Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 29 avril 2010, sous le n° 10MA01658, présentée pour le cabinet MPC avocats, dont le siège est au 11 rue Saint Lazare à Paris (75009), par Me Letessier ;
Le cabinet MPC avocats demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0706206 du 23 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la commune de Gap en date du 10 juillet 2007 rejetant sa candidature ainsi que la décision d'attribution du marché, et, d'autre part, à ce que la commune soit condamnée à lui payer la somme de 160 000 euros correspondant à son manque à gagner et la somme de 1 200 euros au titre des frais engagés pour la constitution de son dossier d'offre ;
2°) d'annuler la décision de la commune de Gap en date du 10 juillet 2007 rejetant sa candidature ainsi que la décision d'attribution du marché ;
3°) de condamner la commune à lui payer la somme de 160 000 euros correspondant à son manque à gagner et la somme de 1 200 euros au titre des frais engagés pour la constitution de son dossier d'offre ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Gap la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.......................................................................................................
Vu la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 31 mars 2004 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2012 :
- le rapport de Mme Felmy, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,
- et les observations de Me Aubert, représentant la commune de Gap ;
1. Considérant que le cabinet d'avocats MPC a présenté une offre dans le cadre de la passation d'un marché d'assistance juridique par la commune de Gap, pour quatre des six lots mis à la concurrence dans le cadre d'une procédure adaptée ; que son offre a été rejetée par décision notifiée par le maire de la commune le 10 juillet 2007 ; qu'à la suite de sa demande en date du 12 juillet 2007, la commune lui a adressé les motifs du rejet de son offre par lettre en date du 26 juillet 2007 ; que le cabinet requérant a adressé à la commune une réclamation préalable le 7 septembre suivant à fin d'indemnisation de son éviction du marché qu'il estimait irrégulière et a introduit le 12 septembre une demande auprès du tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de la décision en date du 10 juillet 2007 par laquelle il a été informé du rejet de son offre et celle d'attribution du marché et à l'indemnisation de son préjudice, consécutif à cette éviction ; qu'il interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille, territorialement compétent, l'a rejetée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non recevoir opposées par la commune à la demande de première instance et à la requête d'appel du cabinet MPC avocats ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la minute du jugement attaqué, jointe au dossier de première instance, que celui-ci est signé par le président de la formation de jugement, rapporteur, le magistrat assesseur et le greffier ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant qu'il disposait des pièces suffisantes à l'appréciation des moyens qui lui étaient soumis, et en jugeant au vu de ces pièces du dossier que les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de son offre devaient être rejetées, sans qu'il ait estimé nécessaire d'ordonner la communication de l'offre de l'attributaire du marché litigieux ni d'autres pièces pour se déterminer, le tribunal administratif de Marseille, seul maître de l'instruction de l'affaire, n'a pas méconnu son office ni les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit au procès équitable et le principe de l'égalité des armes ;
4. Considérant, en troisième lieu, que le jugement attaqué, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments du requérant, a écarté de manière détaillée les moyens tirés de l'absence de motivation de la décision du 10 juillet 2007 et de l'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision de rejet de l'offre du requérant :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :
5. Considérant que si le cabinet MPC avocat soutient que le maire de la commune de Gap n'était pas compétent pour rejeter sa candidature au marché litigieux en l'absence de délégation du conseil municipal pour passer les actes de procédure entourant la passation du marché, il ressort des pièces du dossier que le maire s'est limité à signer le courrier en date du 10 juillet 2007 informant le requérant du rejet de son offre, lequel a été décidé par la commission d'appel d'offres le 14 juin 2007 ;
En ce qui concerne l'absence de motivation :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; - infligent une sanction ; - subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; - opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public. " ;
7. Considérant que dans son article 1er, la loi du 11 juillet 1979 n'exige la motivation que des décisions administratives individuelles défavorables qu'elle énumère ; que la décision de rejet des offres n'est pas au nombre de celles devant être motivées en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que dès lors, le cabinet MPC avocats ne peut utilement se prévaloir des dispositions de cette loi ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 80 I. 1° du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au litige : " Pour les marchés et accords-cadres passés selon une des procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur avise, dès qu'il a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, tout les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leurs offres, en indiquant les motifs de ce rejet " ; qu'aux termes de l'article 83 du même code : " Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours à compter de la réception d'une demande écrite, à tout candidat écarté qui en fait la demande les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout candidat dont l'offre n'a pas été rejetée pour un motif autre que ceux mentionnés au III de l'article 53, les caractéristiques et les avantages relatifs à l'offre retenue ainsi que le montant du marché attribué et le nom de l'attributaire " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'appel d'offres lancé par la commune de Gap en vue de la passation d'un marché ayant pour objet des services de prestations juridiques a été organisé selon une procédure adaptée, en application des dispositions précitées de l'article 30 du code des marchés publics et de l'alinéa 3 de l'article 26 selon lequel " II. - Les marchés et accords-cadres peuvent aussi être passés selon une procédure adaptée, dans les conditions définies par l'article 28, lorsque le montant estimé du besoin est inférieur aux seuils suivants : (...) 2° 206 000 Euros HT pour les fournitures et les services des
collectivités territoriales ; " et qu'il n'est pas contesté que son montant était égal ou inférieur à 206 000 euros ; qu'il résulte de la lecture de la lettre en date du 26 juillet 2007 par laquelle la commune de Gap a informé le cabinet MPC avocats des raisons du rejet de son offre à la suite de sa demande en ce sens, que la commune a procédé à une analyse de sa proposition au regard des critères de jugement des offres et a indiqué à ce titre que la note méthodologique présentée par le cabinet requérant est assez intéressante mais très succincte, son offre ne proposant aucun référent particulier, la méthode décrite est assez brève, que les tarifs proposés sont attrayants et les délais d'intervention très intéressants ; qu'elle a également indiqué les raisons pour lesquelles la commission d'appel d'offre avait porté son choix pour chacun des lots n° 1 à 4 du marché en fonction des caractéristiques et des avantages des offres retenues et les raisons du classement de l'offre du requérant en deuxième et troisième positions pour les lots n°1 à 4, par comparaison avec les candidats retenus ; que si l'article 83 précité du code des marchés publics impose au pouvoir adjudicateur de communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché, aucun texte ni aucun principe n'imposait à la commune qu'elle communique au cabinet MPC avocats le tableau d'analyse des offres avec le détail de l'offre de l'attributaire et la liste des candidats mieux placés avec leur notation critère par critère, ni les divers autres documents demandés par ce cabinet ; que, par suite, le cabinet MPC avocats n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles 80 et 83 du code des marchés publics et des principes qui découlent de l'exigence d'égal accès à la commande publique, rappelés par le deuxième alinéa du I de l'article 1er du code des marchés publics, selon lequel : " Quel que soit leur montant, les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ils exigent une définition préalable des besoins de l'acheteur public, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse (...) " ;
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 5.1 du règlement de la consultation relatif aux critères d'attribution : " (...) La commission d'appel d'offres du pouvoir adjudicateur, conformément à l'article 30 du code des marchés publics, choisira l'offre économiquement la plus avantageuse appréciée en fonction des critères, notés chacun sur vingt, énoncés ci-dessous avec la pondération suivante : - Valeur technique de l'offre : 40% / - Délais, réactivité et disponibilité : 35% / - Prix des prestations : 25% (...) " ; qu'en vertu de ce même article, la valeur technique est jugée au moyen de la note méthodologique ; que l'article 3.B du règlement de consultation a imposé aux candidats de préciser dans la note méthodologique les conditions et modalités d'intervention, la méthode utilisée pour communiquer mensuellement sur l'avancée des missions, un curriculum vitae des professionnels appartenant à la structure et désignés dans l'acte d'engagement pour le traitement des dossiers confiés par la collectivité, les délais prévisionnels de réponse aux consultations et aux sollicitations de la Ville, en fonction de leur nature et toute autre précision que le candidat jugerait utile et susceptible d'apporter une valeur ajoutée à la réalisation des prestations ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'offre du cabinet MPC avocats a été classée à la 2ème place pour le lot n° 1, à la 3ème place pour le lot n° 2, à la 2ème place pour le lot n°3 et à la 2ème place pour le lot n°4 ; que ces lots ont été attribués à des offres que la commune a considérées comme présentant un niveau de valeur technique jugé supérieur, le critère des délais, réactivité, disponibilité étant intéressant pour tous les candidats retenus comme pour le cabinet évincé et les prix proposés par le requérant étant attrayants ; qu'il résulte du rapport d'analyse des offres tel qu'il a été communiqué par la lettre du 26 juillet 2007, comportant l'analyse de la proposition et l'appréciation des critères des offres du requérant et des candidats retenus pour les quatre lots, que le cabinet MPC Avocats a présenté une note méthodologique très succincte avec une méthode brièvement décrite justifiant une note moins élevée sur le critère de la valeur technique que son concurrent retenu pour les lots 1, 3 et 4, qui a présenté une note méthodologique d'une grande qualité et celui retenu pour le lot 2, qui a proposé une excellente note méthodologique ; qu'il résulte de l'instruction que l'erreur matérielle commise par la commune de Gap, qui a à tort affirmé qu'il n'existait pas d'avocat référent, est sans influence sur l'insuffisance de la note méthodologique précédemment relevée, établie par l'appréciation des conditions et modalités d'intervention, de la méthode de communication, des compétences des professionnels des cabinets d'avocats et des délais prévisionnels de réponse aux sollicitations de la ville ; qu'à supposer même que le cabinet se soit vu attribuer une note supérieure sur la valeur technique de son offre à celle qu'il a obtenue en conséquence de cette méprise, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Gap ait entaché d'erreur manifeste son appréciation de la valeur technique des différentes offres pour les quatre lots en cause, compte tenu de l'importance donnée à la note méthodologique par le règlement de consultation, de la pondération de ce critère et de l'appréciation opérée sur la qualité des autres offres, lesquelles ont offert des éléments supplémentaires qui ont apporté une valeur ajoutée à leur offre, tels que la présentation d'une charte de qualité ou des séances d'actualité juridique ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que les offres de prix, constituant l'un des critères de choix des offres pondéré seulement à hauteur de 25%, des candidats retenus étaient équivalentes voire pour certains points, plus intéressantes que celles du requérant ; qu'ainsi, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est au terme d'un calcul différent que son offre et celles de ses concurrents auraient dû être évaluées ;
12. Considérant qu'eu égard à l'atteinte au secret en matière industrielle et commerciale qu'aurait comporté la communication d'un dossier d'un autre concurrent dans le cadre de l'appel d'offre, la commune n'a, en tout état de cause, commis aucune irrégularité en ne communiquant pas au cabinet requérant le dossier des candidats finalement retenus ;
En ce qui concerne la fixation des prix dans les offres :
13. Considérant que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le critère relatif au prix des prestations méconnaît le principe de libre fixation des honoraires des avocats, prévus par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et la directive 2004/18/CE, dès lors que les stipulations financières du contrat résulteront d'un accord conventionnel entre la commune de Gap et le candidat retenu et que ces dispositions n'ont pas pour effet d'empêcher qu'une collectivité puisse prendre en considération le critère du prix pour décider de l'attribution d'une offre ; que ces modalités ne sont pas davantage contraires aux dispositions du 4° de l'article 30 du code de marchés publics dans sa version applicable au litige, selon lequel " Le pouvoir adjudicateur veille au respect des principes déontologiques et des réglementations applicables, le cas échéant, aux professions concernées ; " ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre à la commune de produire l'offre de l'attributaire du marché, que le cabinet MPC avocats n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juillet 2007 ; que dans la mesure où aucun moyen n'est invoqué par le requérant à l'encontre de la décision d'attribution du marché, les conclusions tendant à son annulation doivent être rejetées, de même que les conclusions indemnitaires en conséquence de l'absence d'illégalité des décisions litigieuses ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gap, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le cabinet MPC avocats demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu,
dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du cabinet MPC avocats la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Gap et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du cabinet MPC avocats est rejetée.
Article 2 : Le cabinet MPC avocats versera à la commune de Gap la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au cabinet MPC avocats et à la commune de Gap.
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