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20/03/2014 | FRANCE | N°12MA02078

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 20 mars 2014, 12MA02078


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 24 mai 2012, sous le numéro 12MA02078, présentée pour la SAS ECRCF, venant aux droits de la société Conilhac énergies, dont le siège est au 5 rue d'Athènes à Paris (75009), par la SCP A... - Poinsot ;

La SAS ECRCF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900689 du 2 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande du comité de sauvegarde du site Clarency Valensole, le permis de construire n° 00415607S0017 accordé à la SARL Conilha

c Energies en vue de l'édification de locaux techniques, citernes, places de st...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 24 mai 2012, sous le numéro 12MA02078, présentée pour la SAS ECRCF, venant aux droits de la société Conilhac énergies, dont le siège est au 5 rue d'Athènes à Paris (75009), par la SCP A... - Poinsot ;

La SAS ECRCF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900689 du 2 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande du comité de sauvegarde du site Clarency Valensole, le permis de construire n° 00415607S0017 accordé à la SARL Conilhac Energies en vue de l'édification de locaux techniques, citernes, places de stationnement et clôture dans le cadre de l'installation d'un parc photovoltaïque au lieu-dit " La Brigadel " sur le territoire de Puimichel, tel qu'il résulte d'un certificat de permis tacite de la préfète des Alpes de Haute-Provence daté du 5 décembre 2008 ;

2°) de rejeter la requête présentée par le comité de sauvegarde du site Clarency Valensole devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) à titre subsidiaire de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de l'association Clarency une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ;

Vu le décret n° 77-566 du 3 juin 1977 modifié sur l'agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées ;

Vu l'arrêté interministériel du 6 septembre 1985 délimitant la zone de montagne en France métropolitaine ;

Vu l'arrêté du 20 février 1974 portant délimitation de zones de montagne ;

Vu le plan d'occupation des sols de la commune de Puimichel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2014 :

- le rapport de M. Salvage, premier-conseiller,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société ECRCF ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 14 février 2014 au greffe de la Cour, présentée pour la société ERCRF ;

1. Considérant que par le jugement contesté du 2 avril 2012 le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande du comité de sauvegarde du site Clarency Valensole, le permis de construire n° 00415607S0017 accordé à la SARL Conilhac Energies, aux droits de laquelle vient la société ECRCF, en vue de l'édification de locaux techniques, citernes, places de stationnement et clôture dans le cadre de l'installation d'un parc photovoltaïque au lieu-dit " La Brigadel " sur le territoire de Puimichel, tel qu'il résulte d'un certificat de permis tacite de la préfète des Alpes de Haute-Provence daté du 5 décembre 2008 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ;

3. Considérant que la SAS ECRCF soutient que le premier juge a soit méconnu le principe du contradictoire en ne lui communiquant pas l'arrêté interministériel du 6 septembre 1985 sur lequel il s'est fondé, soit les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative sus citées en ne l'informant pas de ce que la décision était fondée sur un texte relevé d'office ; que, toutefois, l'article 3 de la loi du 9 janvier 1985 dite " montagne " renvoie à un arrêté interministériel le soin de délimiter la zone où elle s'applique ; que l'arrêté du 6 septembre 1985 dispose en son article 1er que " En France métropolitaine la zone de montagne est délimités par les arrêtés susvisés " ; que l'arrêté du 20 février 1974, qui cite la commune de Puimichel, figure au nombre des textes visés par ce dernier ; qu'ainsi, s'il est vrai que l'arrêté du 6 septembre 1985 n'a effectivement pas été directement invoqué par les parties, le tribunal administratif, s'est borné à appliquer la " loi montagne ", pour répondre au moyen tiré d'une méconnaissance de cette dernière, conformément à son office, sans procéder à une substitution de base légale mais uniquement en précisant le fondement de l'arrêté du 20 février 1974 qui était en débat ; qu'il ne saurait donc être regardé comme ayant relevé d'office un moyen ; qu'ainsi le tribunal administratif n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure ou les dispositions de l'article R. 611-7 ;

Sur la fin de non recevoir soulevée par la SAS ECRCF en première instance :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire " ;

5. Considérant qu'il est constant que le comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole a déposé ses statuts en préfecture le 11 février 2002, avant l'affichage en mairie de la demande de la société Conilhac énergies ; que d'autre part, à la date de la décision contestée ce comité avait pour objet de " Regrouper et coordonner les actions des personnes et associations voulant assurer la sauvegarde du patrimoine naturel des Alpes de Haute-Provence contre toutes interventions qui pourraient mettre en péril son équilibre géologique, hydrogéologique, atmosphérique, écologique, son écosystème et son image de marque/ D'organiser des manifestations, débats, réunions publiques, ainsi que toutes activités culturelles et scientifiques liées à la protection et la sauvegarde de l'environnement " ; que l'objectif de " coordination " et de " regroupement " de l'action de personnes morales ou physiques dans les domaines sus mentionnés peut aisément être entendu comme incluant des actions concrètes de l'association contre un projet déterminé ; que la circonstance que ses statuts aient été modifiés postérieurement à l'introduction de la demande pour préciser cette compétence est sans influence sur l'intérêt pour agir de l'association Clarency-Valensole, une personne morale pouvant ester en justice sans que ses statuts ne le précisent nécessairement ; qu'ainsi, si la société appelante conteste la légalité de l'agrément qui a été délivré à l'association Clarency-Valensole, son objet était déjà, en tout état de cause, suffisamment précis à la date de la décision contestée pour lui donner un intérêt suffisant, au regard de l'ampleur du projet à l'échelle du département, pour lui permettre d'introduire une requête devant le juge administratif aux fins de contester le permis de construire en cause ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de vérifier les conditions dans lesquelles le comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole a obtenu un agrément au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, la SAS ECRCF n'est pas fondée à soutenir que cette association était dépourvue d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision contestée ;

Sur la légalité du permis de construire :

En ce qui concerne le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 145-5 du code de l'urbanisme :

6. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 145-3 du code l'urbanisme : " III. - Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants (...) " ;

7. Considérant en premier lieu, que comme il a été dit au point 3, l'arrêté du 20 février 1974 cite Puimichel au titre des communes où la " loi montagne " s'applique ; qu'un arrêté classant une commune en zone de montagne n'étant pas un acte règlementaire, la société ECRCF ne peut se prévaloir par la voie de l'exception de son illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre le permis de construire contesté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que par le premier alinéa du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme le législateur a entendu interdire, dans les zones concernées, toute construction isolée, sous réserve des dérogations limitativement énumérées ; que le projet en cause consiste, sur une surface de 18 hectares, en la construction de deux bâtiments techniques totalisant 400 mètres carrés de surface hors oeuvre nette, l'implantation de six citernes d'eau de 30 mètres cubes chacune et la fixation au sol sur châssis de 69 984 panneaux photovoltaïques ; que ce projet constitue une urbanisation au sens de ces dispositions et qu'ainsi ces dernières lui sont opposables ; qu'il ressort des pièces du dossier que, eu égard à leur lieu d'implantation, ces constructions ne sont pas réalisées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ; que néanmoins en vertu des mêmes dispositions il peut être dérogé à la règle d'urbanisation en continuité pour les installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, dans les circonstances de l'espèce ; qu'en l'espèce, il est constant que le projet en cause doit occuper un espace très important ; que, toutefois, si la société bénéficiaire se prévaut du risque potentiel que représente la présence d'un raccordement à un câble électrique de 20 000 volts à partir du local des onduleurs et de raccords électriques entre les différents panneaux où le courant y circulant atteint jusqu'à 600 volts ainsi que d'une gêne visuelle pour le voisinage en raison de l'ampleur du projet, le risque n'est pas établi et la gêne invoquée est limitée en raison de la nature des installations en cause ; que dans ces conditions, ledit projet, contrairement à ce que soutient la société ECRCF, ne saurait être qualifié d'installation ou d'équipement public incompatible avec le voisinage des zones habitées ; que la circonstance que le conseil municipal de la commune de Puimichel, par une délibération du 19 décembre 2011, ait porté une telle appréciation est sans influence sur la qualification à retenir ;

9. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 121-1 dont se prévaut la société appelante fixent des objectifs que doivent permettre d'assurer les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; que ces dispositions sont, par elles même, sans influence sur l'application de la dérogation prévues par le premier alinéa du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme ; que, de même, les conditions d'application des autres dérogations à la règle posée par cet alinéa définies notamment par le a) du III de l'article L. 145-3, qui peuvent être mises en oeuvre par la commune, ne sont d'aucun effet sur les appréciations portées au considérant précédant ;

En ce qui concerne le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article ND 4 du plan d'occupation des sols et les conclusions subsidiaires aux fins d'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

10. Considérant qu'aux termes du a) de l'article ND 4 du règlement plan d'occupation des sols de la commune de Puimichel : " Toute construction ou installation nouvelle devra obligatoirement être alimentée en eau potable conformément aux dispositions des articles R. 111-10 et R. 111-11 du code de l'urbanisme, et répondre aux autres dispositions sanitaires en vigueur " ; que selon les dispositions de l'article R. 111-10 du code de l'urbanisme : " En l'absence de réseau public de distribution d'eau potable et sous réserve que l'hygiène générale et la protection sanitaire soient assurées, l'alimentation est assurée par un seul point d'eau ou, en cas d'impossibilité, par le plus petit nombre possible de points d'eau. / En l'absence de système de collecte des eaux usées, l'assainissement non collectif doit respecter les prescriptions techniques fixées en application de l'article R. 2224-17 du code général des collectivités territoriales. / En outre, les installations collectives sont établies de manière à pouvoir se raccorder ultérieurement aux réseaux publics " ; qu'en vertu de l'article R. 111-11 du même code des dérogations à l'obligation de réaliser des installations collectives de distribution d'eau potable peuvent être accordées à titre exceptionnel, lorsque la grande superficie des parcelles ou la faible densité de construction ainsi que la facilité d'alimentation individuelle, font apparaître celle-ci comme nettement plus économique, mais à la condition que la potabilité de l'eau et sa protection contre tout risque de pollution puissent être considérées comme assurées ;

11. Considérant, d'abord, que ni les dispositions de l'article ND 4, ni celles des textes auxquels elles renvoient, notamment les articles R. 111.10 et R. 111-11 du code de l'urbanisme, ne permettent de considérer que certaines constructions ou installations où la présence humaine, même limitée, est avérée seraient dispensées d'une alimentation en eau potable ; que la restriction posée par l'article R. 111-8, qui ne concerne que les bâtiments à usage d'habitation, et la définition posée par le règlement sanitaire départemental ne trouvent ainsi pas à s'appliquer en l'espèce ;

12. Considérant, ensuite, que s'il est constant que le projet prévoit la construction de six citernes, il ressort de la demande de permis de construire que ces dernières sont destinées à l'alimentation en eau des sanitaires et d'un abreuvoir pour les animaux en cas de sécheresse ; qu'il ne ressort ainsi nullement de cette demande ou d'une quelconque autre pièce du dossier que l'eau en cause serait potable au sens et pour l'application des dispositions sus citées ; que, dès lors, le permis en cause ne respecte pas les conditions posées par l'article ND 4 du plan d'occupation des sols ;

13. Considérant, enfin, que si la société ECRCF demande, à titre subsidiaire, à ce que la Cour, si elle retenait ce moyen, applique les dispositions de l'article L. 600-5 en ne prononçant qu'une annulation partielle de la décision contestée, ces dernières ne sauraient être retenues, le motif d'annulation relatif à la méconnaissance de la " loi montagne " imposant en tout état de cause une annulation totale ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS ECRCF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Marseille a annulé le permis de construire n° 00415607S0017 accordé à la SARL Conilhac Energies ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'association Clarency, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés par la SAS ECRCF et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la SAS ECRCF est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS ECRCF, au comité de sauvegarde du site Clarency Valensole et à la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

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N° 12MA02078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02078
Date de la décision : 20/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Travaux soumis au permis.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Frédéric SALVAGE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP GRANDJEAN - POINSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-03-20;12ma02078 ?
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