Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2005, présentée pour la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS », dont le siège est Chemin des Bellons à Allauch (13190), par la SCP Belnet et Associes ;
La SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0004362/0005137 du 23 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge :
- des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;
- du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1993 par avis de mise en recouvrement du 14 septembre 1998, ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au non lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé et au rejet du surplus de la requête;
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Vu le mémoire, enregistré le 29 août 2006, présenté pour la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » qui conclut aux mêmes fins que sa requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens ; elle fait valoir en outre que la réponse ministérielle faite à M. Colin, sénateur, le 3 octobre 1976 admet qu'un livre brouillard puisse justifier les recettes d'une entreprise ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 mars 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie aux fins de communication d'un certificat de dégrèvements ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2007, présenté pour la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » qui conclut au mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 mai 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mai 2008, présentée pour la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008 :
- le rapport de M. Bachoffer, premier conseiller,
- les observations de Me Silvestri pour la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS »,
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de son activité d'exploitant de restaurant la SARL «LE RELAIS DE PASSE TEMPS » a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et aux pénalités y afférentes au titre des années 1992 et 1993, un complément de taxe sur la valeur ajoutée, assorti de pénalités, lui étant également réclamé au titre des périodes correspondant aux mêmes années ; que la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » interjette appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge de ces impositions ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décisions en date du 16 février 2007 postérieures à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Marseille a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 3 645,36 euros au titre de l'impôt sur les sociétés et de 2 298,38 euros au titre de la taxe sur le chiffre d'affaires des pénalités dont avaient été assorties les impositions contestées ; que les conclusions de la requête de la SARL LE RELAIS DE PASSE TEMPS » relatives à ces pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a prononcé un dégrèvement en matière de taxe sur la valeur ajoutée le 25 septembre 2000 soit antérieurement à l'enregistrement du 20 octobre 2000 de la requête concernant cette taxe ; que c'est dès lors à bon droit et sans entacher leur jugement d'erreur de fait que les premiers juges ont décidé que les conclusions de la requête de la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » étaient à due concurrence irrecevables ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que lorsque la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée à la demande du contribuable dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une lettre datée du 26 septembre1995, M. Ventalon, gérant de la société requérante, a demandé au vérificateur, après que les opérations de contrôle eurent débuté dans les locaux de la société, de les poursuivre dans les locaux de son comptable ; que la circonstance que le vérificateur ne s'est rendu qu'une fois au siège de la société n'est pas de nature à établir l'absence de débat oral et contradictoire dès lors que les opérations de contrôle ont pu se dérouler régulièrement dans les locaux du comptable de la société ; que la seule circonstance que des échanges de correspondances ont eu lieu entre le vérificateur et le gérant ne démontre pas que la requérante aurait été privée de débat oral et contradictoire, faute d'établir qu'au cours des cinq interventions, qui se sont déroulées pendant la vérification, dont l'une sur les lieux d'exploitation, le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues avec son représentant ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte de l'instruction ni que l'administration aurait induit la société en erreur sur l'étendue de ses obligations et manqué à son devoir de loyauté en ne l'informant pas du caractère non contraignant de demandes d'information qui lui ont été adressées ni que le vérificateur aurait fondé les redressements sur des informations qui auraient été irrégulièrement recueillies ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L.12 et L.13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ; qu'aux termes du § 5 du chapitre III de la charte : Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal(...) ; que ces dispositions assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur les points où persiste un désaccord avec ce dernier ; que toutefois, l'utilité d'un tel débat n'est pas affectée par la circonstance que ledit supérieur hiérarchique ait, éventuellement, signé ou visé l'un des documents qui ont été notifiés au contribuable depuis l'engagement de la procédure de redressement ; qu'ainsi la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie prévue par les dispositions précitées de la charte du fait qu'en l'espèce, le supérieur hiérarchique du vérificateur a apposé son visa sur la réponse aux observations du contribuable ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité et la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : « Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge (...) »;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : « Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration fiscale tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration » ; qu'il résulte de l'instruction qu'au titre de la période vérifiée aucune note client n'a pu être présentée ; que le document, présenté pour la première fois en appel par la société requérante comme son « brouillard de caisse », relatif aux seules années 1993 et 1994, fait apparaître un montant global de recettes par journée d'exploitation et par catégories de moyens de paiement (chèques, espèces, carte bleue) et ne permet pas de déterminer et de justifier le détail des recettes journalières ; que, dès lors que ce document ne répond pas aux exigences de la réponse ministérielle faite à M. Colin, sénateur, le 3 octobre 1976, la société requérante n'est pas non plus fondée à se prévaloir des termes de cette doctrine ; que les inventaires fournis étaient globalisés en valeur pour 1992, 1993 et 1994 empêchant ainsi de suivre l'évolution des stocks alors qu'aucun inventaire n'a pu être présenté pour 1991 ; que, par suite, l'administration, au vu de ces anomalies graves et répétés, doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, des graves irrégularités de la comptabilité de la société qui n'était pas de nature à justifier les recettes de l'entreprise des trois années soumises à vérification ;
Considérant, d'autre part, que les impositions ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'il appartient, par suite, à la société requérante de démontrer, par application de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, l'exagération des impositions mises à sa charge ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
Considérant que la reconstitution du chiffre d'affaires a été effectuée par exercice à partir des éléments propres à l'entreprise et déterminée de façon contradictoire en utilisant la « méthode des vins » ; que le service a calculé le rapport existant entre les recettes provenant des vins servis et les recettes totales du restaurant ; qu'il a été procédé au dépouillement des achats de vins comptabilisés en prenant en compte le principe de l'existence de vins en stocks à la clôture des exercices comptables ; qu'un abattement pour pertes, usage de vin pour la confection des plats et consommation de l'exploitant a été appliqué ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'examen des notifications de redressement du 21 décembre 1995 et du 22 septembre 1996 que le vérificateur, compte tenu du caractère inexploitable des inventaires de stocks de vins, a procédé à la reconstitution des recettes de la société sans tenir compte de ces stocks ; que le vérificateur a ensuite accepté, dans sa réponse aux observations de la société datée du 25 mai 1996, de tenir compte au titre de l'année 1997, de la variation des stocks de vin en retenant le prix d'achat des bouteilles ;
Considérant que la société requérante critique cette reconstitution au motif que le service n'aurait pas tenu compte du fait que les stocks de vins étaient comptabilisés en « valeur marchande » et non en « prix d'achat » et propose une méthode alternative reprenant celle suivie par le vérificateur mais fondée sur des stocks valorisés en « valeur marchande » ; que toutefois la société, qui ne verse aux débats aucune pièce démontrant cette valeur marchande, n'établit, ainsi qu'elle en a la charge, ni que la méthode suivie par le vérificateur serait radicalement viciée ou excessivement sommaire, ni que sa propre méthode de reconstitution permettrait d'évaluer les recettes réalisées avec une plus grande précision que la méthode retenue par le vérificateur lequel, n'a pas utilisé pour la reconstitution indistinctement la valeur d'achat et la valeur vénale des stocks et n'a pas commis de confusion entre ces deux modalités d'évaluation ;
Sur la pénalité de l'article 1763 A du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1763 A du code général des impôts alors en vigueur : « Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une pénalité égale à 100 % des sommes versées ou distribuées» ;
Considérant que la société requérante demandant la décharge de cette pénalité par les mêmes moyens que ceux qui viennent d'être écartés, il convient de rejeter cette demande par voie de conséquence ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » à concurrence du montant de 3 645,36 euros de pénalités au titre de l'impôt sur les sociétés et du montant de 2 298,38 euros de pénalités au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.
Article 2 : L'Etat versera à la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL « LE RELAIS DE PASSE TEMPS » et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N°05MA01814