Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1202199 du 18 avril 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée par télécopie le 21 juin 2013 et régularisée par courrier le 26 juin suivant, et un mémoire enregistré le 5 août 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 avril 2013 ;
2°) de prononcer la décharge et la restitution des impositions contestées ;
3°) d'ordonner, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise judiciaire aux fins d'éclairer la Cour sur la nature et la qualité des actes pratiqués ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée exige que la législation des Etats membres traite de façon identique, au regard des exonérations prévues par le c) du 1 du A de l'article 13 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, les prestations rendues par les chiropracteurs dès lors qu'elles peuvent être considérées comme étant d'une qualité équivalente, compte tenu de leur qualification professionnelle, à celles rendues par les professions médicales et paramédicales réglementées ;
- la reconnaissance de la profession de chiropracticien est acquise, du fait de la rédaction de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002, comme profession qui dispense des soins à la personne et qui réalise des actes médicaux ; il peut se prévaloir des dispositions du décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011, du décret n° 2011-127 du 20 septembre 2011 et de l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2011 ;
- il produit des éléments attestant de manière suffisante la qualité de la formation qu'il a reçue, laquelle a été contrôlée par l'agence régionale de santé, et du diplôme qu'il a obtenu ; ainsi, il remplit les conditions posées par le droit communautaire eu égard à la qualité de sa formation et aux actes qu'il délivre ; dans la mesure où il se trouve en concurrence avec des professions réglementées, la position retenue par l'administration entraîne une rupture d'égalité entre contribuables ;
- il produit des fiches clients en nombre suffisant pour attester de la qualité des soins qu'il a prodigués à ses clients.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, en application du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales règlementées ; ces dispositions n'ont été modifiées, au regard des chiropracteurs, que par l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2011, ajoutant à l'énumération de l'article 261 du code général des impôts, les praticiens légalement autorisés à faire usage du titre de chiropracteur, applicable aux seuls soins dispensés à compter du 30 décembre 2011 par les praticiens autorisés à faire usage légalement de ce titre ; M. A...ne saurait prétendre au bénéfice de l'exonération pour les soins prodigués au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ;
- le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée n'a nullement été méconnu en l'espèce ; que force est de constater que les actes réservés aux chiropracteurs ont toujours été limités par rapport à ceux que peuvent accomplir les médecins ; contrairement à ses allégations, M. A...n'apporte aucune précision sur la nature des actes prodigués à ses patients ;
Par ordonnance du 8 juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 7 août 2015.
Le ministre des finances et des comptes publics a présenté, après clôture de l'instruction, un nouveau mémoire enregistré le 4 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le décret n° 2011-32 du 7 janvier 2011 ;
- le décret n° 2011-1127 du 20 septembre 2011 ;
- l'arrêté du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono, rapporteur,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., qui exerce une activité de chiropracteur, demande la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément déclarés et acquittés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 pour un montant total de 41 249 euros, en se prévalant du bénéfice des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, relatives à l'exonération de cette taxe ; qu'il relève appel du jugement du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de restitution ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 du A de l'article 13 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par les dispositions du c) du 1 du A de l'article 13 de la sixième directive qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;
4. Considérant, toutefois, que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue au c) du 1 du A de l'article 13 de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations " ;
6. Considérant que le décret du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie n'a été publié que le 9 janvier 2011 et que le décret du 20 septembre 2011 relatif à la formation des chiropracteurs et à l'agrément des établissements de formation en chiropraxie, ainsi que l'arrêté du même jour pris en application de ces deux décrets, n'ont été publiés que le 21 septembre 2011 ; que, durant la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, les actes dits de chiropraxie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine, et le cas échéant, pour certains actes seulement et sur prescription médicale, par les autres professionnels de santé habilités à les réaliser ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour obtenir la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés pour ses prestations de chiropraxie, M. A...doit démontrer qu'il dispose, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies, selon le cas, par un médecin ou par un membre d'une profession de santé réglementée ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes de chiropraxie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ;
8. Considérant qu'il appartient, dès lors, à M.A..., pour mettre la Cour à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;
9. Considérant que M. A...produit des éléments pouvant être regardés comme attestant, de manière suffisante, la qualité de la formation qu'il a suivie et du diplôme qu'il a obtenu ; que pour permettre au juge de se prononcer sur la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils ont été effectués, il lui appartient également de fournir des éléments permettant, sur une période significative d'au moins deux mois, de s'assurer que ces actes n'étaient pas interdits ou n'avaient pas été accomplis sans avis médical préalable lorsque celui-ci était requis ; qu'en l'espèce, M. A... s'est borné à produire, d'une part devant les premiers juges, quarante-quatre " fiches patients " devant être regardées, faute d'être assorties de précisions suffisantes sur ce point, comme correspondant à un nombre équivalent de consultations, réparties sur une période de vingt-quatre mois, alors que son chiffre d'affaires s'élevait au titre de la période en litige à plus de 228 000 euros, d'autre part devant la Cour, une déclaration sur l'honneur et un glossaire relatif aux " fiches patients " ; qu'ainsi, M. A... n'établit pas que les actes de chiropraxie qu'il a accomplis puissent être considérés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués, selon le cas, par un médecin ou par un masseur-kinésithérapeute pratiquant l'ostéopathie ou la chiropraxie, auraient bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, les moyens tirés de la violation du principe de neutralité fiscale, de l'article 13 de la directive du 17 mai 1977 et des objectifs définis par cet article ne peuvent qu'être écartés ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée par l'intéressé, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 octobre 2015.
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N° 13MA02492 6
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