Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 16 juillet 2012, sous le numéro 12MA02962, présentée pour Mme E...B...et M. H... B..., demeurant ... ainsi que pour Mme F...B..., demeurant..., par la SCP Alinot-C... ;
Les consorts B...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001635, 1102351 du 16 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet du Var en date du 29 avril 2010 portant déclaration d'insalubrité irrémédiable d'un immeuble implanté sur une parcelle cadastrée n° BD 47 située au 18 boulevard du Général de Gaulle à Puget-sur-Argens, d'autre part, de l'arrêté du préfet de Var en date du 31 mai 2011 déclarant d'utilité publique au profit de la commune de Puget-sur-Argens l'acquisition des parties d'immeubles nécessaires à la réalisation du projet de résorption de l'habitat insalubre sur l'îlot des Bouchonnières n° 1 situé dans le centre ancien de la commune et déclarant lesdites parties d'immeubles cessibles ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées du préfet du Var ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 modifiée tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2014 :
- le rapport de Mme Pena, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;
- les observations de Me G...C...de la SCP Alinot-C... pour les consortsB... ;
- et les observations de Me A...D...du cabinet LLC et associés pour la commune de Puget-sur-Argens;
1. Considérant que, par une délibération du 25 juin 2009, le conseil municipal de la commune de Puget-sur-Argens a approuvé la mise en oeuvre d'une opération de résorption de l'habitat insalubre de l'îlot des Bouchonnières I situé dans son centre-ville ancien ; que, dans ce cadre, le préfet du Var a pris une série d'arrêtés portant déclaration d'insalubrité irrémédiable des immeubles inclus dans le périmètre ainsi défini ; que, par un arrêté en date du 29 avril 2010, l'immeuble situé 18 rue du Général de Gaulle a fait l'objet d'une telle déclaration ; que, par un arrêté du 31 mai 2011, le préfet du Var a pris un arrêté portant déclaration d'utilité publique et cessibilité au profit de la commune des parties d'immeubles appartenant aux consorts B...incluses dans ledit périmètre en vue de la réalisation dudit projet ;
que, par jugement en date du 16 mai 2012, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande des consorts B...tendant à l'annulation des arrêtés susmentionnés des 29 avril 2010 et 31 mai 2011 ; que les consorts B...relèvent appel de ce jugement ;
Sur l'intervention de la commune de Puget-sur-Argens :
2. Considérant que contrairement à ce que contestent les appelants, c'est à juste titre que les premiers juges ont admis l'intervention de la commune de Puget-sur-Argens dans l'instance mettant en cause l'arrêté du 29 avril 2010 portant déclaration d'insalubrité irrémédiable des lots d'un immeuble situé sur son territoire ; que c'est également à bon droit qu'ils l'ont considérée comme partie dans l'instance mettant en cause l'arrêté du 31 mai 2011 portant déclaration d'utilité publique et cessibilité des parties d'un immeuble à son profit ;
Sur l'habilitation du maire de Puget-sur-Argens à représenter la commune :
3. Considérant que la commune a versé au dossier la délibération de son conseil municipal en date du 1er avril 2008 autorisant son maire à la défendre dans les actions intentées contre elle, habilitant de fait le maire à représenter la commune devant le tribunal ; que, s'agissant de l'habilitation du maire à représenter la commune devant la Cour, la délibération également versée au dossier de son conseil municipal en date du 29 avril 2010 autorisant son maire à " intenter a nom de la commune les actions en justice et de défendre la commune dans les actions intentées contre elle " suffit à justifier d'une telle habilitation ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance dirigée contre l'arrêté du 29 avril 2010 :
4. Considérant que les consorts B...persistent à soutenir qu'ils ont bien intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 29 avril 2010 portant déclaration d'insalubrité irrémédiable de l'immeuble situé 18 rue du Général de Gaulle, en tant que propriétaires indivis de lots de l'immeuble situé sur la parcelle voisine et sur celle commune aux deux immeubles ; qu'ils ne sont toutefois ni propriétaires, ni occupants à un quelconque titre d'un lot situé dans l'immeuble concerné par l'arrêté du 29 avril 2010 ; que, par suite, et ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, leur seule qualité de voisin de l'immeuble concerné par l'arrêté d'insalubrité irrémédiable ne saurait suffire à leur conférer un tel intérêt, eu égard à la nature et la portée d'un tel arrêté qui n'implique notamment pas forcément sa démolition ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 31 mai 2011 :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la loi susvisée du 10 juillet 1970 alors applicable : " Peut être poursuivie au profit de l'Etat, d'une société de construction dans laquelle l'Etat détient la majorité du capital, d'une collectivité territoriale, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, dans les conditions prévues aux articles 14 à 19, l'expropriation : / - des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application des articles L. 1331-25 et L. 1331-28 du code de la santé publique ; (...) - à titre exceptionnel, des immeubles qui ne sont eux-mêmes ni insalubres, ni impropres à l'habitation, lorsque leur expropriation est indispensable à la démolition d'immeubles insalubres ou d'immeubles menaçant ruine, ainsi que des terrains où sont situés les immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine lorsque leur acquisition est nécessaire à la résorption de l'habitat insalubre, alors même qu'y seraient également implantés des bâtiments non insalubres ou ne menaçant pas ruine. " ;
qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : " Par dérogation aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le préfet, par arrêté : / Déclare d'utilité publique l'expropriation des immeubles, parties d'immeubles, installations et terrains, après avoir constaté, sauf dans les cas prévus au troisième alinéa de l'article 13, qu'ils ont été déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l'article L. 1331-25 ou de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique, ou qui ont fait l'objet d'un arrêté de péril assorti d'une ordonnance de démolition ou d'une interdiction définitive d'habiter pris en application de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ; / Indique la collectivité publique ou l'organisme au profit de qui est poursuivie l'expropriation ; / Mentionne les offres de relogement faites obligatoirement aux occupants y compris les propriétaires, qu'il s'agisse d'un relogement durable ou d'un relogement d'attente avant l'offre d'un relogement définitif ; / Déclare cessibles lesdits immeubles bâtis, parties d'immeubles bâtis, installations et terrains visés dans l'arrêté ; / Fixe le montant de l'indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ainsi qu'aux titulaires de baux commerciaux, cette indemnité ne pouvant être inférieure à l'évaluation des domaines ; / Fixe la date à laquelle il pourra être pris possession après paiement ou, en cas d'obstacle au paiement, après consignation de l'indemnité provisionnelle. Cette date doit être postérieure d'au moins un mois à la publication de l'arrêté déclaratif d'utilité publique, ce délai étant porté à deux mois dans les cas prévus au troisième alinéa de l'article 13 ; / Fixe le montant de l'indemnité provisionnelle de déménagement pour le cas où celui-ci ne serait pas assuré par les soins de l'administration et, le cas échéant, le montant de l'indemnité de privation de jouissance ; / L'arrêté prévu au présent article est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux et, en cas d'immeuble d'hébergement, à l'exploitant. " ; qu'aux termes de son article 18 : " L'indemnité d'expropriation est fixée selon la procédure prévue aux articles L. 13-1 à L. 13-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et est calculée conformément aux dispositions des articles L. 13-14 à L. 13-20 du même code. / Toutefois, la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition. (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le principe de la réhabilitation de l'îlot des Bouchonnières I a été approuvé par délibération du conseil municipal du 25 juin 2009, dans le cadre d'un projet de résorption de l'habitat insalubre du centre-ville de Puget-sur-Argens ; que l'ensemble de cet îlot est composé de douze immeubles dont huit ont été frappés d'insalubrité à titre irrémédiable et un à titre rémédiable, ainsi qu'en attestent les différents arrêtés préfectoraux en date des 29 avril, 7 juin et 20 octobre 2010 produits au dossier ; que si l'immeuble dans lequel se trouvent les lots appartenant aux consorts B...n'a pas été, quant à lui déclaré insalubre, il est toutefois constant, au vu des plans et photos fournis, que cet immeuble est totalement enclavé dans ledit îlot et entouré d'immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable ; que les appelants ne contestent pas sérieusement ce point, ni les conclusions de l'étude réalisée par la société " le Creuset Méditerranée " en ce qui concerne l'impossibilité technique et financière de conserver la seule partie de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée BD n° 48 ; qu'il est également constant que l'ensemble de cet îlot est voué à la démolition en vue de la réalisation d'un programme de logements sociaux ; que les consorts B...ne sont donc pas fondés à soutenir que la procédure d'expropriation dérogatoire prévue par les dispositions susmentionnées ne pouvait être mise en oeuvre au seul motif que l'immeuble situé au 16 de la rue du Général de Gaulle dans lequel se situent des lots leur appartenant n'a pas fait lui-même l'objet d'un arrêté d'insalubrité ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que si la loi du 10 juillet 1970 prévoit effectivement que ne peuvent être expropriés dans son cadre des locaux à usage exclusivement commercial ou professionnel, la circonstance à la supposer établie de ce que certains des lots concernés par la procédure d'expropriation ne seraient pas à usage d'habitation ne saurait faire obstacle à la mise en oeuvre d'une telle procédure dérogatoire au droit commun ; qu'il ne résulte par ailleurs d'aucune disposition légale ou règlementaire que la procédure d'expropriation prévue à l'article 13 de ladite loi ne pourrait être mise en oeuvre lorsqu'un immeuble est soumis à un régime de copropriété ;
8. Considérant, en troisième lieu que les consorts B...font valoir que les critères de la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation dérogatoire tels que prévus par la circulaire n° 2003-31 du 5 mai 2013 n'auraient pas en l'espèce été respectés ; que toutefois, et alors que les intéressés n'assortissent ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, ils ne peuvent utilement se prévaloir des orientations de cette circulaire, laquelle est dépourvue de toute valeur réglementaire ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'arrêté attaqué du 31 mai 2011 n'a pas méconnu le champ d'application des articles 13 et suivants de la loi du 10 juillet 1970 susmentionnés, lesquels prévoient une procédure particulière, dérogatoire au droit commun de l'expropriation, procédure dont il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas été respectée ; que les appelants ne sont par suite pas fondés à faire valoir que la mise en oeuvre de la procédure de droit commun aurait permis de garantir les libertés fondamentales des administrés tels que le respect des droits de la défense et la consultation préalable, ni que cela aurait permis d'éviter les erreurs sur les lots et l'expropriation de locaux commerciaux ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'à supposer que l'arrêté du 31 mai 2011 n'ait pas été publié, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur sa légalité ;
11. Considérant, en sixième lieu, que l'arrêté du 31 mai 2011 déclare d'utilité publique l'acquisition des parties d'immeubles désignés au plan et à l'état parcellaire qui lui sont annexés ; que les consorts B...ne sont par suite pas fondés à soutenir que cet acte viserait une déclaration d'utilité publique qui n'existe pas dès lors que son objet est bien de prononcer une telle déclaration ; qu'à supposer que les appelants aient entendu soutenir que la déclaration d'utilité publique ne pouvait être prononcée dès lors qu'il n'y avait eu ni enquête préalable et parcellaire, ni désignation du commissaire-enquêteur, ni publication dans la presse, ce moyen est inopérant pour les raisons sus évoquées ;
12. Considérant, en septième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les consorts B..., c'est à bon droit que l'arrêté du 31 mai 2011 vise la loi du 10 juillet 1970 elle-même et non pas les code de l'expropriation, l'article 24-1 de ce dernier renvoyant expressément aux articles 13 à 26 de ladite loi ;
13. Considérant, en huitième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche de détail des lots de l'immeuble BD n°s 49, 48 et 47 de l'îlot des Bouchonnières situé aux 16-18 de la rue du Général de Gaulle figurant au dossier de demande de financement de résorption de l'habitat insalubre, que l'ensemble composé de ces trois parcelles supportant deux bâtiments divisés en trois copropriétés présente une situation foncière complexe ; que les consorts B...soutiennent que l'arrêté du 31 mai 2011 repose sur des informations cadastrales erronées fournies par la commune contenues dans des fiches d'évaluation inexactes dans lesquels les lots ne sont pas correctement identifiés ;
que s'il résulte de ladite fiche de détail des lots qu'une divergence entre les relevés hypothécaires et le cadastre laisse effectivement planer un doute sur deux lots sis sur la BD n°49, il est néanmoins constant que les consorts B...qui revendiquent une telle propriété, sans pour autant fournir les titres y afférents, ont été considérés comme propriétaires desdits lots, dans l'attente de la décision du juge judiciaire sur ce point ; que les appelants n'établissent pas non plus en quoi les remaniements cadastraux opérés à plusieurs reprises par la commune seraient erronés ; que, dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté du 31 mai 2011 aurait été pris sur des informations erronées ;
14. Considérant, en neuvième lieu, que le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission nationale résorption de l'habitat insalubre pour le financement des études pré-opérationnelle et opérationnelle est inopérant à l'encontre de l'arrêté de déclaration d'utilité publique du 31 mai 2011, une telle saisine n'intervenant qu'au stade de la mise en oeuvre et du financement de l'opération de résorption de l'habitat insalubre dans le but d'obtenir des subventions ;
15. Considérant, en dixième et dernier lieu, qu'il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître du contentieux relatif à l'ordonnance d'expropriation ; que par suite, les moyens invoqués à l'encontre d'une telle ordonnance ne peuvent qu'être écartés comme inopérants devant la juridiction administrative ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts B...la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Puget-sur-Argens, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de ladite commune qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts B...est rejetée.
Article 2 : Les consorts B...verseront à une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B..., M. H...B..., Mme F...B..., à la commune de Puget-sur-Argens et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
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