Vu la décision n° 348109 du 6 juin 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour l'association Euro-Corsica Race et M. Fred B, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 09MA01056 en date du 3 février 2011 et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 23 mars 2009 et 23 avril 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 09MA01056, présentés pour l'association Euro-Corsica Race, dont le siège est situé chez la société Williwaw, face au 36 quai Alphonse Le Gallo à Boulogne-Billancourt (92100), et par M. Fred B, président de la société Williwaw, demeurant à la même adresse, par Me Coudray ;
L'association Euro-Corsica Race et M. B demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701278 du 8 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles l'Etat et la collectivité territoriale de Corse ont rejeté leur demande indemnitaire préalable, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la collectivité territoriale de Corse à payer la somme de 209 657,65 euros à l'association Euro-Corsica Race et la somme de 20 000 euros à M. B, avec intérêts de droit à compter de la date de réception des demandes préalables et capitalisation de ces intérêts à compter de la date anniversaire de cet événement et à chacune des échéances annuelles successives, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis dans le cadre de l'organisation de la course de régates " Euro-Corsica Race " et à ce que la somme de 5 980 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la collectivité territoriale de Corse, pris solidairement, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler les décisions implicites susmentionnées ;
3°) de condamner solidairement l'Etat et la collectivité territoriale de Corse à payer à l'association Euro-Corsica Race la somme de 209 657,65 euros et à M. B la somme de 20 000 euros, avec intérêts de droit à compter de la date de réception des demandes préalables et capitalisation de ces intérêts à compter de la date anniversaire de cette réception et à chacune des échéances annuelles successives postérieures ;
4°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse la somme de 7 774 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement du Conseil européen n° 1260/1999 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Marzoug, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;
1. Considérant que par décision en date du 18 décembre 2001, la Commission européenne a approuvé, en application du règlement (CE) n° 1260/1999 portant dispositions générales sur les fonds structurels, un programme d'initiative communautaire Interreg III A Italie-France " Iles ", entre la Sardaigne, la Corse et la Toscane, pour une période allant de 2002 à 2006 ; que la Sardaigne a été désignée comme autorité unique de gestion et de paiement, la collectivité territoriale de Corse étant, quant à elle, désignée comme autorité de gestion et de paiement auxiliaire, chargée en tant que telle de la présélection et de la présentation des projets ;
que la décision de l'attribution des subventions a été confiée à un comité de gestion présidé par la Sardaigne et comportant des représentants des trois régions concernées, la Corse étant ainsi représentée par des membres de la collectivité territoriale et par le préfet de Corse ;
que la Sardaigne a été chargée de réaliser les appels de fonds auprès de la Commission européenne, de recevoir les paiements, puis de verser l'avance et les tranches successives justifiées du FEDER aux autorités de paiement auxiliaires désignées dans chaque région partie au programme ; que la collectivité territoriale de Corse a été chargée de prendre les décisions d'attribution de la part nationale en cas de co-financement, de conclure les conventions de subvention et d'opérer le paiement effectif des subventions ; que, dans ce cadre, l'association Euro-Corsica Race, présidée par M. B, a présenté le 21 mai 2002 un projet de course de catamarans de sport entre Livourne et Bastia, incluant un tour de la Corse, qui devait se dérouler chaque année au mois de juin sur la période 2002-2005 ; qu'après avis favorable du service instructeur du 11 juin 2002, le comité de gestion a décidé, le 18 juillet 2002, d'accorder une subvention à l'association Euro-Corsica Race au titre de l'édition 2002 de la course ; que par délibérations en date des 27 juillet 2002 et 25 octobre 2002, le conseil exécutif de Corse a accordé 68 603 euros et 114 337 euros au titre, respectivement, de l'aide nationale et des fonds communautaires ; que M. B a été informé par courrier de la collectivité territoriale de Corse en date du 31 juillet 2002 de l'attribution de ces deux subventions ; que la convention relative auxdites subventions a été conclue en décembre 2002 ; qu'après avoir organisé une nouvelle édition de la course en juin 2003, l'association Euro-Corsica Race a présenté, les 9 décembre 2003 et 2 mars 2004, une demande de versement des subventions qu'elle estimait lui être dues au titre de cette nouvelle édition auprès de la collectivité territoriale de Corse, à laquelle il n'a pas été répondu ; que les requérants ont alors saisi, par courrier en date du 7 août 2007, la collectivité territoriale de Corse et le préfet de Corse d'une demande en réparation des préjudices subis du fait du non-versement des subventions au titre de l'année 2003 et du versement tardif de la subvention au titre de l'année 2002, laquelle est également restée sans réponse ; que l'association Euro-Corsica Race et M. B ont saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet nées de l'absence de réponse de la collectivité territoriale de Corse et du préfet de Corse à leur demande indemnitaire préalable en date du 7 août 2007 et à la condamnation solidaire de l'Etat et de la collectivité territoriale de Corse au paiement de la somme de 209 657,65 euros à l'association Euro-Corsica Race et la somme de 20 000 euros à M. B en réparation de leurs préjudices ; que l'association Euro-Corsica Race et M. B relèvent appel du jugement en date du 8 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'en se bornant à relever " qu'il ne peut être déduit d'aucun des autres documents produits que l'engagement de l'Etat ou de la collectivité territoriale de Corse concerne les années ultérieures " pour répondre aux moyens invoqués par l'association Euro-Corsica Race et M. B tirés de l'existence d'une décision du comité de gestion accordant à l'association Euro-Corsica Race un financement pour la période 2002-2005 et de ce que l'association était en droit d'être indemnisée des préjudices subis sur le fondement de l'enrichissement sans cause, le tribunal administratif de Bastia a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ; que, par suite, il y a lieu, sans qu'il soit d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, d'annuler ce jugement ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association Euro-Corsica Race et M. B devant le tribunal administratif de Bastia ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le moyen tiré du retrait illégal par la collectivité territoriale de Corse de la décision du comité de gestion du 18 juillet 2002 :
4. Considérant que les requérants soutiennent que le comité de gestion aurait décidé d'accorder à l'association Euro-Corsica Race un financement pour une période allant de 2002 à 2005 ; que, cependant, il résulte des termes du procès-verbal de la séance du 18 juillet 2002 du comité de gestion que celui-ci a approuvé le projet " Euro-Corsica Race " " uniquement pour l'année 2002, avec l'intention que pour les années suivantes le projet soit approuvé avec un partenariat " ; que l'association Euro-Corsica Race et M. B ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la collectivité territoriale de Corse aurait procédé au retrait de la décision du 18 juillet 2002 en tant que celle-ci aurait également approuvé le projet pour les années 2003 à 2005 ; que, dès lors, les moyens soulevés à l'encontre de cette prétendue décision de retrait ne peuvent qu'être écartés ;
En ce qui concerne les moyens tirés de l'illégalité de la décision du 18 juillet 2002 du comité de gestion et de l'illégalité du retrait de cette décision par le comité :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application du programme d'initiative communautaire Interreg III A Italie-France " Iles ", entre la Sardaigne, la Corse et la Toscane, le comité de gestion, qui était notamment chargé de procéder à la sélection et à l'approbation définitive des projets à financer, était composé de représentants sardes, toscans, corses, de membres de droit représentant la Commission européenne, l'autorité de gestion auxiliaire, l'autorité de paiement auxiliaire et l'autorité environnementale régionale et de personnalités invitées à y participer en fonction de l'ordre du jour ; que le juge administratif français n'est compétent ni pour apprécier la légalité, contestée par les requérants, de la décision en date du 18 juillet 2002 prise par ce comité de gestion, lequel ne saurait être regardé comme une autorité nationale, ni pour apprécier la légalité du retrait allégué de cette décision par ledit comité ;
En ce qui concerne le moyen tiré des fautes commises en raison de la méconnaissance du principe de confiance légitime et des promesses non tenues :
6. Considérant que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, peut être invoqué par tout opérateur économique auprès duquel une autorité nationale a fait naître, à l'occasion de la mise en oeuvre du droit de l'Union, des espérances fondées ; qu'en premier lieu, l'association Euro-Corsica Race et M. B soutiennent que l'avis favorable au projet " Euro-Corsica Race " donné par le service instructeur le 11 juin 2002 révèle la volonté des collectivités mises en cause d'accorder les subventions demandées jusqu'en 2005 ; que, cependant, cet avis ne comporte aucune mention relative à la durée du financement envisagé ; qu'en deuxième lieu, contrairement à ce qui est allégué par les requérants, il résulte clairement de la convention conclue entre la collectivité territoriale de Corse et l'association Euro-Corsica Race, et notamment des articles 4, 5 et 6 de cette convention, que la subvention n'était accordée que pour l'édition 2002 de la course, sans aucun engagement pour les années suivantes ; qu'en troisième lieu, si le rapport d'instruction daté du 8 juillet 2002, établi par la collectivité territoriale de Corse, comportait la mention selon laquelle le projet proposé par l'association Euro-Corsica Race méritait d'être soutenu " pour toute la durée du programme ", ce document destiné à convaincre le comité de gestion ne saurait être regardé comme comportant un quelconque engagement de cette collectivité sur la durée de financement du projet ;
qu'en quatrième lieu, les courriers en date du 7 novembre 2002 et du 1er avril 2003 adressés à la collectivité territoriale de Corse et les courriers de partenaires exprimant leur accord pour la réalisation d'une édition 2003 de la course n'établissent que le seul intérêt des requérants pour la poursuite du projet et ne révèlent pas l'intention de la collectivité territoriale de Corse de participer au financement de cette nouvelle édition ; qu'en cinquième lieu, le " traitement général du dossier ", invoqué par les requérants, ne démontre aucunement que les autorités françaises se seraient engagées pour un versement des subventions sur plusieurs années ; qu'il résulte de ce qui précède que l'association Euro-Corsica Race et M. B ne sont pas fondés à soutenir que, par leur comportement, l'Etat et la collectivité territoriale de Corse les auraient entretenus dans l'idée que les subventions étaient également accordées pour les années 2003 à 2005 ; que, par suite, le moyen tiré des fautes commises en raison de la méconnaissance du principe de confiance légitime et des promesses non tenues ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré du versement tardif de la subvention due au titre de l'année 2002 :
7. Considérant, d'une part, que si la décision du comité de gestion est intervenue le 18 juillet 2002 et que la convention précisant les conditions d'attribution de la subvention passée entre la collectivité territoriale de Corse et l'association Euro-Corsica Race n'a été conclue qu'en décembre 2002, il ne résulte pas de l'instruction que le délai écoulé entre la décision du 18 juillet 2002 et la signature de la convention en décembre 2002 serait imputable à un manquement fautif de la collectivité territoriale de Corse ; que, d'autre part, il résulte de la note interne en date du 28 août 2003 versée aux débats par la collectivité territoriale de Corse et des courriers en date des 27 septembre 2003 et 20 octobre 2003 transmis à l'association requérante par cette collectivité qu'elle n'avait pas remis à la collectivité, prise en qualité d'autorité auxiliaire de paiement, l'ensemble des pièces exigées par l'article 9 de la convention susmentionnée pour permettre le règlement du solde de la subvention accordée au titre de l'année 2002 ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la collectivité territoriale de Corse aurait commis une faute en procédant tardivement au paiement de ce solde ;
En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :
8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat et la collectivité territoriale de Corse auraient tiré profit de la course " Euro-Corsica Race " organisée en 2003 par l'association Euro-Corsica Race et M. B ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'à défaut de versement d'une subvention au titre de l'année 2003, ces deux personnes publiques auraient bénéficié d'un enrichissement sans cause ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par l'association Euro-Corsica Race et M. B doivent être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions implicites de rejet des demandes indemnitaires préalables :
10. Considérant que, dès lors que les conclusions indemnitaires présentées par les requérants ont été rejetées, leurs conclusions à fin d'annulation des décisions implicites par lesquelles la collectivité territoriale de Corse et le préfet de la région Corse ont implicitement rejeté leurs demandes indemnitaires préalables notifiées le 8 août 2007 doivent également être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la collectivité territoriale de Corse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse aux requérants une somme au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association Euro-Corsica Race et de M. B, pris solidairement, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la collectivité territoriale de Corse et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 8 janvier 2009 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association Euro-Corsica Race et M. B devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.
Article 3 : L'association Euro-Corsica Race et M. B, pris solidairement, verseront une somme de 2 000 (deux mille) euros à la collectivité territoriale de Corse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la collectivité territoriale de Corse est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Euro-Corsica Race, à M. Fred B, à la collectivité territoriale de Corse et au ministre de l'intérieur.
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N° 12MA02475
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