la demande de suspension :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R.123-2 du code de l'urbanisme : « Le rapport de présentation : (…) 4º Evalue les incidences des orientations du plan sur l'environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de sa préservation et de sa mise en valeur » ; que si le PREFET DU VAR, pour demander la suspension de l'exécution de la délibération litigieuse, fait valoir que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme adopté ne présente que de manière insuffisante les risques encourus et l'impact environnemental susceptibles d'être occasionnés par la création, sur la ZAC de la Rouvède, d'un golf et de constructions, il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation comporte, dans son chapitre 3, l'exposé de la situation environnementale existante sur le territoire de la commune, rappelant, notamment, les risques d'inondation et la délimitation des bassins versants, mais aussi, l'environnement forestier nécessaire à protéger, avec les différents périmètres ZNIEFF et les mesures de protections prises au travers de l'instauration « du site éligible au réseau Natura 2000 soumis à consultation sur (…) le Lac de Bonne Cougne », un chapitre 5 sur l'évaluation des incidences que les orientations du PLU peut avoir sur l'environnement, qui comprend une évaluation proprement dite, et une prise en compte de la préservation de l'environnement concernant les milieux naturels, les ressources environnementales, la prévention des risques et la préservation du paysage ; que le moyen tiré de l'insuffisance dudit rapport au regard des dispositions de l'article R.123-2 du code de l'urbanisme, eu égard notamment au caractère d'ordre général de ce document, ne paraît pas de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la délibération litigieuse ;
Considérant, d'autre part, que le PREFET DU VAR fait valoir que le classement du périmètre de la ZAC de la Rouvède en zone UEbr, Uebar, UEar, UEnr et Uegr par la délibération querellée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son impact environnemental ; qu'il ressort des pièces versées au débat, notamment du « document minute » établi dans le cadre de la demande d'autorisation fondée sur les dispositions de l'article L.214-1 du code de l'environnement, que ce moyen ne paraît pas propre, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'acte attaqué ; que la circonstance que ce document ait été élaboré dans le cadre d'une autre procédure n'est pas de nature à empêcher le juge des référés de s'en saisir pour apprécier le bien fondé de la demande de suspension ;
Considérant, enfin, qu'eu égard au nouvel avis émis par le service départemental d'incendie et de secours, en date du 20 février 2006, qui reconnaît que l'ensemble des constructions projetées seront protégées du risque d'incendie par la réalisation du parcours de golf, et dont les recommandations ont été intégrées au projet de PLU, qui a rendu inconstructible la zone UEbr située à l'ouest du site, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'existence d'un risque majeur d'incendie ne paraît pas propre, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la délibération attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU VAR n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de la délibération en date du 22 mars 2006 par laquelle le conseil municipal de la commune de Flassans-sur-Issole a approuvé son plan local d'urbanisme ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par la Commune de Flassans-sur-Issole et non compris dans les dépens ;

Considérant que la SCI « Domaine de Rouvède », intervenant en défense, n'est pas partie à la présente instance et ne peut donc demander le bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

ORDONNE :


Article 1er : L'intervention de la SCI « Domaine de Rouvède » est admise.
Article 2 : La requête du PREFET DU VAR est rejetée.
Article 3 : Le PREFET DU VAR versera à la commune de Flassans-sur-Issole une somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la SCI « Domaine de Rouvède » au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au PREFET DU VAR, à la commune de Flassans-sur-Issole, à la SCI Domaine de la Rouvède et au ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Fait à Marseille, le 21 juin 2007.

Le juge des référés,
Signé

M. ROUSTAN
Le greffier,
Signé

G. BANCE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier
N° 06MA02373 2

pp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 06MA02373
Date de la décision : 21/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc ROUSTAN
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LLC et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-06-21;06ma02373 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award