Vu la procédure suivante:
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1105092, 1105093 du 29 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision implicite par laquelle le président de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault a refusé la modification des horaires de travail de Mme A..., a enjoint au président de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault de procéder à une modification des horaires de travail de Mme A... et a rejeté la demande de Mme A... aux fins d'indemnisation du préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait du comportement de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2014, sous le n° 14MA00358, Mme D... A..., représenté par le SELARL d'avocats Blanc-Tardivel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 novembre 2013 en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault à lui verser une indemnité de 47 826,75 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis de son fait, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.
Elle soutient que :
- la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault a commis une faute en lui imposant des horaires de travail qui méconnaissent les termes d'un accord local et de la directive 93/104CE du conseil du 31 décembre 1993 modifiée par la directive 2000/34 CE du parlement et du conseil du 22 juin 2000 ; elle a commis également une faute en refusant par sa décision tacite de modifier ses horaires de travail pour se conformer aux règles régissant l'amplitude de journée de travail et les repos compensateurs ;
- le règlement des services de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault fixe les horaires de travail du personnel ; l'article 7 de l'accord local sur l'aménagement et la réduction du temps de travail à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault précise que l'amplitude journalière maximale comptée entre le début et la fin de journée de travail est de 11 heures et que le repos quotidien est de 11 heures minimum ;
- la directive 93/104CE du conseil du 31 décembre 1993 modifiée par la directive 2000/34 CE du parlement et du conseil du 22 juin 2000 fixe à 11 heures consécutives la période minimale du repos journalier, et cette règle est reprise en droit interne par l'article L. 3131-1 du code du travail ;
- ce seuil minimal de repos compensateur journalier se traduit par l'interdiction de dépasser une amplitude journalière de travail de 13 heures ;
- en l'espèce, elle a été embauchée en contrat à durée indéterminée en qualité de femme de ménage au 1er décembre 1985 ; il lui a été demandé d'effectuer l'entretien des locaux en dehors des heures de présence des occupants ; elle justifie travailler en moyenne de 5 heures à 9 heures le matin et de 17 heures à 21 heures le soir, et la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault ne le conteste pas ; l'amplitude journalière de travail est donc de 16 heures et son repos compensateur journalier est de 8 heures et non de 11 heures ;
- elle n'est pas libre du choix de ses heures de travail puisqu'il lui est demandé de nettoyer les salles de réunion en dehors des heures d'ouverture au public ; en outre, il est mentionné que les 7 h 30 quotidiens qu'elle doit effectuer sont répartis entre le soir à partir de 17 h et le matin avant 9 h ; par ailleurs, la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault est fermée le midi entre 12 h 30 et 13 h30 ; ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Montpellier, ces contraintes horaires ont pour effet l'impossibilité pour elle d'exercer ses missions sur une ampleur maximale de 11 heures en méconnaissance de l'accord local ;
- lorsque l'employeur se soustrait à la législation relative aux repos compensateurs, le salarié subit nécessairement un préjudice ; il s'agit d'un manquement à des prescriptions d'ordre public dont l'objet est la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ; le dépassement de l'amplitude journalière de travail l'a exposée sur la période non prescrite à une pénibilité et une fatigue exceptionnelles ; ses longues journées de travail ont généré chez elle une tension anormale qui a pesé sur son environnement familial, et il en est attesté sur le plan médical ; elle a été exposée à un risque accentué d'accident et de maladie professionnelle, et à une altération de sa qualité de vie ; sur la base de la perte de 3 heures de repos compensateur quotidien, soit 15 heures hebdomadaires, elle a perdu 3120 heures de repos compensateur en quatre ans ; sur la base d'un salaire horaire de 12,26 euros, et d'une majoration de 1,25 de ce taux s'agissant d'heures supplémentaires, elle a subi un préjudice qui peut être évalué à 47 826,75 euros ; ce même préjudice peut être également être liquidé sur la base de 996 euros par mois sur la période quadriennale non prescrite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2015, la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault, représentée par la SCP d'avocats Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a mis en oeuvre l'injonction adressée par le tribunal administratif de Montpellier de procéder à la modification des horaires de travail de Mme A... ;
- compte tenu de la spécificité de l'emploi de Mme A..., et de ce qu'il lui était laissé une totale liberté pour organiser ses horaires de travail, la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault n'a généré à son détriment aucun préjudice ; l'intéressée, qui avait la maîtrise totale de l'organisation de son travail, compte tenu notamment de ce qu'elle était logée sur place, avait la possibilité de grouper ses heures de travail soit avant, soit après l'ouverture des locaux au public, soit entre midi et deux ; elle ne peut reprocher à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault de lui avoir opposé un refus alors qu'elle était toujours en capacité de s'organiser elle-même ; aucune faute ne peut donc être imputée à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault ;
- le préjudice allégué n'est pas démontré ; en outre, au regard de la maîtrise de ses heures de travail, le comportement de Mme A... viendrait atténuer la responsabilité de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault.
Une ordonnance du 4 septembre 2015 a fixé la clôture de l'instruction au 30 septembre 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Une lettre du 5 octobre 2015 a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la Cour est susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public relevé d'office, soit le moyen tiré de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache au jugement du 29 novembre 2013 en ce qu'il a annulé le refus de modifier l'emploi du temps de Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- le statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat du 13 novembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail, président assesseur,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant Mme A..., et de MeC..., représentant la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault.
1. Considérant que Mme A... a été engagée le 1er mars 1985 en qualité d'agent d'entretien titulaire par la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault ; qu'elle a demandé, le 21 juillet 2011, une modification de ses horaires de travail, pour les mettre en conformité avec la règlementation sur le repos compensateur et l'amplitude de travail quotidiens ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le président de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault a rejeté sa demande et, d'autre part, à la condamnation de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault à lui verser des dommages et intérêts ; que, par un jugement du 29 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision et a rejeté la demande indemnitaire présentée par Mme A... ; que celle-ci relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'indemnisation ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que par le jugement précité du 29 novembre 2013, définitif sur ce point, et à ce titre revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le refus du président de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault de modifier les horaires de travail de Mme A... ; qu'il résulte des motifs de ce jugement, qui en constituent le support nécessaire, que la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault a imposé à compter de 1991 à Mme A... d'effectuer les tâches de nettoyage des locaux de cet organisme consulaire en dehors de la présence des occupants, c'est-à-dire avant 9 heures le matin et après 17 heures le soir, et que l'intéressée, employée à temps plein, a ainsi dépassé l'amplitude journalière maximale, comptée entre le début et la fin de la journée de travail, et n'a pas bénéficié de la période minimale de repos de onze heures consécutives, prévue par les textes en vigueur ; qu'en imposant à Mme A... une répartition de ses heures de travail qui ne respectait pas les règles en vigueur et en refusant de modifier cette répartition, le président de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault a commis une illégalité ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de cette dernière ;
3. Considérant que la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault fait valoir que Mme A... choisissait elle-même son emploi du temps, et qu'elle a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault en travaillant dans des conditions qui l'ont amenée à dépasser l'amplitude de travail journalière ; que, toutefois, il résulte de la lettre adressée à Mme A... le 18 novembre 1991 par le secrétaire général de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault, ainsi, du reste, que l'a relevé le tribunal administratif de Montpellier, que l'intéressée n'avait pas une réelle maîtrise de la répartition de ses heures de travail puisqu'elle devait les effectuer en l'absence des occupants des locaux entretenus ; qu'aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault ne saurait donc être imputée à Mme A... à cet égard ;
Sur le préjudice :
4. Considérant que tant les dispositions de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que l'accord local sur l'aménagement et la réduction du temps de travail à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault du 15 octobre 2001, dont le jugement précité, revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée sur ce point, a relevé la méconnaissance, ont pour objet la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ; qu'en imposant à Mme A... une répartition de ses horaires de travail qui conduisait à un dépassement caractérisé de l'amplitude journalière, et ne lui assurait pas le repos minimal, la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault a occasionné à l'intéressée des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'eu égard au fait que l'intéressée logeait sur place, son époux bénéficiant d'un logement de fonctions, et que les troubles dans ses conditions d'existence ont été de ce fait limités, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... en l'évaluant à la somme de 1 500 euros ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'indemnisation, et la condamnation de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault à lui verser une indemnité de 1 500 euros ;
Sur les intérêts :
6. Considérant que Mme A... a droit aux intérêts de la somme de 1 500 euros à compter du 28 juillet 2011, jour de la réception par la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault de sa réclamation préalable formée le 21 juillet 2011 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
7. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 17 novembre 2011 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 juillet 2012, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme A... ; que, par contre, l'intéressée n'étant ni partie perdante ni tenue aux dépens, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault présentée à ce titre ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 novembre 2013 est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... aux fins d'indemnisation.
Article 2 : La chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault est condamnée à verser à Mme A... une indemnité de 1 500 (mille cinq cents) euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2011. Les intérêts échus le 28 juillet 2012 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : La chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault versera à Mme A... la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
Mme Buccafurri, présidente,
M. Portail, président-assesseur,
M. Argoud, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 novembre 2015.
''
''
''
''
2
N° 14MA00358