Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2007, présentée pour la SAS CLERMONT DISTRIBUTION ALIMENTATION dont le siège est Centre Commercial Grand Axe Clermont l'Hérault (34800), par Me Gougaud ;
La société CLERMONT DISTRIBUTION ALIMENTATION demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0206159 du 28 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à obtenir la restitution des droits de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 août 2002 ;
2°) de lui accorder la restitution des droits en litige, soit la somme de 244 837 euros ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le traité instituant la Communauté Européenne ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code rural ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;
Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2009 ;
- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Emmanuelli, rapporteur public ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile, pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre, sans délai, la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est, ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré, dans le code général des impôts, un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000, l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société CLERMONT DISTRIBUTION ALIMENTATION ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, tant des obligations qu'imposent le paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne que du principe de confiance légitime et de son espérance légitime d'obtenir remboursement d'une taxe contraire au droit communautaire ;
Considérant, par ailleurs, que compte tenu de l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, est inopérant au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre des années 2001 à 2003, le moyen tiré de ce que le service public de l'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (...) ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité, ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire et que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 88§3 du traité susmentionné, ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 33 de la directive 77/388 du 17 mai 1977, dite 6ème directive du conseil des communautés européennes, les dispositions de ladite directive ne font obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre (...) de tous impôts, droits ou taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires ; que l'objet de cet article est d'éviter que soient instaurés ou maintenus des impôts, droits et taxes qui, du fait qu'ils grèvent la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la taxe sur la valeur ajoutée, compromettent le fonctionnement du système commun de cette dernière ; que doivent être considérés comme tels les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de cette taxe ; que cet article ne fait en revanche pas obstacle au maintien ou à l'introduction d'autres types d'impôts, droits et taxes dès lors que ces impôts, droits ou taxes ne présentent pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'aux termes des dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, y compris après l'entrée en vigueur de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, la taxe sur les achats de viande est exigible lors des achats mentionnés audit article ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Montpellier a estimé que la taxe sur les achats de viande, qui n'est appliquée qu'une seule fois, ne peut être regardée comme un impôt général grevant la circulation des biens et des services et frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à une taxe sur le chiffre d'affaire ;
Considérant, en dernier lieu, que la société CLERMONT DISTRIBUTION ALIMENTATION ne peut utilement se prévaloir, en invoquant les principes de sécurité juridiques et de confiance légitime et l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, sur le fondement des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations d'un rapport parlementaire sans portée juridique et d'une note à diffusion restreinte du 6 janvier 2004 émanant du chef du service juridique de la direction générale des impôts, au demeurant postérieure à la mise en recouvrement des impositions en litige, dès lors que celle-ci ne peut être regardée comme comportant une interprétation formelle du texte fiscal au sens desdites dispositions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CLERMONT DISTRIBUTION ALIMENTATION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'elle attaque, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la société CLERMONT DISTRIBUTION ALIMENTATION tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société CLERMONT DISTRIBUTION ALIMENTATION la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société CLERMONT DISTRIBUTION ALIMENTATION est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société CLERMONT DISTRIBUTION ALIMENTATION et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
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N° 07MA03038 2