Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2007, présentée pour la SELARL CABINET DEGRYSE, dont le siège est 7 avenue Pierre Verdier à Béziers (34500), par Me Arque, avocat ;
La SELARL CABINET DEGRYSE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405681, en date du 3 juillet 2007 du Tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant d'une part, à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et en pénalités, auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 1999 au 31 décembre 2002 et d'autre part, à la décharge des pénalités exclusives de bonne foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts y afférentes ;
2°) de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et en pénalités, auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 1999 au 31 décembre 2002 et d'autre part, à la décharge des pénalités exclusives de bonne foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts y afférentes ;
3°) de condamner l'Etat (services fiscaux) pour faute, au paiement d'une indemnité de 3 503 euros ;
4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2010 :
- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;
- les conclusions de Guidal, rapporteur public ;
- et les observations de Me Maurel pour la SELARL CABINET DEGRYSE ;
Sur la recevabilité des conclusions :
Considérant que les conclusions à fin d'indemnité présentées par la SELARL CABINET DEGRYSE sont nouvelles en appel ; que par suite, le ministre est fondé à soutenir qu'elles sont irrecevables ;
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée due sur les provisions :
Considérant qu'aux termes de l'article 267 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : ... II. Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : (...) 2° Les sommes remboursées aux intermédiaires, autres que les agences de voyage et organisateurs de circuits touristiques, qui effectuent des dépenses au nom et pour le compte de leurs commettants dans la mesure où ces intermédiaires rendent compte à leurs commettants, portent ces dépenses dans leur comptabilité dans des comptes de passage, et justifient auprès de l'administration des impôts de la nature ou du montant exact de ces débours. (...) ; qu'aux termes de l'article 269 du même code, en sa rédaction en vigueur pendant la période en litige : ... 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur autorisation du directeur des services fiscaux, d'après les débits. ... ;
Considérant qu'il est constant qu'en général la SELARL CABINET DEGRYSE, dont l'une des activités est plus juridique que judiciaire et dont le gérant est Me , sollicite des clients le versement d'une provision qui est déposée sur un compte spécial procédure et qui sert notamment à payer les débours constitués des frais à la charge du client ; que lors de l'encaissement de cette somme, elle ne procède pas au versement de la taxe sur la valeur ajoutée grevant la partie de cette provision correspondant aux prestations de service qu'elle assure aux clients ; que lorsque le travail pour le client est terminé, le cabinet établit la note d'honoraires et débours, le solde de la provision non utilisé pour les débours est viré sur le compte professionnel et le cabinet paie alors la taxe sur la valeur ajoutée y afférente ;
Considérant que la partie des provisions correspondant aux prestations de services que la SELARL CABINET DEGRYSE est appelée à rendre au client doit être regardée, au sens de la loi fiscale, comme des acomptes de ses honoraires ; que si les débours compris dans la provision ne sont pas compris dans les bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, la requérante doit, en revanche, soumettre les acomptes sur ses honoraires à ladite taxe dès l'encaissement de la provision en application des dispositions précitées de l'article 269 susvisé du code général des impôts ; qu'il n'est pas contesté que les courriers que la société requérante adresse à ses clients, pour paiement des provisions, distinguent les débours et les honoraires qu'elle réclame, et qu'elle est donc en mesure, à l'encaissement des provisions demandées, de soumettre les seconds à la taxe sur la valeur ajoutée sans comprendre les premiers dans les bases d'imposition ; que la circonstance que le montant des débours n'est pas précisément connu avant le terme des prestations qu'elle délivre ne l'empêche pas, le cas échéant et ainsi qu'elle l'admet, d'établir des factures rectificatives ; que la SELARL CABINET DEGRYSE soutient que l'obligation fiscale susmentionnée est en contradiction avec la réglementation et ses obligations déontologiques qu'elle doit respecter en qualité d'avocat ; qu'elle invoque, à ce titre, le paragraphe 11-1 alinéa 2 du règlement intérieur du barreau de Béziers, ayant été avalisé par le Procureur de la république près du Tribunal de grande instance de Narbonne, interrogé par l'un des membres de la Commission régionale des conseils juridiques au moment de la fusion entre la profession d'avocat et la profession de conseil juridique en 1992, qui prévoit que les honoraires sont acquis à l'avocat chargé par un client d'un dossier, même si ce dernier lui est retiré avant sa conclusion dans la mesure du travail accompli et tire de cette disposition du code de déontologie que l'avocat ne peut encaisser d'honoraires que dans la mesure du travail accompli ; qu'en conséquence la somme versée, à titre de provision, n'est pas acquise à l'avocat et ne peut constituer une recette soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que par suite, les provisions sur honoraires demeurent, d'un strict point de vue déontologique, la propriété du client dès lors que n'ont pas été complètement accomplis les actes et diligences professionnelles qu'elles provisionnent ; qu'elle invoque également les dispositions de l'article 63 du décret du 13 juillet 1972 relatif à la profession d'avocat et des dispositions prises en application qui définissent les obligations financières et comptables vis-à-vis des clients et qui précisent que les avances sur honoraires ne deviennent la propriété du professionnel que lorsque les actes pour lesquels il a été mandaté sont effectivement effectués ; que selon la requérante, l'avocat se trouve face à un dilemme dès lors que s'il se conforme à la loi fiscale et à l'instruction du 26 mars 1991 référencée 3A-7-91, issue de l'article 32 de la loi de finances pour 1991 qui détermine les modalités d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des activités réglementées des avocats et avoués, il peut faire l'objet d'une sanction prononcée par le parquet et cela peut constituer un délit d'abus de confiance réprimé par les articles 314-1 et 314-2 du nouveau code pénal ;
Considérant toutefois que la réglementation et les règles de déontologie professionnelles invoquées par la société requérante qui ont pour objet la protection des clients ne sauraient s'imposer à l'administration fiscale en ce qui concerne les obligations concernant le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée collectée ; que de plus, en tout état de cause, la réglementation et les règles de déontologie professionnelles invoquées ne sont pas incompatibles avec les règles fiscales puisque, même à supposer que la partie de la provision correspondant à une avance sur honoraires ne soit définitivement acquise à l'avocat que lorsque la prestation de services est rendue au client et que si à défaut, pour la protection du client, ledit avocat doive la rendre à celui-ci, il lui est toujours loisible de régulariser la taxe sur la valeur ajoutée qu'il doit réellement en tenant compte du trop payé du fait des honoraires rendus ; que la SELARL CABINET DEGRYSE ne saurait justifier ses pratiques litigieuses par comparaison avec celles des notaires et huissiers autorisées par une instruction du 20 janvier 1983, aux termes de laquelle les sommes perçues à titre de provision ne sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée qu'au terme de la prestation délivrée, dès lors que cette instruction ne concerne que les notaires et huissiers de justice ; que la circonstance qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité antérieure, le service n'a pas remis en cause ses pratiques en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur les provisions encaissées, qui ne vaut pas prise de position formelle au sens de l'article L.80B du livre des procédures fiscales ne peut être utilement invoquée par la société requérante ; que la SELARL CABINET DEGRYSE ne saurait soutenir que se plier à l'exigence fiscale dont s'agit l'obligerait à émettre des factures sans avoir rendu de prestation au client, et ce en méconnaissance des obligations légales et réglementaires des articles 289 I. du code général des impôts et de l'article 242 nonies A de l'annexe II à ce code ; qu'en effet les dispositions de l'article 289 I. susmentionné qui sont afférentes à l'obligation pour tout assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée de délivrer une facture ou un document en tenant lieu notamment pour les services rendus à un autre assujetti ou à une personne morale non assujettie, d'une part, ne couvrent pas les relations de la société requérante avec les personnes physiques qu'elle a pour clients et d'autre part, imposent, en tout état de cause, cette obligation également lors de l'encaissement des acomptes perçus au titre de ces opérations lorsqu'ils doivent donner lieu à exigibilité de la taxe ; que, sous réserve de régularisation, le redevable doit ainsi, même lorsqu'il n'a pas encore rendu la prestation de service, délivrer une facture ou un document en tenant lieu, sur lequel il lui appartient de définir les prestations couvertes par cet acompte ; qu'enfin la circonstance que les comptes visés sur la liste établie par le vérificateur aient été soldés et que la taxe sur la valeur ajoutée y afférente ait été payée postérieurement à l'encaissement des provisions en litige, n'est pas de nature à régulariser la pratique illégale dont s'agit de la SELARL CABINET DEGRYSE ; qu'ainsi, le service a pu légalement redresser les bases de la taxe sur la valeur ajoutée de la requérante du montant de la taxe grevant les acomptes sur honoraires compris dans les provisions encaissées ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
Considérant que le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant trois factures ; que d'une part, les deux factures des 31 mars et 14 juin 2000, de montants respectifs de 3 048,98 euros (20 000 F) et 13 365,21 euros (87 670 F) ont été établies par la Société anonyme à responsabilité limitée Fiscalib dont l'objet social était, au demeurant, l'édition de périodiques et de revues, pour respectivement 100 heures de gestion documentaire et 750 heures d'assistance et de secrétariat ; que lesdites prestations auraient été assurées par M. , fils de Me , gérant de la SELARL CABINET DEGRYSE, sise à Béziers ; que toutefois, qu'ainsi que l'invoque le service, la Société anonyme à responsabilité limitée Fiscalib a été dissoute en 1997 et M. , fils également de Me , a été nommé liquidateur de la société ; que la SELARL CABINET DEGRYSE ne conteste pas que M. n'avait pas qualité pour agir au nom de la Société Fiscalib à cette date ; que les prestations de services discutées auraient été réalisées trois ans après la dissolution de la prestataire ; que le détail de celles-ci n'est pas produit ; que la société requérante, s'agissant de gestion documentaire et de secrétariat, ne justifie pas du bien fondé du secret professionnel qu'elle a opposé au service ; que l'extrait du procès-verbal d'huissier en date du 9 novembre 1999 qualifiant M. de collaborateur du Cabinet de Me Degryse requis pour visiter des locaux, procès-verbal qui, au demeurant, n'établit pas que M. assurait cette prestation au nom de la Société Fiscalib et les attestations produites par la SELARL CABINET DEGRYSE, dont trois ne sont pas assorties de documents d'identité des signataires et qui ont été établies en octobre et novembre 2003 postérieurement à la vérification de comptabilité et à la notification des redressements en cause en juin 2003, ne sauraient suffire à justifier de la réalité des prestations de la Société anonyme à responsabilité limitée Fiscalib qui a procédé à la facturation et par suite, de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente ; que dans ces circonstances, et faute de justifications probantes et utiles sur la réalité des prestations de services litigieuses fournies par la requérante, c'est à bon droit que le service a considéré que les prestations facturées à cette dernière par la Société anonyme à responsabilité limitée Fiscalib étaient fictives ; que d'autre part, s'agissant de la facture de gestion de la documentation, établie le 4 décembre 2000 par la Société anonyme à responsabilité limitée Degryse Documentation, gérée par M. , pour un montant de 4 573,47 euros (30 000,00 F), l'administration doit être regardée comme établissant son caractère fictif en invoquant l'absence de justification en nature et en nombre d'heures des prestations fournies ainsi que la facture de même objet, établie pour un montant de 3 048,98 euros (20 000 F) le 31 mars 2000 par la Société Fiscalib ; qu'au demeurant, il n'est pas contesté que durant la période en cause et durant laquelle il aurait déjà assuré plus de 850 heures en gestion de la documentation juridique, d'assistance et de secrétariat au nom de la Société Fiscalib, M. était étudiant en troisième cycle universitaire à Grenoble ; que dans ces conditions, eu égard, au surplus, aux liens familiaux des associés et dirigeants de la SELARL CABINET DEGRYSE, de la Société anonyme à responsabilité limitée Fiscalib et de la Société anonyme à responsabilité limitée Degryse Documentation, en invoquant les motifs susmentionnés, le service a rapporté la preuve qui lui incombe du caractère fictif des prestations facturées à la requérante et a ainsi pu légalement remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures dont s'agit et procéder au redressement correspondant ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant qu'en invoquant d'une part, les irrégularités durant plusieurs années commises par la SELARL CABINET DEGRYSE quant à ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée due au titre des provisions sur honoraires et d'autre part, le caractère fictif des prestations qui lui ont été facturées pour des montants importants par la Société anonyme à responsabilité limitée Fiscalib et de la Société anonyme à responsabilité limitée Degryse Documentation, l'administration fiscale a légalement justifié l'application des pénalités exclusives de bonne foi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SELARL CABINET DEGRYSE n'est pas fondée à soutenir que c''est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle, en tout état de cause, au versement, à la partie perdante, de frais exposés et non compris dans les dépens ; que par suite les conclusions susmentionnées de la SELARL CABINET DEGRYSE doivent, dès lors, être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL CABINET DEGRYSE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL CABINET DEGRYSE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
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N° 07MA04142 2