Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 décembre 2006 sous le n° 06MA03451, présentée par Me Hubert, avocat pour M. Didier X, demeurant ... ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 03-07691 du 17 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juillet 2003 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé la décision du 23 janvier 2003 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé l'association « l'Oeuvre de défense et de protection de l'enfance en difficulté de Marseille et de la Région » à le licencier pour faute, ensemble tendant également à l'annulation de ladite décision du 23 janvier 2003 ;
2°) d'annuler lesdites décisions de l'inspecteur du travail en date du 23 janvier 2003 et du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 17 juillet 2003 ;
3°) d'enjoindre au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité de communiquer les témoignages des enfants présents et de ses collègues, ainsi que le rapport du chef de service éducatif du 22 novembre 2002 cosigné par l'éducateur et l'enseignant, le rapport du chef de service éducatif sur la réunion du 22 novembre 2002, le rapport d'entretien du chef de service éducatif avec l'enfant du 25 novembre 2002, le courrier adressé au procureur de la République ainsi que toutes pièces au vu desquelles a été prise la décision attaquée et d'ordonner l'audition de l'enfant Ludovic Y, de sa mère Mme Nathalie Z, des enfants présents le jour des faits, de Mme Hélène A, de Mme Esther B, de M. Yves C ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2008 :
- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;
- les observations de Me Hubert pour M. X et de Me Boyer pour l'association « l'Oeuvre de défense et de protection de l'enfance en difficulté de Marseille et de la Région » ;
- les conclusions de M. Dieu, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision du 23 janvier 2003, l'inspecteur du travail de la 8ème section d'inspection des Bouches-du-Rhône a autorisé l'association « l'Oeuvre de défense et de protection de l'enfance en difficulté de Marseille et de la Région » à licencier pour faute M. X, délégué syndical et conseiller prud'homal, qui exerçait des fonctions d'éducateur spécialisé au sein du centre éducatif « Le Renouveau » géré par ladite association ; qu'à la suite du recours hiérarchique formé par M. X, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé ladite décision et accordé l'autorisation de licenciement sollicitée par l'association, par une décision du 17 juillet 2003 ; que par jugement en date du 17 octobre 2006, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation des décisions des 23 janvier et 17 juillet 2003 ; que M. X relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ; que l'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la requête présentée par M. X devant la Cour ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance dès lors, notamment, qu'elle critique de manière précise la décision du tribunal administratif ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 précité du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur ce fondement doit être écartée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article R. 436-4 du code du travail : « L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat » ;
Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes ; qu'en particulier, il implique d'une part, que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations et d'autre part, que l'inspecteur du travail lui même permette à l'employeur et au salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
Considérant que l'association reproche à M. X d'avoir fait subir au jeune Ludovic, le 21 novembre 2002, des injures et des violences physiques, dont les conséquences ont été notamment attestées par un certificat médical ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X n'a pas eu connaissance, au cours de l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail, des témoignages du jeune Ludovic et des autres enfants présents le jour des faits, de ses collègues et de sa hiérarchie, ni des rapports établis par Mme A, chef de service éducatif, constatant des traces d'hématome sur le cou du jeune garçon le 21 novembre 2002, ni du courrier de signalement adressé au procureur, ni du certificat médical délivré à l'enfant, alors que lesdits documents ont servi de fondement à l'autorisation de licenciement attaquée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la communication de ces documents, à l'exception du certificat médical délivré à l'enfant, des témoignages de l'enfant et des autres enfants présents, ait été de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiquées, ni même que l'inspecteur du travail ait informé M. X de la teneur des documents non communiqués quand il l'a entendu le 27 décembre 2002 ; que par suite, M. X n'a pas été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des éléments de nature à établir ou non la matérialité des faits qui lui sont reprochés et d'assurer utilement sa défense ; que, dès lors, le caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail n'a pas été respecté ; que dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des pièces complémentaires et les auditions sollicitées par le requérant, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, ledit jugement et les décisions susmentionnées de l'inspecteur du travail en date du 23 janvier 2003 et du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 17 juillet 2003 doivent être annulées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'association « l'Oeuvre de défense et de protection de l'enfance en difficulté de Marseille et de la Région » doivent dès lors être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 03-07691 du Tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La décision du 23 janvier 2003 de l'inspecteur du travail autorisant l'association « l'Oeuvre de défense et de protection de l'enfance en difficulté de Marseille et de la Région » à licencier M. X et la décision du 17 juillet 2003 du ministre de l'emploi et de la solidarité confirmant cette décision sont annulées.
Article 3 : L'Etat (ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité) versera à M. X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Didier X, à l'association « l'Oeuvre de défense et de protection de l'enfance en difficulté de Marseille et de la Région » et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
N° 06MA03451 2