La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2015 | FRANCE | N°13MA02760

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 16 janvier 2015, 13MA02760


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 13MA02760, présentée pour Mme B...C...demeurant ... par Me F...;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1206087 du 18 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 16 janvier 2012 refusant de lui accorder une indemnité d'entretien pour l'enfantD... ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du présiden

t du conseil général des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au président du consei...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 13MA02760, présentée pour Mme B...C...demeurant ... par Me F...;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1206087 du 18 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 16 janvier 2012 refusant de lui accorder une indemnité d'entretien pour l'enfantD... ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du président du conseil général des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au président du conseil général des Bouches-du-Rhône de lui accorder le bénéfice de la prestation sollicitée à compter du 16 janvier 2012 ;

4°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à Me F..., qui s'engage à renoncer en ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

------------------------------------------------------------------------------------------------------;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Hameline, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

- et les observations de Mme A...E...représentant le département des Bouches-du-Rhône ;

1. Considérant que Mme B...C..., ressortissante française, s'est vu confier l'enfant mineure non abandonnée D...C...par la mère de celle-ci, selon un acte de " kafala " déclaré devant les adouls du ressort territorial du tribunal de première instance de Casablanca le 27 août 2007 ; que Mme B...C..., qui réside avec l'enfant sur le territoire français, a demandé au département des Bouches-du-Rhône le bénéfice de l'indemnité d'entretien prévue par l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles ; que sa demande été rejetée par le président du conseil général des Bouches-du-Rhône le 16 janvier 2012 ; que Mme C...interjette appel du jugement en date du 18 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 janvier 2012 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles : " Le département prend en charge financièrement au titre de l'aide sociale à l'enfance, à l'exception des dépenses résultant de placements dans des établissements et services publics de la protection judiciaire de la jeunesse, les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur : 1° Confié par l'autorité judiciaire en application des articles 375-3, 375-5 et 433 du code civil à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés ; 2° Confié au service de l'aide sociale à l'enfance dans les cas prévus au 3° de l'article L. 222-5 ; 3° Ou pour lequel est intervenue une délégation d'autorité parentale, en application des articles 377 et 377-1 du code civil, à un particulier ou à un établissement habilité dans les conditions fixées par voie réglementaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article 377 du code civil : " Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance. En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale... " ; qu'enfin aux termes de l'article 377-1 du code civil : " la délégation totale ou partielle de l'autorité parentale résultera du jugement rendu par le juge aux affaires familiales (...). " ;

3. Considérant que, si l'acte de kafala du 27 août 2007 par lequel l'enfant D...C...a été confié à la requérante en application du droit marocain, selon déclaration commune avec la mère de l'enfant devant les adouls en fonction dans le ressort territorial du tribunal de première instance de Casablanca, a été homologué par le juge chargé du notariat de ce même Tribunal, il ne peut être regardé de ce seul fait comme constituant un jugement de délégation d'autorité parentale rendu dans les conditions prévues par les articles 377 et 377-1 précités du code civil auxquels renvoie l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles ; que la kafala adoulaire dont se prévaut Mme C...ne peut, par suite, et quelle que soit l'appréciation portée par le service civil du parquet près le tribunal de grande instance de Marseille dans une lettre adressée à la requérante le 1er avril 2010, constituer le fait générateur du versement de plein droit d'une indemnité de prise en charge des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de l'enfant par le département des Bouches-du-Rhône en application des dispositions précitées de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 20 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'Etat. / 2. Les Etats parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale. / 3. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l'adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. " ;

5. Considérant qu'en se bornant à faire valoir en appel que l'article 20 précité de la convention relative aux droits de l'enfant reconnaît la kafala, quelle que soit sa forme, comme l'une des protections de remplacement que les Etats parties peuvent instituer dans le cadre de leur législation nationale, Mme C...ne démontre aucune méconnaissance de cette stipulation par la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône portant refus de versement d'une indemnité d'entretien en application de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles ; qu'il n'est au demeurant ni établi, ni même soutenu que la jeuneD..., volontairement confiée à la requérante par sa mère, serait définitivement privée de son milieu familial ou ne pourrait y être laissée dans son propre intérêt au sens des stipulations précitées ; que le moyen tiré de la violation de l'article 20 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus du président du conseil général des Bouches-du-Rhône en date du 16 janvier 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeC..., n'implique aucune mesure d'exécution par l'administration ; que, par suite, les conclusions présentées par la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au département des Bouches-du-Rhône de lui verser l'indemnité sollicitée ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

9. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que le département des Bouches-du-Rhône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser quelque somme que ce soit au conseil de Mme C...moyennant renonciation de ce dernier à la contribution due au titre de l'aide juridictionnelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au département des Bouches-du-Rhône.

''

''

''

''

2

N° 13MA02760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02760
Date de la décision : 16/01/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

04-02-02 AIDE SOCIALE. DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE. AIDE SOCIALE À L'ENFANCE. - PRISE EN CHARGE PAR L'AIDE SOCIALE À L'ENFANCE DES DÉPENSES D'ENTRETIEN, D'ÉDUCATION ET DE CONDUITE D'UN MINEUR EN APPLICATION DU 3° DE L'ARTICLE L. 228-3 DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES - CONDITIONS - PARTICULIER POUR LEQUEL EST INTERVENU UNE DÉLÉGATION DE L'AUTORITÉ PARENTALE EN APPLICATION DES ARTICLES 377 ET 377-1 DU CODE CIVIL - RESSORTISSANTE FRANÇAISE À QUI UN ENFANT MINEUR A ÉTÉ CONFIÉ PAR ACTE DE « KAFALA » ADOULAIRE AU MAROC (NON).

04-02-02 La personne qui élève en France un enfant recueilli en application d'un acte de « kafala » adoulaire peut-elle percevoir de ce fait l'indemnité versée par le département au titre de l'aide sociale à l'enfance pour pourvoir aux dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite des mineurs en application du 3° de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles ?,,L'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles prévoit que : « Le département prend en charge financièrement au titre de l'aide sociale à l'enfance, à l'exception des dépenses résultant de placements dans des établissements et services publics de la protection judiciaire de la jeunesse, les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur : (…) 3° Ou pour lequel est intervenue une délégation d'autorité parentale, en application des articles 377 et 377-1 du code civil, à un particulier ou à un établissement habilité dans les conditions fixées par voie réglementaire. ».,,L'article 377 du code civil auquel se réfèrent ces dispositions dispose que : « Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance. En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale… ».L'article 377-1 précise que « la délégation totale ou partielle de l'autorité parentale résultera du jugement rendu par le juge aux affaires familiales (…) »,,La cour considère qu'un acte de kafala par lequel un particulier se voit confier un enfant mineur selon une déclaration commune effectuée avec l'un des parents de celui-ci devant les adouls au Maroc ne peut être regardé comme constituant un jugement de délégation d'autorité parentale rendu dans les conditions de procédure et de fond prévues par les articles 377 et 377-1 du code civil auxquels renvoie l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles. La circonstance que la kafala adoulaire ait été homologuée par le juge chargé du notariat du tribunal territorialement compétent au Maroc demeure à cet égard sans influence. La kafala adoulaire ne peut donc constituer par elle-même le fait générateur du versement par un département de l'indemnité de prise en charge des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite d'un mineur en application de ces dispositions du code de l'action sociale et des familles.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : EL HIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-01-16;13ma02760 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award