Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 11 février 2011 sous le n° 11MA00568 présentée pour M. C... A..., demeurant..., et Mme D...A..., demeurant..., par la S.C.P. Berenger - Blanc - Burtez - Doucède et Associés ; les consorts A...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901168 du 9 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune du Beausset à leur verser une indemnité de 686 515 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 10 février 2009, en réparation des préjudices subis ;
2°) de condamner la commune du Beausset à leur verser une indemnité de 686 515 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 10 février 2009 ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Beausset la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2013 :
- le rapport de Mme Ségura, première conseillère,
- les conclusions de M. Massin, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour les consorts A...et de Me E...pour la commune du Beausset.
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 13 mai 2013 présentée par les consorts A...et de la note en délibéré enregistrée le 23 mai 2013 présentée pour la commune du Beausset ;
1. Considérant que, par le jugement susvisé, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande des consorts A...tendant à la condamnation de la commune du Beausset à leur verser une indemnité de 686 515 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 10 février 2009, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à raison de l'édiction de décisions illégales ; que les consorts A...relèvent appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant que la requête des consorts A...comporte une critique du jugement attaqué motivée par des moyens de fait et de droit ; que, dès lors, la fin de non-recevoir, opposée par la commune du Beausset et tirée de la méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, ne peut être accueillie ;
Sur la responsabilité de la commune :
3. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, reprenant et modifiant les dispositions du premier alinéa de l'article L. 125-5 ancien du même code : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale, d'un schéma directeur ou d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur ou le plan local d'urbanisme, la carte communale ou le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'en vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal ; que ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité ; que celles-ci doivent alors être écartées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, par l'autorité chargée de délivrer des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'illégalité en cause affecterait ou non des dispositions spécialement édictées pour permettre l'opération faisant l'objet de la demande d'autorisation ; que n'étaient de nature à faire obstacle à l'application de ce principe, lorsqu'elles étaient en vigueur, ni les dispositions de l'article L. 123-4-1 ancien du code de l'urbanisme, qui interdisaient au conseil municipal d'abroger le plan d'occupation des sols, même illégal, de la commune, ni celles du second alinéa de l'article L. 125-5 ancien du même code, qui ne lui permettaient, en cas d'annulation ou de déclaration d'illégalité du plan d'occupation des sols, d'écarter le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur au profit des règles générales du code de l'urbanisme que dans le cas où l'illégalité de ce plan résultait de changements intervenus dans les circonstances de fait ou de droit, et non lorsqu'elle l'affectait depuis l'origine ;
5. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. / Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables à l'acte prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme (...) / Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne : / - soit l'absence de mise à disposition du public des schémas directeurs (...) ; / - soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique (...) ; / - soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques " ; que ces dispositions, par lesquelles le législateur a, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, entendu prendre en compte le risque d'instabilité juridique, particulièrement marqué en matière d'urbanisme, résultant, pour les décisions prises sur la base des actes qui y sont mentionnés, de la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces derniers, ont implicitement mais nécessairement institué une dérogation au principe général rappelé ci-dessus ;
6. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées que, saisi d'une demande d'autorisation ou de certificat d'urbanisme, le maire est tenu, lorsqu'il y statue après l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa prise d'effet, de se fonder sur le document d'urbanisme en vigueur dès lors que sa légalité n'est affectée que par des vices de procédure ou de forme au sens des dispositions précitées de l'article L. 600-1, réserve étant faite de ceux qui sont mentionnés à ses trois derniers alinéas, au nombre desquels ne figure pas l'insuffisance du rapport de présentation ;
7. Considérant que le tribunal administratif de Nice a annulé, par un jugement du 5 novembre 1998 confirmé par un arrêt de la Cour de céans du 22 décembre 2003, la délibération du 23 février 1995 par laquelle le conseil municipal du Beausset a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune ; que si, par une délibération du 17 mars 1999, ledit conseil municipal a considéré que le plan d'occupation des sols approuvé en 1985, redevenu applicable, était entaché de la même irrégularité que celle retenue par le juge à l'encontre du document d'urbanisme annulé et tirée de l'insuffisance du rapport de présentation, le maire était néanmoins tenu de faire application du plan d'occupation des sols approuvé en 1985 et ne pouvait l'écarter, en se fondant sur ce vice de forme du fait de l'expiration du délai de six mois à compter de sa prise d'effet ; qu'il est constant que les dispositions dudit document d'urbanisme relatives à la zone II NB faisaient obstacle à la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif et des permis de construire sollicités par les consorts A...pour la construction de deux villas sur des parcelles situées dans la zone concernée ; que, dans ces conditions, si le certificat d'urbanisme négatif du 3 janvier 2002 et les refus de permis de construire du 20 mai 2005, annulés par le tribunal administratif de Nice par des jugements devenus définitifs, constituent des illégalités fautives, ces fautes commises par le maire du Beausset ne sont, toutefois, pas susceptibles d'engager la responsabilité de la commune à l'égard des consortsA... dès lors que si le maire avait fait application, comme il l'aurait dû le faire ainsi qu'il vient d'être dit, du plan d'occupation des sols approuvé en 1985 et non du règlement national d'urbanisme, il n'aurait pas pu délivrer légalement un certificat d'urbanisme positif ni les permis de construire sollicités par les pétitionnaires ; que, dès lors, les consorts A...ne sont pas fondés à demander réparation des préjudices allégués qui résulteraient de l'impossibilité de construire sur leurs parcelles ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date des refus de permis de construire litigieux : " (...) Si la demande formulée en vue de réaliser l'opération projetée sur le terrain, notamment la demande de permis de construire prévue à l'article L. 421-1 est déposée dans le délai d'un an à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et respecte les dispositions d'urbanisme mentionnées par ledit certificat, celles-ci ne peuvent être remises en cause. Il en est de même du régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que des limitations administratives au droit de propriété applicables au terrain, à l'exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) " ; que si les requérants se prévalent des droits qu'ils auraient acquis du fait de la délivrance du certificat d'urbanisme positif du 5 janvier 2005 en vertu de ces dispositions, celles-ci n'ont toutefois ni pour objet ni pour effet de conférer au titulaire d'un certificat d'urbanisme un droit acquis au bénéfice de dispositions d'urbanisme mentionnées dans ce certificat dans le cas où celles-ci n'étaient pas légalement applicables à la date à laquelle il a été délivré ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le maire aurait dû faire application du plan d'occupation des sols approuvé en 1985 au lieu du règlement national d'urbanisme ; qu'il s'ensuit que les consorts A...ne sont pas fondés à soutenir que le maire aurait dû leur délivrer les permis de construire qu'ils avaient sollicités ;
9. Considérant, toutefois, que les consorts A...recherchent également la responsabilité de la commune du Beausset qui serait engagée à leur égard à raison de la délivrance du certificat d'urbanisme positif du 14 janvier 2005, lequel, pris sur le fondement du règlement national d'urbanisme, est entaché d'illégalité ; que cette faute de la commune est de nature à engager sa responsabilité à l'égard des requérants ;
10. Considérant, en troisième lieu, que, d'une part, les décisions individuelles susmentionnées et le comportement de la commune ne sont pas susceptibles, par nature, de porter atteinte au principe de sécurité juridique ; que par suite, les requérants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité sans faute de la commune sur ce fondement ; que, d'autre part, si les consorts A...invoquent également la rupture de l'égalité de traitement en faisant valoir qu'ils n'ont pas, contrairement à d'autres pétitionnaires, pu bénéficier de l'application des dispositions du règlement national d'urbanisme, le maire du Beausset a, toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, appliqué lesdites dispositions pour délivrer les certificats d'urbanisme négatif et positifs de 2002 et 2005 susmentionnés ainsi que les deux premiers refus de permis de construire de 2005 ; que, dans ces conditions, le principe de l'égalité de traitement des citoyens n'a pas été méconnu ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que les consorts A...soutiennent que la commune du Beausset a commis une faute en n'abrogeant pas le plan d'occupation des sols approuvé en 1985 alors que le conseil municipal l'avait décidé lors de sa séance du 9 février 2006 ; qu'en tout état de cause, l'abandon de la procédure d'abrogation dudit document d'urbanisme est sans lien de causalité avec l'impossibilité pour les requérants de construire sur leurs parcelles dès lors que, d'une part, le maire, saisi de demandes de certificats d'urbanisme et de permis de construire, aurait dû en faire application au lieu du règlement national d'urbanisme et que, d'autre part, il est constant que, sur le fondement de ce plan d'occupation des sols, il n'aurait pu, saisi par les consortsA..., que délivrer des certificats d'urbanisme négatifs et des refus de permis de construire ;
12. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que la commune du Beausset a pris deux nouveaux refus de permis retirant ceux qui avaient été contestés devant le tribunal administratif, notifiés le jour de l'audience, ne suffit pas à caractériser des manoeuvres dilatoires et abusives susceptibles de constituer une faute engageant sa responsabilité à l'égard des consortsA... ; que, de même, la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif après expiration du délai d'instruction fixé par le juge administratif ne constitue pas une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune ;
Sur les préjudices :
13. Considérant que les consorts A...se prévalent d'un préjudice moral, des frais d'études et d'architecte, des frais de bureau, de déplacement et d'hébergement, des heures de travail consacrées aux litiges successifs les ayant opposé à la commune ainsi que de la perte de la valeur marchande de leurs parcelles ; que, toutefois et en tout état de cause, seuls les frais d'étude et les frais d'architecte allégués, qui auraient été engagés à la suite du certificat d'urbanisme positif du 14 janvier 2005, seule décision dont l'illégalité est susceptible d'avoir causé un préjudice réparable comme il a été dit plus haut, présentent un lien de causalité direct avec cette décision ; qu'il résulte de l'instruction, notamment de la facture versée au dossier, que les frais exposés pour faire réaliser une étude géologique du terrain d'assiette du projet se sont élevés à 1 315,60 euros ; qu'en l'absence de contestation de la part de la commune du paiement de cette somme par les requérants, il y a lieu de la condamner à verser aux intéressés une indemnité du même montant en réparation du préjudice subi ; qu'en revanche, en l'absence de tout élément susceptible de justifier que des frais d'architecte auraient été exposés à la suite du certificat susmentionné, la réalité du préjudice allégué ne peut être regardée comme étant établie ; que les prétentions indemnitaires présentées à raison de ce chef de préjudice ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il ne condamne pas la commune du Beausset à verser aux consorts A...la somme de 1315,60 euros en réparation du paiement de frais d'étude géologique ; qu'en outre, il y a lieu de condamner la commune du Beausset à verser ladite somme aux consortsA..., assortie des intérêts légaux à compter du 12 février 2009, date de réception par la commune de la demande préalable indemnitaire des intéressés ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
16. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions susmentionnées présentées par la commune du Beausset ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 750 euros à verser à M. C... A..., d'une part, et à Mme D...A..., d'autre part, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0901168 du 9 décembre 2010 du tribunal administratif de Toulon est annulé en tant qu'il ne condamne pas la commune du Beausset à verser aux consorts A...la somme de 1315,60 (mille trois cent quinze euros et soixante centimes), en réparation du paiement de frais d'étude géologique.
Article 2 : La commune du Beausset est condamnée à verser à M. C...A...et à Mme D... A...une somme de 1315,60 (mille trois cent quinze euros et soixante centimes), assortie des intérêts légaux à compter du 12 février 2009, date de réception par la commune de la demande préalable indemnitaire.
Article 3 : La commune du Beausset versera à M. C...A...et à Mme D...A...une somme de 750 (sept cent cinquante) euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune du Beausset tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme D... A...et à la commune du Beausset.
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CB