Vu la requête, enregistrée le 6 février 2012, présentée pour M. E... C..., demeurant..., par Me B...F... ;
M. C... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003896 du 6 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice, sur demande de la Société nouvelle des transports de l'agglomération niçoise (ST2N), a annulé l'article 2 de la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique du 19 août 2010 ayant refusé d'autoriser son licenciement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2013 :
- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour la Société nouvelle des transports de l'agglomération niçoise;
1. Considérant que, par une décision en date du 2 mars 2010, l'inspecteur du travail des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser la Société nouvelle des transports de l'agglomération niçoise (ST2N) à licencier pour motif disciplinaire M. C..., exerçant le mandat de conseiller du salarié ; que, le 19 août 2010, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a annulé cette décision et a refusé à son tour l'autorisation demandée ; que, sur recours de la ST2N, le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 6 décembre 2011, annulé la décision du ministre en tant qu'elle refusait, en son article 2, d'autoriser le licenciement ; que M. C... demande à la Cour d'annuler ce jugement ; que la ST2N demande également à la Cour d'annuler l'article 2 du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique d'autoriser le licenciement ;
Sur les conclusions d'appel de M. C... :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) 16° Conseiller du salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité administrative et chargé d'assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d'un licenciement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-21 du même code : " Le licenciement du conseiller du salarié chargé d'assister un salarié dans les conditions prévues à l'article L. 1232-4 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail " ;
3. Considérant qu'en vertu de ces dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de conseiller du salarié, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils assistent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec leurs fonctions d'assistance normalement exercées ou leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exercice des fonctions dont il est investi ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une perquisition effectuée le 13 janvier 2010 par les services de police, il a été constaté la présence au domicile de M. C... de trois radios portables avec leur socle de chargement et plusieurs batteries appartenant à la ST2N ; que celle-ci a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier l'intéressé, qui exerçait les fonctions de vérificateur de perception au sein de sa brigade mobile d'intervention, pour avoir subtilisé ce matériel ;
5. Considérant que, si M. C... a été condamné par le tribunal correctionnel de Nice le 5 mai 2010 pour le vol du matériel en cause, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a estimé, dans son arrêt rendu le 10 avril 2012 devenu définitif, que le délit de vol ne pouvait être retenu dès lors qu'il n'était pas établi que le prévenu avait frauduleusement soustrait le matériel mais que celui-ci devait être déclaré coupable d'abus de confiance envers son employeur pour s'être volontairement abstenu de restituer ledit matériel alors qu'il avait cessé les fonctions de vérificateur de perception qui en nécessitaient l'emploi ; que, par suite, la ST2N, dont la demande d'autorisation de licenciement repose sur l'affirmation selon laquelle elle n'a jamais remis ce matériel à l'intéressé qui s'en est emparé indûment, ne saurait utilement se prévaloir de l'autorité absolue de la chose jugée par cet arrêt pour soutenir que les faits qu'elle reproche à M. C... doivent être considérés comme établis ;
6. Considérant que M. C... nie s'être emparé des trois radios concernées et soutient que ce matériel lui aurait été remis par son employeur dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ; qu'il reconnaît seulement l'avoir conservé à son domicile après son changement d'affectation, dès lors que la ST2N ne lui avait pas demandé de le restituer ; que, de son côté, la ST2N produit les témoignages du chef de la brigade mobile d'intervention, d'un agent de maitrise au sein de cette brigade et d'un chef de pôle, attestant qu'aucune radio n'avait été remise à M. C... lors de sa prise de fonction ; qu'elle explique cette absence de dotation par le caractère provisoire de l'affectation de l'intéressé au sein de la brigade ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a constaté, au cours de son enquête, que la société ne détenait aucun registre des matériels confiés à ses agents ; que, si la ST2N soutient le contraire, elle n'en rapporte pas la preuve en produisant un tableau non daté mais, en tout état de cause, édité postérieurement aux faits litigieux puisque la date de restitution par la police des radios prétendument volées y est mentionnée ; que, par ailleurs, la ST2N n'a porté plainte pour la disparition du matériel que postérieurement à la perquisition effectuée au domicile de M. C... et ne produit pas la déclaration de perte dont elle s'est prévalue au cours de la procédure de licenciement ; que la ST2N n'explique pas non plus en quoi l'affectation provisoire de M. C... à la brigade mobile d'intervention justifiait de le priver d'un matériel dont l'ensemble des agents interrogés par l'inspecteur du travail, au cours de son enquête, ont affirmé la nécessité dans l'accomplissement de leurs fonctions ; que les déclarations de la ST2N sur les conditions d'attribution des postes de radio à ses agents ont d'ailleurs évolué au cours de l'instruction de sa demande d'autorisation, puis de son recours hiérarchique, puisqu'elle a déclaré initialement que seuls les chefs d'équipe étaient dotés de ce matériel, puis elle a admis au cours de la contre-enquête du directeur régional du travail que cette restriction n'était exacte que lors des contrôles dans les tramways, tandis que lors des contrôles dans les bus, chaque agent détenait une radio ; que la ST2N ne démontre pas, ni même n'allègue que M. C... aurait été affecté uniquement aux contrôles dans les tramways ; qu'ainsi, la ST2N n'établit pas qu'aucune radio n'a été confiée à M. C... lors de son affectation à la brigade mobile d'intervention et que celui-ci est entré frauduleusement en possession du matériel litigieux ; que, dans ces circonstances, c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a estimé que l'exactitude matérielle des faits reprochés à M. C... était établie ;
8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la ST2N tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;
9. Considérant que le moyen tiré de ce que la procédure de licenciement engagée à l'encontre de M. C... serait sans lien avec son mandat est inopérant puisque le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ne s'est pas fondé sur ce motif pour refuser l'autorisation demandée ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'article 2 de la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique du 19 août 2010 ;
Sur les conclusions d'appel de la ST2N :
11. Considérant que les conclusions d'appel présentées par un intimé doivent être regardées comme constitutives d'un appel principal si elles sont présentées dans le délai d'appel ou, sauf lorsqu'il s'agit d'un appel provoqué, comme constitutives d'un appel incident lorsqu'elles sont présentées hors délai ; qu'en l'espèce, en l'absence au dossier de l'accusé de réception de la notification du jugement attaqué à la ST2N, les conclusions de cette dernière tendant à l'annulation de l'article 2 dudit jugement doivent être regardées comme ayant été présentées dans le délai d'appel et être qualifiées d'appel principal ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2. à 10. que la ST2N n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 6 décembre 2011 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique de l'autoriser à licencier M. C... ; que les conclusions de la ST2N doivent dès lors être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que M. C... et la ST2N demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 6 décembre 2011 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par la ST2N devant le tribunal et le surplus des conclusions d'appel des parties sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la Société nouvelle des transports de l'agglomération niçoise.
''
''
''
''
2
N° 12MA00462
sm