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17/12/2013 | FRANCE | N°11MA00383

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2013, 11MA00383


Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2011 sous le n° 11MA00383 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par MeB... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904204, 1001311 du 10 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant respectivement à l'annulation de l'arrêté en date du 28 septembre 2009 par lequel le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État l'a suspendu de ses fonctions et à l'annulation de l

'arrêté en date du 4 février 2010 par lequel ledit ministre a décidé ...

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2011 sous le n° 11MA00383 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par MeB... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904204, 1001311 du 10 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant respectivement à l'annulation de l'arrêté en date du 28 septembre 2009 par lequel le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État l'a suspendu de ses fonctions et à l'annulation de l'arrêté en date du 4 février 2010 par lequel ledit ministre a décidé de réduire sa rémunération de moitié ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance présentées à fin d'annulation ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2011 présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête de M.A... ;

Il soutient que :

- les mesures de contrôle judiciaire prises à l'encontre de M. A...dans le cadre des poursuites pénales dont il fait l'objet ont fait naître la présomption de fautes graves justifiant les mesures prises ;

- lesdites mesures ne sont que conservatoires et ne portent ainsi pas atteinte à la présomption d'innocence ;

- l'absence de saisine immédiate du conseil de discipline est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées ;

- l'opportunité de faire subir au fonctionnaire suspendu de ses fonctions une retenue sur sa rémunération n'est pas susceptible de contestation contentieuse ;

- la décision de faire subir au fonctionnaire suspendu de ses fonctions une retenue sur sa rémunération n'a pas à être motivée ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 février 2012, présenté pour M. A...qui persiste dans ses conclusions en annulation et demande en outre à la Cour d'enjoindre au ministre compétent de le réintégrer dans ses fonctions ;

Il soutient en outre qu'en l'absence de sanction pénale ou disciplinaire, il a droit à son traitement ;

Vu l'ordonnance en date du 18 mars 2013 fixant la clôture de l'instruction au

30 avril 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code pénal ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2013 :

- le rapport de M. Renouf, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A...fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses requêtes n° 0904204 et n° 1001311 tendant respectivement à l'annulation de l'arrêté en date du 28 septembre 2009 par lequel le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État l'a suspendu de ses fonctions et à l'annulation de l'arrêté en date du 4 février 2010 par lequel ledit ministre a décidé de réduire sa rémunération de moitié ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires sur le fondement duquel ont été prises les deux décisions attaquées : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille " ;

Sur la légalité de l'arrêté de suspension de fonctions en date du 28 septembre 2009 :

3. Considérant, s'agissant de la légalité externe de la décision susvisée, que, d'une part, la circonstance que le ministre du budget n'a pas communiqué à M. A...le rapport de la commission d'enquête interne qui a été diligentée au sein de la direction des services fiscaux des Alpes-Maritimes est, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, sans incidence sur la légalité de la mesure de suspension litigieuse, dès lors qu'aucune obligation de communication dudit rapport ne pesait sur cette autorité ; que, d'autre part, si l'article précité prévoit que l'administration saisit sans délai le conseil de discipline, ladite saisine n'étant pas un préalable à la mesure de suspension, l'absence de saisine du conseil de discipline est sans incidence sur la légalité de la décision de suspension ;

4. Considérant, s'agissant de la légalité interne de la décision du 28 septembre 2009, que la décision par laquelle un agent est suspendu de ses fonctions est une mesure conservatoire, prise dans l'intérêt du service, qui ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire ; que, par suite, cette décision ne porte pas atteinte au principe de la présomption d'innocence ;

5. Considérant qu'il est constant que M.A..., inspecteur des impôts, affecté, en qualité de vérificateur, à la 1ère brigade départementale de vérifications de Nice, a été mis en examen le 17 septembre 2009 du chef de corruption passive par personne chargée d'une mission de service public, et placé sous contrôle judiciaire pour avoir, courant avril 2009, sollicité le versement en sa faveur de la somme de 40 000 euros pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, en l'espèce, modifier les conséquences financières d'opérations de contrôle fiscal ; que, alors que la gravité de ces faits est suffisante pour justifier une mesure de suspension, ces faits présentaient un caractère de vraisemblance suffisant à la date du 28 septembre 2009 à laquelle a été prise la décision suspendant M. A...de ses fonctions ;

Sur la légalité de l'arrêté en date du 4 février 2010 réduisant de moitié la rémunération de M.A... :

S'agissant de la légalité externe :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du

11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / - infligent une sanction ; / - subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / - opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public. " ;

7. Considérant que la décision de réduire, en application de l'article 30 précité de la loi du 13 juillet 1983, la rémunération de l'agent qui, faisant l'objet de poursuites pénales, demeure suspendu au-delà de quatre mois présente, eu égard à l'absence de service fait et dès lors que l'intéressé, s'il n'a fait l'objet d'aucune sanction pénale ou disciplinaire au terme de la période de suspension, a droit au paiement de sa rémunération pour la période correspondant à la durée de la suspension, le caractère d'une mesure conservatoire et, ainsi, ne constitue pas une sanction au sens des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'en l'absence de service fait, cette décision ne refuse pas " un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir " et ne correspond pas non plus aux autres hypothèses de motivation obligatoire d'une décision individuelle défavorable envisagées par ladite loi ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que si l'article 30 précité de la loi du 13 juillet 1983 invite expressément l'autorité ayant pouvoir disciplinaire à saisir le conseil de discipline sans délai, le respect de cette formalité ne conditionne pas la légalité de la décision éventuelle par laquelle cette autorité prononce une retenue sur le traitement d'un agent qui n'a pas été rétabli dans ses fonctions à l'expiration d'un délai de suspension de quatre mois ;

9. Considérant enfin, que la circonstance que le ministre du budget n'a pas communiqué à M. A...le rapport de la commission d'enquête interne qui a été diligentée au sein de la direction des services fiscaux des Alpes-Maritimes est sans incidence sur la légalité de la réduction de la rémunération de l'intéressé, dès lors que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, aucune obligation de communication dudit rapport ne pesait sur cette autorité ;

S'agissant de la légalité interne :

10. Considérant, en premier lieu, que la décision réduisant la rémunération de l'agent qui demeure suspendu au-delà des quatre premiers mois constitue, pour les motifs énoncés ci-dessus, une mesure conservatoire ; que M. A...n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'elle porte atteinte à la présomption d'innocence ;

11. Considérant, en deuxième lieu que les dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 autorisent l'autorité ayant pouvoir disciplinaire à prendre la décision de réduire le traitement de l'agent dans les conditions et limites que ces dispositions définissent ; que si l'agent qui a fait l'objet de cette mesure a droit, au terme de la période de suspension, au paiement de sa rémunération pour la période correspondant à la durée de la suspension lorsque aucune sanction pénale ou disciplinaire n'a été prononcée à son encontre, il est constant que la décision en date du 4 février 2010 de réduire le traitement de M. A...de moitié n'a pas été prise au terme de la période de suspension ; qu'ainsi, la circonstance qu'à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, aucune sanction pénale ou disciplinaire n'avait été prononcée, ne faisait pas obstacle à ce que le ministre prenne, sur le fondement des dispositions précitées, la décision de réduire de moitié la rémunération de l'intéressé ;

12. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle la réduction de la rémunération de M. A...a été prononcée, les faits qui lui étaient reprochés dans le cadre des poursuites pénales dont il faisait l'objet présentaient un caractère de vraisemblance et de gravité suffisant pour justifier le non-rétablissement de l'intéressé dans ses fonctions ainsi que, M. A...n'établissant pas avoir été dans une situation personnelle susceptible d'y faire obstacle, la réduction de sa rémunération ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant à l'annulation des décisions attaquées ; que par suite, le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'économie et des finances.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA00383
Date de la décision : 17/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire - Absence d'obligation de motivation.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement - Retenues sur traitement.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe RENOUF
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : BAUDOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-12-17;11ma00383 ?
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