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20/12/2011 | FRANCE | N°09MA03106

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2011, 09MA03106


Vu la requête, enregistrée le 11 août 2009, présentée par Me Nennouche, avocat, pour M. Louis A, élisant domicile ... ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701676 rendu le 14 mai 2009 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulon a limité à 30 000 euros l'indemnisation à verser par l'Etat (ministre des affaires étrangères) en réparation des préjudices subis du fait de sa titularisation tardive ;

2°) de condamner l'Etat (ministre des affaires étrangères) à lui verser la somme de 170 255,94 euros, outre les intérêts de

droit capitalisés à compter de la date de réception de la demande préalable ;

3°...

Vu la requête, enregistrée le 11 août 2009, présentée par Me Nennouche, avocat, pour M. Louis A, élisant domicile ... ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701676 rendu le 14 mai 2009 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulon a limité à 30 000 euros l'indemnisation à verser par l'Etat (ministre des affaires étrangères) en réparation des préjudices subis du fait de sa titularisation tardive ;

2°) de condamner l'Etat (ministre des affaires étrangères) à lui verser la somme de 170 255,94 euros, outre les intérêts de droit capitalisés à compter de la date de réception de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d'Etats étrangers ;

Vu la loi n° 83-481 du 11 juin 1983 définissant les conditions dans lesquelles doivent être pourvus les emplois civils permanents de l'Etat et de ses établissements publics et autorisant l'intégration des agents non titulaires occupant de tels emplois ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 70-354 du 21 avril 1970 relatif à l'attribution de primes de service et de rendement aux fonctionnaires de certains corps techniques de catégorie A ou B relevant du ministère de l'agriculture ;

Vu le décret n° 2000-241 du 13 mars 2000 instituant une indemnité spéciale de fonctions allouée à certains agents du ministère chargé de l'agriculture ;

Vu le décret n° 2000-788 du 24 août 2000 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration de certains personnels non titulaires dans des corps de fonctionnaires de catégorie A ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 pris par le Vice-Président du Conseil d'Etat autorisant la cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;

Considérant que M. A, agent contractuel recruté par le ministère de la coopération sur le fondement de dispositions de la loi du 13 juillet 1972, mis à disposition du ministère de l'agriculture et de la pêche à compter du 1er octobre 1999, a été titularisé dans le corps des ingénieurs des travaux agricoles de l'Etat à compter du 1er janvier 2002 ; que, par jugement du 14 mai 2009, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation de préjudices consécutifs au retard pris par l'administration pour édicter le décret n° 2000-788 du 24 août 2000 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration de certains personnels non titulaires dans des corps de fonctionnaires de catégorie A, conformément au principe d'intégration fixé par la loi du 11 janvier 1984 ; que M. A interjette appel du jugement précité en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses demandes indemnitaires ; que, dès lors que le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ne conteste pas la faute de l'Etat relevée par les premiers juges et fait valoir que le tribunal administratif a fait une juste appréciation de l'intégralité du préjudice subi par l'intéressé en lui allouant l'indemnité forfaitaire sus-évoquée, il doit être regardé comme concluant simplement au rejet de la requête présentée par M. A devant la Cour ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. // Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. // Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. //Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. //La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ;

Considérant qu'en se bornant à soutenir que le jugement ne mentionnerait pas l'ensemble des pièces de la procédure, sans préciser celles qui auraient été omises, et alors qu'il ressort de l'examen du dossier de première instance que tous les mémoires échangés par les parties ont été visés et analysés, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier au regard des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

Sur la faute de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique : Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 du titre 1er du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances ... ; que l'article 79 de la loi prévoit que des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour les agents non titulaires mentionnés à l'article 73 l'accès aux différents corps de fonctionnaires suivant certaines modalités ; qu'en vertu de l'article 80 de la même loi, les décrets prévus par son article 79 fixent, pour chaque ministère, les corps auxquels les agents non titulaires mentionnés à l'article 73 peuvent accéder et les modalités d'accès à ces corps ; que ces articles 79 et 80 reprennent d'ailleurs les dispositions de même objet prévues par les articles 14 et 15 de la loi du 11 juin 1983 visée ci-dessus ;

Considérant que le gouvernement avait l'obligation de prendre les textes d'application des articles 79 et 80 mentionnés ci-dessus dans un délai raisonnable ; qu'en ce qui concerne les agents non titulaires recrutés sur le fondement de la loi du 13 juillet 1972 ayant vocation à être nommés dans un corps de catégorie A, ces dispositions ont été fixées par le décret susvisé du 24 août 2000 ; qu'aux termes des articles 1er et 3 de ce décret, les agents concernés ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans un corps de fonctionnaires de catégorie A sous réserve de leur réussite à un examen professionnel ; qu'en vertu de son article 4, les agents non titulaires disposent d'un délai d'un an à compter de la date de publication du décret pour déposer leur candidature ;

Considérant que, compte tenu de la nature des mesures devant être adoptées et des circonstances propres à l'espèce, la publication du décret pris pour l'application des articles 79 et 80 de la loi du 11 janvier 1984 aux agents non titulaires relevant de la loi du 13 juillet 1972, aurait dû, pour respecter un délai raisonnable, intervenir au plus tard le 1er janvier 1986, de sorte que la titularisation des agents ayant réussi l'examen professionnel puisse prendre effet dès le 1er janvier 1987 ; qu'ainsi, l'inaction de l'Etat doit être regardée comme fautive à compter du cette dernière date, comme l'appelant le reconnaît d'ailleurs dans le dernier état de ses écritures ;

Sur les préjudices :

Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, M. A circonscrit ses demandes indemnitaires à la réparation de deux préjudices matériels et du préjudice moral dont il impute la cause directe à la faute sus-définie ;

Considérant, en premier lieu, que les pertes de traitement, dont M. A demande réparation pour la période allant du 1er janvier 2002 au 30 octobre 2011, constituées du différentiel entre le traitement qui lui a été versé et celui qu'il aurait perçu s'il avait été titularisé au 1er janvier 1987, constituent, contrairement à ce que soutient le ministre, un préjudice certain, directement lié à la faute commise par l'Etat ; que, sur la période allant du 1er août 2000, date de son affectation à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Var, au 31 décembre 2001, durant laquelle il a effectivement exercé ses fonctions, il est également fondé à réclamer l'indemnisation du non-versement de deux primes qu'il aurait perçues s'il avait alors été agent titulaire, à savoir la prime de service et de rendement au taux moyen de 6 % prévu par le décret n° 70-354 du 21 avril 1970 susvisé et l'indemnité spéciale de fonctions instituée par le décret n° 2000-241 du 13 mars 2000 susvisé ; que, compte tenu des derniers calculs du requérant, non contestés par l'administration, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier subi par M. A au titre des pertes de rémunérations en lui allouant la somme de 51 145,74 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A demande réparation du préjudice financier résultant de la perte d'une chance d'avancement au grade d'ingénieur divisionnaire à compter du mois d'août 2000 ; que s'il indique lui-même que cet avancement se fait sur liste d'aptitude et que seuls 25 %, en moyenne, d'une classe d'ingénieur des travaux agricoles sont promus au grade d'ingénieur divisionnaire, il ne verse au dossier aucune appréciation, évaluation ou notation de nature à établir que, par ses qualités professionnelles, il avait une chance sérieuse d'être promu à ce grade ; que, par suite, les conclusions de M. A tendant à la réparation de ce chef de préjudice ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, en troisième lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis à raison de son maintien dans une situation non statutaire en dépit de la loi prévoyant sa titularisation, en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros qu'il demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ;

Considérant que M. A, qui, dans le dernier état de ses écritures, ne demande plus réparation du préjudice consistant en une minoration de sa retraite, sollicite en revanche que, sur la base d'une titularisation qui aurait dû prendre effet au 1er janvier 1987, il soit enjoint à l'Etat de lui verser pour l'avenir son traitement ainsi recalculé d'une part, de reconstituer ses droits à pension d'autre part ; que cependant, le présent arrêt n'implique nullement que la Cour procède aux injonctions demandées, dès lors que les seules mesures d'exécution impliquées nécessairement par un arrêt rendu, comme en l'espèce dans le cadre d'un contentieux exclusivement indemnitaire, consistent dans le règlement des sommes qu'il condamne l'administration à verser ; que, par suite, les conclusions précitées sont irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que les sommes mentionnées ci-dessus doivent porter intérêts à compter du 30 novembre 2006, date de réception par l'administration de la réclamation préalable de M. A ;

Considérant que le 9 avril 2009, date de la demande par M. A de capitalisation des intérêts, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a borné son indemnisation à la somme de 30 000 euros, et à obtenir que le montant global de l'indemnité réparant les préjudices invoqués soit porté à la somme de 56 145,74 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2006 avec capitalisation à compter du 9 avril 2009 ; que le jugement doit être réformé dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A dans l'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que l'Etat est condamné à payer à M. A est portée à la somme de 56 145,74 euros (cinquante-six mille cent quarante-cinq euros soixante-quatorze centimes). La somme précitée portera intérêts à compter du 30 novembre 2006, et capitalisation des intérêts à compter du 9 avril 2009 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : Le jugement rendu le 14 mai 2009 par le tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent dispositif.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Louis Mohan A et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

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N° 09MA031062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA03106
Date de la décision : 20/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Retards.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : NENNOUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-12-20;09ma03106 ?
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