Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 26 septembre 2014, présentée pour Mme D...C...épouseB..., domiciliée..., par Me Ruffel ;
Mme C...épouse B...demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1402060 du 19 mai 2014 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande qui tendait à l'annulation de l'arrêté en date du 3 février 2014 du préfet de l'Hérault ayant rejeté sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination, ainsi que sa demande d'injonction au préfet de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois, sous la même astreinte, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard :
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande d'admission au séjour dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'Etat à verser à Me Ruffel la somme de 1 196 euros TTC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à percevoir la part contributive de l' Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que le juge de premier ressort a rejeté sa requête par ordonnance sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- pour motiver sa décision, le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble de sa situation personnelle ;
- à titre principal, sa demande d'asile ne pouvant être considérée comme abusive ou dilatoire, le préfet a commis une erreur de droit en prenant la mesure d'éloignement critiquée sans attendre l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile ;
- subsidiairement, en fondant sa décision de refus de séjour sur le rejet de sa demande d'asile, le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit ;
- le refus de séjour critiqué est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est bien intégrée à la société française ;
- l'obligation de quitter le territoire est irrégulière en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- le jugement et l'obligation de quitter le territoire sont irréguliers dès lors que le juge de premier ressort n'a pas vérifié si la demande d'asile remplissait les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire n'est pas motivée en fait et en droit ;
- le préfet de l'Hérault ne pouvait prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire sans l'avoir invitée à exposer sa situation personnelle dans son ensemble ;
- l'obligation de quitter le territoire est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de fixer le pays de destination est irrégulière en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- le préfet ne l'a jamais entendue sur les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- l'arrêté litigieux est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle encourt des persécutions en cas de retour au Kosovo en raison de ses origines Rom ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 8 janvier 2015, présenté par le préfet de l'Hérault qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- en l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté par ordonnance la requête dont il était saisi ;
- la décision de refus de séjour est suffisamment motivée ;
- en l'espèce, c'est à bon droit que le réexamen de la demande d'asile de la requérante a été instruit en procédure prioritaire en application de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en l'espèce, la mesure d'éloignement critiquée a pu être prise sans attendre la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement querellée n'a pas été prise sur le seul fondement du rejet de la demande d'asile ;
- en l'espèce, les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnus ;
- l'obligation de quitter le territoire critiquée n'est pas illégale par voie d'exception ni entachée d'un défaut de base légale ;
- ladite obligation est suffisamment motivée ;
- l'obligation litigieuse est suffisamment motivée et a été prise en conformité avec l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'avait pas à faire l'objet d'une motivation propre ;
- l'intéressée n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale dans son pays d'origine ;
Vu le nouveau mémoire enregistré au greffe de la Cour le 9 janvier 2015, présenté pour Mme C...épouseB..., qui persiste dans ses précédentes écritures et conclusions par les mêmes moyens et, en outre, par celui que la Cour nationale du droit d'asile a accordé à la requérante le bénéfice du statut de réfugié ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 août 2014, admettant à Mme C... épouse B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties de la date de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2015 :
- le rapport de M. Guerrive, rapporteur,
- et les observations de Me A...représentant Mme C...épouseB... ;
1. Considérant que, par l'ordonnance attaquée du 19 mai 2014, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme C...épouse B...dirigée contre l'arrêté du 3 février 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée ;
Sur l'arrêté du 3 février 2014 :
2. Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont, en l'espèce, intervenues en raison de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale ;
3. Considérant qu'il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 742-7 du même code: " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le terrtoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre 1er du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre 1er du titre II du livre VI."; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la décision de refus de séjour prise par le préfet au terme de la procédure de demande d'asile ne peut légalement être prise en l'absence de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, d'autre part, que l'obligation de quitter le territoire ne peut également intervenir sans le refus de séjour opposé au demandeur d'asile débouté ;
5. Considéant qu'en l'espèce, les décisions du 3 février 2014, refusant à Mme C...épouse B...la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire, n'auraient pu légalement être prises en l'absence de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 novembre 2013 et sont intervenues en raison de cet acte, qui a été annulé par la décision du 2 septembre 2014 de la Cour nationale du droit d'asile accordant à Mme C...épouse B...la qualité de réfugié ; que l'annulation de la décision du 15 novembre 2013 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des décisions du 3 février 2014 prises en raison de cet acte ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C...épouse B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle conteste ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que par sa décision en date du 2 septembre 2014, la Cour nationale du droit d'asile a reconnu à Mme C...épouse B...la qualité de réfugié ; que, dans ces conditions, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à l'intéressée ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme C...épouse B...un titre de séjour en qualité de réfugié dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Considérant que Mme C...épouse B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Ruffel, avocat de l'intéressé, de la somme de 1 196 euros ; que conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 19 mai 2014 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier, rendue dans l'instance n° 1402060, et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 3 février 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme C...épouse B...un titre de séjour en qualité de réfugié, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 196 (mille cent quatre-vingt-seize) euros, en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à Me Ruffel qui renoncera, s'il recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...épouseB..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2015, où siégeaient :
- M. Guerrive, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 mai 2015.
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N° 14MA04075