Vu, sous le numéro 11MA01850, la requête enregistrée le 11 mai 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour la commune de Marseille, par Me A... ;
La commune de Marseille demande à la cour d'annuler le jugement n° 0703830 en date du 8 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à payer une somme de 413 762,48 euros toutes taxes comprises à la société Gardiol TP, assortie des intérêts au taux contractuel et des intérêts sur les intérêts et a mis à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à cette société en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;
Vu le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 1er septembre 2013 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2014 :
- le rapport de M. Thiele, rapporteur,
- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,
- les observations de Me A...pour la commune de Marseille,
- et les observations de MeB..., représentant la SCP Bérenger, Blanc, Burtez-Doucède pour la communauté urbaine Marseille Provence Métropole ;
1. Considérant que, le 1er janvier 2001, la création de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole a entraîné le transfert, de plein droit, à cet établissement de la compétence en matière de gestion du réseau d'eaux pluviales dès sa création le 1er janvier 2001, en application du a) du 4° du I de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales ; que, par acte du 10 janvier 2001, la commune de Marseille, agissant en qualité de propriétaire du réseau des eaux pluviales, a confié à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, gestionnaire dudit réseau mis à sa disposition en application de l'article L. 1321-1 du même code, la maîtrise d'ouvrage déléguée de travaux devant être réalisés sur l'ouvrage dit le Prohibé ; que, par un acte n° 04/146 notifié le 17 septembre 2004, la commune de Marseille a attribué un marché de travaux portant sur le réaménagement de l'ouvrage pluvial dit le Prohibé, situé quai de Rive Neuve, à la société Gardiol TP, pour un prix de 1 375 167,80 euros toutes taxes comprises ; que, le 16 octobre 2006, la société Gardiol TP a adressé au maître d'oeuvre, la Société des eaux de Marseille, un mémoire en réclamation contestant le décompte général reçu le même jour ; que, par demande enregistrée le 15 juin 2007 au greffe du tribunal administratif de Marseille, la société a demandé la condamnation de la commune de Marseille et de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, maître d'ouvrage mandataire en vertu de la convention signée le 10 janvier 2001, à lui payer la somme de 1 238 678,06 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts de droit à compter de la date d'enregistrement de la requête ; que, par le jugement attaqué en date du 8 mars 2011, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Marseille à payer à la société Gardiol TP une somme de 413 762,48 euros toutes taxes comprises ;
Sur les conclusions d'appel principal de la commune de Marseille :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que le jugement attaqué précise que " les prescriptions de la SERAM ont entraîné un allongement de la durée de pompage de 46 jours par rapport à la durée prévue initialement par le marché, indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, entraînant un surcoût de 27 646 euros HT " ; qu'en mentionnant le fait que les travaux en cause avaient été rendus nécessaires du fait des prescriptions de la société gestionnaire du réseau public d'assainissement, le tribunal administratif a suffisamment énoncé les motifs pour lesquels il considérait que les travaux en cause étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
En ce qui concerne le principe de la responsabilité du maître d'ouvrage :
3. Considérant que la convention par laquelle une collectivité confère à une autre personne la qualité de maître d'ouvrage délégué n'a pas eu pour effet de faire perdre à cette collectivité la qualité de maître d'ouvrage et de la décharger, vis-à-vis des entreprises, de la responsabilité qui peut être encourue par elle à ce titre ; que la responsabilité du maître de l'ouvrage délégué ne peut être engagée, quant à elle, que par le maître d'ouvrage, et à raison des fautes commises dans l'exercice du mandat ;
4. Considérant que la circonstance que la commune de Marseille avait, par les articles 10.1 et 12 de la convention de mandat, confié à la communauté urbaine le soin de la représenter dans l'exercice de ses attributions jusqu'à la fin de sa mission, et d'agir en justice comme demandeur ou comme défendeur est sans influence sur cette répartition des responsabilités ;
5. Considérant, dès lors, que la commune n'est pas fondée à soutenir que seule pouvait être engagée la responsabilité de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, à laquelle elle avait délégué la maîtrise d'ouvrage sur le fondement de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
En ce qui concerne la forclusion de l'action de la société Gardiol TP :
6. Considérant que la commune de Marseille ne peut utilement se prévaloir de ce que la demande présentée par la société Gardiol TP aurait été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille après l'expiration du délai de trois mois à compter de la décision implicite rejetant son mémoire en réclamation, dès lors qu'en application de l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, le délai de recours contentieux, qui est d'ailleurs de six mois et non pas de trois mois, ne court qu'à compter de la notification de la décision explicite rejetant la réclamation ;
En ce qui concerne le règlement financier du marché :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la seule indemnité accordée par le jugement attaqué à la société Gardiol TP au titre des travaux supplémentaires effectués par cette dernière correspond aux frais, d'un montant de 32 899 euros toutes taxes comprises, occasionnés par l'allongement, à raison de 46 jours, de la durée de pompage prévue par le marché ;
8. Considérant que cet allongement est la conséquence de l'édiction, par la Société exploitant le réseau d'assainissement de Marseille (SERAM), de prescriptions destinées à assurer le fonctionnement normal du réseau d'évacuation des eaux pluviales sur lequel les travaux étaient effectués ; que cet allongement de la durée de pompage a occasionné des travaux supplémentaires, prenant la forme d'un allongement de la durée de pompage prévue par le marché, qui, eu égard à leur objet, sont indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ; que, par suite, la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que rien ne justifie que les travaux supplémentaires retenus par le tribunal administratif aient présenté un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage initialement prévu dans les règles de l'art ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort du compte-rendu de la réunion de chantier n° 4 du 3 février 2005 que, lors de cette réunion à laquelle assistaient des représentants du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre, le représentant de la direction du port a demandé à l'entreprise Gardiol que la largeur de passage pour les piétons, lors de la semaine nautique prévue pour le 20 mars 2005, soit rétablie sur 4 mètres pour toute la longueur du batardeau et, en outre, que soit prévu un point d'ancrage pour les bateaux durant cette semaine nautique ; qu'à la suite de cette réunion, la société Gardiol TP a réalisé un platelage en bois sur le rideau de palplanches implanté dans les eaux du Vieux-Port afin de créer un ponton pour les bateaux, et a également installé une chaîne et rallongé les corps-morts afin que les bateaux puissent apponter ; qu'elle a, par ailleurs, installé des garde-corps et des clôtures et rampes pour en vue d'assurer la sécurité des piétons ; que le tribunal administratif a mis le surcoût résultant de cette sujétion, d'un montant de 35 880 euros toutes taxes comprises (soit 30 000 euros hors taxes), à la charge de la commune ;
10. Considérant qu'aucune des stipulations du contrat ne mettait à la charge de la société Gardiol TP la réalisation d'aménagements destinés à accueillir les bateaux dans le cadre de la manifestation organisée par la Société nautique de Marseille ; qu'à ce titre, lesdits aménagements, spécifiquement réalisés en vue de l'organisation d'une régate, ne peuvent être regardés comme ayant seulement pour objet d'assurer l'accès aux riverains, comme le prévoient les articles 1.4 et 1.17 du cahier des clauses techniques particulières du marché ; que, dans ces conditions, en se bornant à soutenir que l'analyse du tribunal administratif " ne saurait être retenue dès lors qu'il apparaît que la communauté urbaine Marseille Provence s'était bornée à demander à la société Gardiol TP de maintenir la circulation en permanence et en sécurité et n'avait nullement demandé la réalisation des travaux effectués ", alors que le jugement attaqué n'est pas fondé sur la circonstance que ces travaux ont été effectués à la demande du maître d'ouvrage, la commune de Marseille ne critique pas utilement les motifs retenus par les premiers juges ;
11. Considérant, en troisième lieu, que les documents du marché prévoyaient l'installation de batardeaux, constitués de rideaux de palplanches introduits dans le sol selon la technique du vibrofonçage, en vue de la réalisation de l'ouvrage définitif ; que, toutefois, lors de la réalisation des travaux, la société Gardiol TP a constaté que la nature calcaire des sols imposait de recourir à une autre technique, dite du battage, pour introduire les batardeaux dans le sol ; qu'en outre, l'enfoncement insuffisant des batardeaux, également imputable à la nature des sols, avaient imposé une modification de la technique de réalisation des fouilles ; que le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Marseille à indemniser la société Gardiol TP, à hauteur de 53 311,70 euros toutes taxes comprises, du surcoût résultant du recours à la technique du battage, et, à hauteur de deux sommes de 34 504,60 euros et 60 099 euros toutes taxes comprises, du surcoût affectant les première et deuxième phases des terrassements ;
12. Considérant que si, en application de l'article 1.20.1 du cahier des clauses techniques particulières, la société Gardiol TP avait la charge de réaliser un levé topographique détaillé du site, les contraintes géotechniques faisaient quant à elles l'objet d'une étude annexée jointe à ce cahier par le maître d'ouvrage délégué ; qu'il résulte de l'instruction que cette étude n'a pas correctement évalué la nature des sols ;
13. Considérant que la responsabilité du maître de l'ouvrage est susceptible d'être engagée, vis-à-vis des intervenants au marché, à raison des fautes commises tant par lui-même que par son délégataire, ce dernier n'étant responsable de ses propres fautes, ainsi qu'il a été dit au point 3, que vis-à-vis de la personne mandante ; que, si la commune de Marseille invoque la faute commise par la communauté urbaine dans l'exercice de son mandat, elle n'a pas présenté de conclusions tendant à être relevée et garantie ; que, dans ces conditions, la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge l'indemnisation des frais supplémentaires mentionnés au point 10 ci-dessus ;
14. Considérant, en quatrième lieu, que la société Gardiol TP, à qui était déléguée la gestion du déplacement des réseaux publics interférant avec le chantier, a demandé à être indemnisée, pour un montant de 112 983 euros HT, à raison de la mobilisation des moyens matériels et humains rendue nécessaire par l'allongement de la durée d'intervention des concessionnaires, initialement programmée sur un mois, et qui a finalement duré deux mois et demi ;
15. Considérant, à cet égard, que si la commune soutient que " c'est à tort que le tribunal administratif a retenu les réclamations concernant l'intervention des concessionnaires de réseaux prétendument rendue nécessaire en raison de la mission qui incombait à la société Gardiol TP ", ce moyen n'est pas assorti des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé ;
16. Considérant, en cinquième lieu, que la commune fait observer " que alors que le tribunal mentionne qu'à ce titre la société Gardiol TP réclame une somme de 137 127,67 euros toutes taxes comprises, il lui a accordé une somme supérieure puisque d'un montant de 236 018,48 euros au titre des sujétions imprévues " ; que, toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif a rejeté la demande tendant à l'indemnisation, à hauteur de 137 127,67 euros toutes taxes comprises, du préjudice que la société estimait avoir subi du fait de l'allongement de la durée d'intervention des concessionnaires des réseaux publics ; qu'il ressort également de ce jugement que la somme de 236 018,48 euros mise à la charge de la commune de Marseille au titre des sujétions imprévues correspond à la somme des indemnités que celle-ci a été par ailleurs condamnée à verser, pour des montants respectifs toutes taxes comprises de 35 880 euros, de 51 223,18 euros, de 53 311,70 euros, de 34 504,60 euros et de 60 099 euros ;
17. Considérant, en sixième lieu, que le tribunal administratif a condamné la commune à payer à la société Gardiol TP une somme de 145 845 euros en réparation de divers préjudices résultant, pour la société, de l'allongement du chantier d'une durée de 92 jours ; que ce montant a été calculé par le tribunal au prorata de la demande de condamnation, d'un montant total de 415 045 euros, présentée par la société Gardiol TP à raison d'un retard allégué de cinq mois, sous déduction du préjudice, d'un montant de 172 500 euros, correspondant au surcroît de frais généraux, dont le tribunal a considéré que la société ne justifiait pas ;
18. Considérant que la commune, qui ne conteste ni l'importance des retards, ni le calcul établi par le tribunal administratif, se borne à soutenir qu'elle ne saurait être condamnée à indemniser la société Gardiol TP à raison des retards à la place de la communauté urbaine ;
19. Considérant, toutefois, qu'ainsi qu'il a été dit au point 13 ci-dessus, la responsabilité de la commune de Marseille peut être engagée à raison d'une faute imputée à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole dans l'exercice de ses fonctions de maître d'ouvrage délégué ; qu'ainsi, la commune de Marseille, qui n'a pas présenté de conclusions tendant à être relevée et garantie par la communauté urbaine, n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait être condamnée à réparer le préjudice résultant du retard de 25 jours pris par la société Gardiol TP en raison du changement de technique d'enfonçage et de fouilles ;
20. Considérant, par suite, que la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à payer à la société Gardiol TP la somme de 413 762,48 euros toutes taxes comprises ;
En ce qui concerne les frais exposés en première instance :
21. Considérant que le tribunal administratif de Marseille n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de la commune de Marseille, qui est la partie perdante dans la première instance, une somme de 2 000 euros à verser à la société Gardiol TP en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Sur la conclusions d'appel provoqué de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole :
22. Considérant que le présent arrêt ne conduit pas à une aggravation de la situation de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole ; que, par suite, ses conclusions d'appel dirigées contre la société Gardiol TP, et présentées après l'expiration du délai d'appel, sont irrecevables ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme que la communauté urbaine Marseille Provence Métropole demande au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;
Sur les dépens :
24. Considérant qu'aucun dépens n'a été engagé dans la présente instance ; que, par suite, les conclusions de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole tendant à ce que les dépens soient laissés à la charge de toute partie succombante ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Marseille est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole dirigées contre la société Gardiol TP, celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles relatives aux dépens sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Marseille, à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et à la société Gardiol TP.
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