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04/03/2013 | FRANCE | N°10MA03500

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 04 mars 2013, 10MA03500


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre et 26 novembre 2010, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03500, présentés pour Mme K...E..., demeurant..., M. O...I...demeurant..., Mme F...B...demeurant ...à Nice (06200), Mlle R... L...demeurant..., Mme N...C...demeurant..., Mme S...G...demeurant..., M. Q...M...demeurant ...demeurant..., par Me D... ;

Mme E...et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601894 du 27 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande

tendant à l'annulation de la délibération du 10 mars 2006 en tant que l...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre et 26 novembre 2010, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03500, présentés pour Mme K...E..., demeurant..., M. O...I...demeurant..., Mme F...B...demeurant ...à Nice (06200), Mlle R... L...demeurant..., Mme N...C...demeurant..., Mme S...G...demeurant..., M. Q...M...demeurant ...demeurant..., par Me D... ;

Mme E...et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601894 du 27 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 10 mars 2006 en tant que le conseil d'administration de l'université de Nice-Sophia-Antipolis qualifie en travaux dirigés la totalité des heures d'enseignement dispensées à l'institut des langues et la décision de la directrice de l'institut des langues du 20 mars 2006 et à la condamnation de l'université de Nice-Sophia-Antipolis de leur verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la délibération du conseil d'administration de l'université de Nice-Sophia-Antipolis du 10 mars 2006 et la décision de la directrice de l'institut des langues du 20 mars 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Nice-Sophia-Antipolis une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ; les premiers juges ont en effet estimé que la délibération du 10 mars 2006 ne faisait que révéler une décision du président de l'université et qu'ainsi, la mesure prise n'avait pas à être soumise au vote ; qu'en outre, les juges de première instance n'ont pas répondu aux conclusions ; il ressort des dispositions des articles 5 et 12 §3 des statuts de l'université que toute modification apportée à la qualification d'heures d'enseignement dispensées ne peut être autorisée que par une délibération du conseil d'administration ; le quorum n'était pas atteint durant le vote ;

- les premiers juges se sont abstenus de répondre au moyen tiré de l'application rétroactive de la délibération en litige ; la délibération modifie rétroactivement les conditions de travail et la rémunération des enseignants jusqu'au mois de septembre 2005, date à laquelle débute l'année universitaire ; en application de cette délibération, la directrice de l'Institut des langues a sollicité que les enseignants remplissent leur fiche de service en qualifiant toutes les heures d'enseignement en travaux dirigés pour l'ensemble de l'année 2005-06 ;

- en écartant le moyen tiré du détournement de pouvoir, le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;

- la délibération ne fait pas qu'entériner la décision du président qui n'a pas de compétence en la matière ;

- les décisions contestées sont rétroactives ;

Vu la lettre du 20 janvier 2011 par laquelle le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche indique que l'Etat n'est pas partie au litige qui oppose des enseignants à leur université d'affectation et relève de l'organisation pédagogique interne de l'université ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2012, au greffe de la Cour, présentée pour l'université de Nice-Sophia-Antipolis, représentée par son président en exercice, par Me H..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- le jugement est motivé ; la question de l'absence de quorum est inopérante dès lors que la mesure qui n'a ni pour objet, ni pour effet de transformer ou de supprimer des enseignements ou des diplômes mais d'en changer le taux horaire au regard de leur nature, n'avait pas à être soumise au vote ; la délibération prend acte de la décision du président ;

- la décision de la directrice de l'Institut, prise en exécution de la délibération qui révèle la décision du président, n'est pas rétroactive ; en tout état de cause, l'ensemble des enseignants concernés étaient informés ; la décision est d'application immédiate en toute état de cause, la " rétroactivité " est sans incidence sur la légalité de la mesure ;

-il appartient au président de l'université de définir le service des agents placés sous son autorité, en vertu de son pouvoir général d'organisation du service et de l'autonomie pédagogique ;

- l'enseignement d'apprentissage de langue dispensé par des enseignants du secondaire est technique et n'est pas adossé à de la recherche ; il ne débouche pas sur l'obtention de diplômes nationaux ; il a pu à bon droit être qualifié de travaux dirigés et non de cours magistraux

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le courrier en date du 8 janvier 2013, par lequel la Cour a informé les parties qu'elle était susceptible de fonder sa décision sur un moyen relevé d'office tenant à l'incompétence du conseil d'administration de l'université de Nice-Sophia-Antipolis en tant qu'il décide le 10 mars 2006 de la nature (TD ou cours magistral) des enseignements de langue pour les non-spécialistes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me J...représentant Mme E...et les autres requérants ;

1. Considérant que Mme E...et les autres requérants, enseignants du second degré et maîtres de conférences, ont dispensé, au titre de l'année 2005-2006, des cours de langues au sein de l'institut des langues, rattaché à l'université de Nice-Sophia-Antipolis ; que par le jugement attaqué du 27 mai 2010, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 10 mars 2006 en tant que le conseil d'administration de l'université de Nice-Sophia-Antipolis a requalifié en travaux dirigés la totalité des heures d'enseignement à l'institut des langues et la décision du 20 mars 2006 de la directrice de l'institut des langues, prise en application de la délibération précitée du 10 mars 2006 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la délibération du conseil d'administration de l'université :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 712-1 du code de l'éducation en vigueur à la date de la délibération en cause : " Le président d'université par ses décisions, le conseil d'administration par ses délibérations, le conseil scientifique ainsi que le conseil des études et de la vie universitaire par leurs propositions, leurs avis et leurs voeux, assurent l'administration de l'université " ; qu'aux termes de l'article L. 712-2 du même code : " Le président dirige l'université. Il la représente à l'égard des tiers ainsi qu'en justice, conclut les accords et les conventions. Il est ordonnateur des recettes et des dépenses de l'université. Il préside les trois conseils, prépare et exécute leurs délibérations, reçoit leurs propositions et avis. Il a autorité sur l'ensemble des personnels de l'établissement. Il affecte dans les différents services de l'université les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service. Il nomme les différents jurys. Il est responsable du maintien de l'ordre et peut faire appel à la force publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. " ; que l'article L. 712-3 dispose que " Le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement, notamment en délibérant sur le contenu du contrat d'établissement. Il vote le budget et approuve les comptes. Il fixe, dans le respect des priorités nationales, la répartition des emplois qui lui sont alloués par les ministres compétents. Il autorise le président à engager toute action en justice. Il approuve les accords et les conventions signés par le président, et, sous réserve des conditions particulières fixées par décret, les emprunts, les prises de participation, les créations de filiales, l'acceptation de dons et legs et les acquisitions immobilières. Il peut déléguer certaines de ses attributions au président de l'université. " ; qu'aux termes de l'article XII des statuts de l'université de Nice-Sophia-Antipolis, approuvés par arrêté ministériel du 5 novembre 1988 modifié, en vigueur à la date de la délibération en cause : " Conformément à l'article L712-3 du code de l'Education, le conseil d'administration détermine la politique de l'Université, notamment en délibérant sur le contenu du contrat d'établissement. Il vote le budget et approuve les comptes. Il fixe, dans le respect des priorités nationales, la répartition des emplois. Il autorise le Président à engager des actions en justice. Il approuve les accords et les conventions signées par le Président, et, sous réserve des conditions particulières fixées par décret, les emprunts, les prises de participation, les créations de filiales, l'acceptation de dons et legs et les acquisitions immobilières. Après avis du Conseil des études et de la vie universitaire, le Conseil d'administration créé, transforme et supprime tous les enseignements et diplômes propres à l'université, par délibération, prise à la majorité absolue de ses membres." ; que l'article XV des mêmes statuts énonce que " le Président dirige l'Université. Il la représente à l'égard des tiers ainsi qu'en justice, conclut les accords et les conventions. Il prépare le budget de l'Université et le soumet au vote du conseil d'administration. Il est ordonnateur des recettes et des dépenses de l'Université. Il préside les trois conseils, prépare et exécute leurs délibérations, reçoit leurs propositions et avis. Il a autorité sur l'ensemble des personnels de l'établissement. Il affecte dans les différents services de l'Université les personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service. " ;

3. Considérant que les dispositions en litige de la délibération du 10 mars 2006 ont pour seul objet de qualifier les heures d'enseignement de langues pour non-spécialistes au sein de l'institut des langues ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'eu égard à cet objet qui n'entre pas dans le champ de compétence du conseil d'administration de l'université, il appartient au président de l'université de Nice-Sophia-Antipolis, en sa qualité d'ordonnateur, de prendre une telle mesure ; que, par suite, la délibération du 10 mars 2006 en tant que le conseil d'administration de l'université de Nice-Sophia-Antipolis, à l'issue d'un vote, a décidé que les heures d'enseignement dispensés à l'institut des langues n'étaient pas des cours magistraux, a été prise par une autorité administrative incompétente ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision de la directrice de l'institut des langues du 20 mars 2006 :

4. Considérant que la décision du 20 mars 2006 par laquelle la directrice de l'institut des langues demande à Mme E...la modification de son état de service, conformément à la délibération du conseil d'administration de l'université de Nice-Sophia-Antipolis et lui rappelle que " les enseignements pour non-spécialistes sont considérés comme des TD " constitue un acte d'exécution de la délibération précitée ; que, dès lors, et par voie de conséquence, l'illégalité dont est entachée cette délibération est de nature à rendre illégale cette décision ; qu'au surplus, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle accordant un avantage financier, laquelle est créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu'en l'espèce, la décision en cause de la directrice de l'institut des langues a pour objet et pour effet de retirer, en cours d'année, les avantages financiers accordés à l'intéressée en début d'année universitaire ;

5. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que Mme E...et les autres requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E...et des autres requérants, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que l'université de Nice-Sophia-Antipolis demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'université de Nice-Sophia-Antipolis une somme de 350 euros au titre des frais exposés par Mme E...et les autres requérants et non compris dans les dépens, que l'université versera à chacun d'entre eux ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 mai 2010, la délibération du conseil d'administration de l'université de Nice-Sophia-Antipolis du 10 mars 2006 et la décision de la directrice de l'institut des langues du 20 mars 2006 sont annulés.

Article 2 : L'université de Nice-Sophia-Antipolis versera à Mme K...E..., à M. O... I..., à Mme F...B..., à Mlle R...L..., à Mme N...C..., à Mme S...G..., à M. Q...M..., à M. P...A..., chacun une somme de 350 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'université de Nice-Sophia-Antipolis présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K...E..., à M. O...I..., à Mme F...B..., à Mlle R...L..., à Mme N...C..., à Mme S...G..., à M. Q...M..., à M. P...A..., à l'université de Nice-Sophia-Antipolis et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2013, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Lopa Dufrénot, premier conseiller,

- Mme Felmy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 mars 2013.

Le rapporteur,

M. LOPA DUFRENOTLe président,

L. MARCOVICI

Le greffier,

J.P. LEFEVRE

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 10MA03500 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03500
Date de la décision : 04/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Universités.

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Universités - Présidents d'université.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: Mme MARKARIAN
Avocat(s) : CABINET DAGHERO DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-03-04;10ma03500 ?
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