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20/03/2014 | FRANCE | N°11MA02600

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 20 mars 2014, 11MA02600


Vu, I, sous le n° 11MA02600, la requête, enregistrée le 7 juillet 2011, présentée pour la SCI la Bastide, dont le siège est 21, rue Clair à Paris (75007), agissant par son représentant légal en exercice, par MeA... ;

La SCI la Bastide demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900720 du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Grimaud à lui payer la somme de 248 553 euros en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du caractère inconstructible d'un lot dont

elle est propriétaire au sein du lotissement "les Hauts du clos de l'Avelan"...

Vu, I, sous le n° 11MA02600, la requête, enregistrée le 7 juillet 2011, présentée pour la SCI la Bastide, dont le siège est 21, rue Clair à Paris (75007), agissant par son représentant légal en exercice, par MeA... ;

La SCI la Bastide demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900720 du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Grimaud à lui payer la somme de 248 553 euros en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du caractère inconstructible d'un lot dont elle est propriétaire au sein du lotissement "les Hauts du clos de l'Avelan" à Grimaud ;

2°) de condamner la commune de Grimaud à lui verser la somme de 248 553 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2008, ces intérêts devant être capitalisés à compter de sa demande du 16 février 2011 ;

3°) d'ordonner, en tant que de besoin, une expertise et, dans cette hypothèse, de condamner la commune à lui verser une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Grimaud la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux dépens ;

..........................................................................................................

Vu, II, sous le n° 11MA02601, la requête enregistrée le 7 juillet 2011, présentée pour la SCI la Bastide, agissant par son représentant légal en exercice, dont le siège est comme ci-dessus, par MeA... ;

La SCI La Bastide demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900723 du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 248 553 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2008, ces intérêts devant être capitalisés à compter de sa demande du 16 février 2011 ;

3°) d'ordonner, en tant que de besoin, une expertise et, dans cette hypothèse, de condamner l'Etat à lui verser une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux dépens ;

Elle soulève les mêmes moyens que ceux qu'elle a exposés à l'appui de sa requête n° 11MA02600 susvisée, dirigée contre la commune de Grimaud ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son premier protocole additionnel ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2014 :

- le rapport de M. Argoud, premier conseiller,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la SCI la Bastide, ainsi que celles de Me B...pour la commune de Grimaud ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 14 janvier 2014, présentée pour la commune de Grimaud dans l'instance n° 11MA02600 et de la note en délibéré, enregistrée le 15 janvier 2014, présentée pour la SCI la Bastide dans les instances n° 11MA02600 et n° 11MA02601 ;

1. Considérant que les requêtes susvisées tendent à la réparation des mêmes préjudices que la SCI la Bastide impute à la commune de Grimaud, d'une part, et à l'Etat, d'autre part ; que ces requêtes présentent à juger des questions communes ; qu'il y a lieu de les joindre et de statuer par le même arrêt ;

2. Considérant que par arrêté du 24 décembre 1992, le maire de Grimaud a délivré à la Sarl Alligator une autorisation de lotir portant sur la réalisation de quinze lots destinés à l'habitation pour une surface hors oeuvre nette totale de 5734 m², sur un terrain de 57336 m² ; qu'après divers épisodes contentieux, la SNC Champ de la Foux, bénéficiaire d'un transfert de cette autorisation de lotir, a obtenu du maire de Grimaud l'autorisation de procéder à la vente des lots en vertu d'un arrêté du 2 août 2002 ; que la SCI la Bastide a ainsi fait l'acquisition du lot n° 12 et a obtenu, le 14 avril 2004, un permis de construire pour une maison d'habitation ; que, cependant, l'autorité administrative, ayant constaté que certains des lots, notamment le lot n° 12, étaient exposés à un risque majeur d'incendie de forêt, a prononcé le retrait du permis et a refusé celui-ci au motif que le terrain se trouve exposé à un risque majeur d'incendie de forêt de nature à justifier le rejet de toute demande de permis de construire ou d'aménager sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que la SCI la Bastide, qui recherche la responsabilité tant de la commune de Grimaud que de l'Etat au titre de cette situation et leur demande réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, relève appel des deux jugements du 12 mai 2011 par lesquels le tribunal administratif de Toulon a rejeté les demandes dont elle l'avait saisi à cette fin ;

Sur la régularité des jugements :

3. Considérant que la SCI la Bastide soutient que les jugements en litige sont insuffisamment motivés en ce que la réponse apportée au moyen tiré de ce que la commune aurait violé les articles L. 315-8 et R. 315-39 du code de l'urbanisme en modifiant son interprétation de l'article R. 111-2 du même code, serait insuffisante ;

4. Considérant, cependant, que les jugements attaqués indiquent que "les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lesquelles ne sont pas intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement, ont pu être légalement opposées à la SCI La Bastide afin de procéder au retrait de permis de construire", et qu'ainsi la commune n'a pas privé la requérante de la possibilité de se prévaloir des dispositions des articles L. 315-8 et R. 315-39 du code de l'urbanisme ; que les premiers juges ont ainsi suffisamment répondu au moyen ;

Sur le fond :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, d'une part : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu. " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 315-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi nº 86-1290 du 23 décembre 1986, d'autre part : " Dans les cinq ans à compter de l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement. Toutefois, les dispositions résultant des modifications des documents du lotissement en application des articles L. 315-3, L. 315-4 et L. 315-5 sont opposables. " ;

7. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le bénéficiaire d'une autorisation de lotissement se trouve titulaire, dès sa délivrance, sauf dans les cas où le règlement a été modifié dans les conditions énoncées aux articles L. 315-3, L. 315-4 et L. 315-5, d'une garantie de stabilité des règles d'urbanisme en vigueur à la date de délivrance de cette autorisation, qui s'oppose à ce que la responsabilité sans faute de l'administration soit recherchée sur le fondement des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme relatives à l'atteinte aux droits acquis résultant de l'institution de servitudes nouvelles, à raison de servitudes d'urbanisme édictées postérieurement à cette date ; que, dans ces conditions, la SCI la Bastide n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Grimaud, ni, en tout état de cause, celle de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ; qu'en revanche, en imposant en 2004 une impossibilité de construire sur certains lots sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme avant l'expiration du délai de cinq prévu par les dispositions précitées de l'article L. 315-8 du même code instituant une garantie de stabilité des servitudes d'urbanisme, la commune de Grimaud a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la SCI la Bastide soutient également que les autorités publiques ont commis une faute en omettant de prescrire un plan de prévention des risques d'incendie de forêt et d'imposer des prescriptions adaptées au risque en 1992, alors que celui-ci était déjà caractérisé ;

9. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1982, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1987, applicable à la date de délivrance de l'autorisation de lotir en litige : " L'Etat élabore et met en application des plans d'exposition aux risques naturels prévisibles, qui déterminent notamment les zones exposées et les techniques de prévention à y mettre en oeuvre tant par les propriétaires que par les collectivités ou les établissements publics. (...) " ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2., la commune de Grimaud a accordé un permis de lotir en 1992 à la Sarl Alligator pour un lotissement de quinze lots ; que la SCI la Bastide ayant fait l'acquisition du lot n° 12, a obtenu, le 14 avril 2004, un permis de construire pour une maison d'habitation ; que, cependant, l'autorité administrative, ayant constaté que certains des lots, notamment le lot n° 12, étaient exposés à un risque majeur d'incendie de forêt, a, par arrêté du 9 août 2004, prononcé le retrait du permis et refusé celui-ci au motif que le terrain se trouve exposé à un risque majeur d'incendie de forêt de nature à justifier le rejet de toute demande de permis de construire ou d'aménager sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le territoire de la commune de Grimaud, située dans le département du Var qui est notoirement exposé aux risques de feu de forêt, comporte de nombreux massifs forestiers qui l'exposent particulièrement à de tels risques, notamment dans le secteur d'implantation du terrain d'assiette du lotissement en litige qui est entouré de collines boisées ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'entre la date de délivrance du permis de lotir en 1992 et la date à laquelle l'administration a opposé l'inconstructibilité de certains lots, la nature du risque aurait été substantiellement modifiée ; que, dans ces conditions, si des études du risque d'incendie, qui n'ont pas été demandées aux services compétents dans le cadre de l'instruction du permis de lotir initial, avaient été effectuées dès 1992, elles auraient été de nature à révéler l'existence du risque identifié en 2004 ;

12. Considérant qu'en ayant omis d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan d'exposition aux risques d'incendie sur le territoire de la commune de Grimaud à la date de délivrance du permis de lotir initial en 1992, alors que cette commune présentait notoirement des risques d'incendie notamment dans le secteur en cause et qu'il y était tenu par les dispositions de précitées de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1982, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

13. Considérant, d'autre part, que la SCI la Bastide soutient également que la commune de Grimaud a commis une faute en omettant d'émettre dans le permis de lotir accordé en 1992, les restrictions fondées sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme qui fondent le retrait et le refus de permis de construire opposés en 2004 ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

15. Considérant que la carence de l'Etat ne dispense pas l'autorité compétente pour délivrer les autorisations de construire au nom de la commune, de porter sa propre appréciation sur le risque existant au titre des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dès lors que l'existence du risque est suffisamment établie ; qu'en l'espèce, eu égard aux caractéristiques du territoire communal et à celles du terrain d'assiette telles qu'elles viennent d'être exposées, le maire de Grimaud a commis une faute en omettant de prendre en compte le risque d'incendie auquel le projet était exposé dès 1992 ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité commune de Grimaud ;

16. Considérant, en troisième lieu, que si la SCI la Bastide soutient que le principe de clarté de précision et de prévisibilité de la loi garanti par l'article 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 a été méconnu, faute pour l'administration de lui avoir permis d'accéder à une règle claire, précise et prévisible, il résulte toutefois de l'instruction, que les règles successivement applicables étaient claires et prévisibles ; que les dispositions ainsi invoquées ont seulement pour effet d'imposer que l'application de la règle soit prévisible et non qu'elle ne puisse être modifiée sans que cela n'ait été prévisible ; que le moyen manque dès lors en droit ;

17. Considérant, en quatrième lieu, que la société SCI la Bastide soutient que l'application tardive de l'article R. 111-2 code de l'urbanisme a porté atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;

18. Considérant, d'une part, que les servitudes nouvelles découlant de l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'ont pas porté d'atteinte excessive aux intérêts du lotisseur en raison de ce que la balance entre l'intérêt du bénéficiaire d'une autorisation à la stabilité de la règle applicable et l'intérêt général justifiant la modification de la règle a été effectuée par le législateur en instaurant un délai de stabilité de cinq ans des règles applicables au permis de lotir et eu égard, par ailleurs, à la gravité des risques d'incendie identifiés en l'espèce ;

19. Considérant, d'autre part, que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique soumise au juge administratif national est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la situation de la société requérante est entièrement régie par des règles de l'ordre juridique interne ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe invoqué est, par suite, inopérant ;

20. Considérant, en cinquième lieu, que la société requérante soutient que l'application tardive de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme porte atteinte au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) " ;

21. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la gravité des risques d'incendie auxquels le terrain en cause est exposé, la charge qui lui est imposée n'est pas exorbitante au regard de l'intérêt poursuivi qui est d'assurer la sécurité publique et notamment la sécurité des demandeurs de permis de construire sur les terrains grevés de la servitude ; que la société requérante n'est donc pas fondée à invoquer une méconnaissance des stipulations précitées ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI la Bastide est fondée à soutenir que la responsabilité de la commune de Grimaud est engagée à son égard, d'une part, pour avoir méconnu la garantie découlant des dispositions de l'article L. 315-8 du code de l'urbanisme et en raison de sa carence dans l'appréciation du risque d'incendie lors de la délivrance du permis de lotir en 1992 ; que la requérante est également fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de sa carence dans la mise en oeuvre des responsabilités qui lui incombent dans la mise en place de plans d'expositions aux risques ;

En ce qui concerne la répartition des responsabilités :

23. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'appréciation du risque relevant d'études spécifiques menées par les services de l'Etat à l'initiative du préfet ou sur la demande du maire, la part respective de responsabilité de l'Etat et de la commune dans les préjudices subis par la société requérante doit être fixée aux deux tiers pour le premier et à un tiers pour la seconde ;

En ce qui concerne le préjudice :

24. Considérant que la SCI la Bastide demande la réparation des préjudices découlant, d'une part, de la perte de valeur de son terrain qui est devenu inconstructible, des frais exposés à l'occasion de cette acquisition et en vue de la réalisation d'une construction, du coût d'immobilisation du capital affecté à cette acquisition et des divers troubles résultant pour elle des fautes commises par l'administration ;

25. Considérant, en premier lieu, que s'agissant de la perte de valeur du bien, le préjudice doit être évalué à la différence entre le montant de l'acquisition, soit 175 316 euros, et la valeur résiduelle du terrain après le constat de son inconstructibilité ; que les éléments du dossier ne permettent pas de procéder à l'évaluation du préjudice subi de ce chef par la société requérante ; qu'il y a lieu, par suite, de confier à un expert la mission décrite à l'article 4 ci-après du dispositif ;

26. Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant des frais exposés pour réaliser l'acquisition et l'opération de construction, la SCI La Bastide est fondée à demander une indemnisation au titre des frais de notaire s'élevant à la somme de 15 170,42 euros, des honoraires d'architecte pour un montant de 4 000 euros, de frais de reprographie pour un montant de 40 euros, de frais d'affichage du permis de construire pour un montant de 240 euros et de frais financiers se rattachant à l'emprunt qu'elle a souscrit pour un montant de 3 949,88 euros ; que l'indemnisation due au titre de ces divers frais s'établit ainsi à la somme totale de 23 400,30 euros ;

27. Considérant, en troisième lieu, que s'agissant du coût de l'immobilisation du capital, la réalité de chef de préjudice n'est pas établie dès lors que l'acquisition a été financée par un emprunt ;

28. Considérant, en quatrième lieu, que s'agissant des préjudices allégués au titre de "troubles dans les conditions d'existence", la SCI La Bastide, en se bornant à mentionner, sans autre précision, qu'ils incluent "le préjudice moral, la perte de temps, la perte de jouissance du bien ..." ne met pas à la Cour à même d'apprécier la réalité des préjudices ainsi invoqués au nom d'une personne morale ;

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation :

29. Considérant que la SCI la Bastide a droit aux intérêts sur les sommes qui lui sont dues à compter du 17 décembre 2008, date de réception de ses demandes préalables par l'Etat et la commune de Grimaud ; que la requérante a demandé la capitalisation le 16 février 2011, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts et qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner cette capitalisation à cette date, puis à chaque échéance annuelle ultérieure ;

30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI la Bastide est fondée à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes indemnitaires ; qu'il y a lieu de condamner de l'Etat à lui verser une somme de 15 600,20 euros et la commune de Grimaud à lui verser une somme de 7 800,10 euros, assorties des intérêts à compter du 17 décembre 2008 et de leur capitalisation à compter du 16 février 2011 ; qu'il y a également lieu d'ordonner une expertise pour déterminer la perte de valeur vénale du terrain ;

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Toulon n° 0900720 et n° 0900723 du 12 mai 2011 sont annulés.

Article 2 : La commune de Grimaud est condamnée à verser à la SCI la Bastide une indemnité de 7 800,10 euros (sept mille huit cent euros et dix centimes). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2008. Les intérêts échus le 16 février 2011 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à la SCI la Bastide une somme de 15 600,20 euros (quinze mille six cents euros et vingt centimes). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2008. Les intérêts échus le 16 février 2011 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions des requêtes de la SCI la Bastide relatives à l'indemnisation du préjudice de la perte de valeur vénale de sa propriété, procédé à une expertise avec mission pour l'expert d'évaluer la perte de valeur du lot n° 12 acquis par la requérante au sein du lotissement "les Hauts du clos de l'Avelan" à Grimaud, après le refus de permis de construire qui lui a été opposé par arrêté du 9 août 2004. L'expert sera désigné par le président de la Cour.

Article 5 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 6 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 7 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI la Bastide, à la ministre de l'égalité des territoires et du logement et à la commune de Grimaud.

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N°s 11MA02600, 11MA02601


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