Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 1er août 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section des Alpes-Maritimes a autorisé la rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Par un jugement n° 1203109 du 18 avril 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M.B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mai 2014 et le 4 février 2015, M. B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 avril 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 1er août 2012 ;
3°) d'enjoindre à l'inspecteur du travail de procéder à un nouvel examen de la demande d'homologation de la rupture conventionnelle ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance, en ce compris la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du même code.
Il soutient que :
- la requête est recevable ;
- l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en ne vérifiant pas le caractère libre de son consentement ;
- la décision de l'inspecteur du travail est illégale en ce qu'elle ne comporte aucune mention relative au consentement du salarié et est insuffisamment motivée quant à la prétendue absence de lien avec le mandat représentatif détenu ;
- la saisine pour avis du comité d'établissement, qui est postérieure à la signature de la rupture conventionnelle, est tardive ;
- son consentement n'était pas libre et éclairé ;
- il existe un lien entre son mandat représentatif et la rupture conventionnelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 août 2014 et le 12 février 2015, la SA Société pour l'Informatique Industrielle (SII), représentée par MeC..., de la SCP Berdah-C... -Culioli, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe tiré du défaut de motivation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 1er août 2012 dès lors qu'il relève d'une cause juridique distincte de celle des moyens de légalité interne seuls soulevés en première instance.
Par un mémoire, enregistré le 23 juin 2015, la SA SII a présenté des observations en réponse au moyen susceptible d'être relevé d'office par la Cour.
Elle soutient que ce moyen est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la SA SII.
1. Considérant que M.B..., " informaticien technicien " au sein de la SA SII depuis le 1er avril 2008, a été élu le 15 mars 2011 en qualité de délégué du personnel titulaire ; que, le 15 juin 2012, l'employeur a demandé l'autorisation administrative de procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail de l'intéressé ; que, par jugement du 18 avril 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision du 1er août 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a délivré l'autorisation sollicitée ; que M. B... relève appel de ce jugement ;
Sur légalité de la décision de l'inspecteur du travail :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail : " L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties " ; que l'article L. 1237-15 du même code dispose : " Les salariés bénéficiant d'une protection mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 peuvent bénéficier des dispositions de la présente section. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-14, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre Ier du livre IV, à la section 1 du chapitre Ier et au chapitre II du titre II du livre IV de la deuxième partie. Dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-13, la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail, inséré dans la section 1 du chapitre 1er du titre II du livre IV de la deuxième partie : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il appartient impérativement à l'inspecteur du travail, saisie d'une demande d'autorisation de rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié protégé, de vérifier que le salarié a librement donné son consentement à la rupture ; que, dans l'hypothèse où l'autorisation sollicitée est délivrée, l'inspecteur du travail doit en principe faire figurer dans sa décision les mentions permettant de s'assurer que ce contrôle a été effectué ;
4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de l'examen de la décision en litige qui ne comporte aucune mention sur ce point, que l'inspecteur du travail aurait vérifié le caractère libre du consentement de M. B... ; qu'en particulier la circonstance que l'inspecteur du travail a comparé le montant de l'indemnité convenue avec celle qui aurait légalement été accordée en cas de licenciement n'apporte aucun début de preuve de cette vérification ; qu'il ne résulte d'aucun élément versé au débat que l'inspecteur du travail aurait sérieusement envisagé les conséquences sur le consentement du salarié de la convocation par courrier du 26 avril 2012 pour un entretien préalable à un licenciement fixé au 31 mai 2012, après que le salarié eut refusé de signer un premier projet de convention de rupture signé par l'employeur le 12 avril 2012, et alors que les négociations en vue de la rupture conventionnelle se déroulaient avec l'employeur depuis le début du mois de mars 2012 et que M. B... a finalement accepté de signer celle-ci le 29 mai 2012 ; que, dans ces conditions, la décision du 1er août 2012 est entachée d'erreur de droit, et, par suite, d'illégalité ;
5. Considérant que le moyen qui vient d'être retenu suffisant à censurer le jugement attaqué et à annuler la décision de l'inspecteur du travail, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de la requête ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement et la décision du 1er août 2012 doivent être annulés ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'inspecteur du travail procède au réexamen de la demande d'autorisation dont il a été saisi par la SA SII ; que, dès lors, il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les autres conclusions des parties :
9. Considérant que l'affaire n'a pas engendré de dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, qui, à la date d'introduction de la requête, ne mentionnent pas la contribution pour l'aide juridique, laquelle a été supprimée à compter du 1er janvier 2014 ; que les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent donc être rejetées ;
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. B... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle aux conclusions présentées au même titre par la SA SII ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 avril 2014 et la décision de l'inspecteur du travail du 1er aout 2012 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail de procéder au réexamen de la demande d'autorisation présentée par la SA SII dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SA Société pour l'Informatique Industrielle (SII) et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme Jorda-Lecroq, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 août 2015.
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N° 14MA02143 3
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