Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1202689 du 13 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 23 avril 2012 par lequel le maire de Coursan a refusé la délivrance d'un permis de construire au GFA domaine de Roquelastours.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 avril 2014, et un mémoire complémentaire et des pièces enregistrés les 4 mai, 29 juin et 4 août 2015, la commune de Coursan, représentée par la SCP d'avocats Pech De Laclause Jaulin-Bartolini demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 février 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter la demande présentée par le GFA domaine de Roquelastours devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge du GFA domaine de Roquelastours une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article 1 de la section du plan de prévention des risques d'inondation des basses plaines de l'Aude interdit les exhaussements et affouillements des sols non visés à l'article 2 ; celui-ci n'autorise que les exhaussements liés à des constructions en zone urbanisée, et les exhaussements hors zone urbanisée en secteur 3RIM et 3RIP ; en l'espèce, le terrain d'assiette du projet est situé en zone RI3 du plan de prévention des risques d'inondation et en zone agricole non urbanisée NC, de sorte qu'aucun exhaussement du terrain naturel n'est permis dans cette zone ; or le projet défini à l'annexe à la notice complémentaire agricole présenté par le GFA domaine de Roquelastours précise que le terrain naturel sera exhaussé au moyen de gravats pour atteindre une hauteur de 7,50 m alors que la côte du terrain naturel est de 6,50 mA...; le plan réalisé par l'architecte fixe la côte du terrain naturel à 5,70 m, soit environ 1 mètre en dessous de la crue de référence ;
- le projet ne prévoit pas, en méconnaissance du plan de prévention des risques d'inondation, la surélévation de la construction pour mettre le plancher hors d'eau ;
- l'article II2 du plan de prévention des risques d'inondation permet en zone RI3 les constructions nouvelles liées à l'exploitation agricole si ces constructions sont indispensables à l'exploitation et ne peuvent être réalisées hors zone inondable ; or, contrairement à ce que mentionne la demande de permis de construire, le GFA domaine de Roquelastours n'est propriétaire que de 50 hectares, le reste des parcelles étant la propriété d'un membre du GFA domaine de Roquelastours ; le bâtiment projeté de 3 200 m² est dès lors surdimensionné et n'apparaît pas nécessaire à l'exploitation ;
- le bâtiment servant actuellement à l'exploitation agricole est situé le long d'une voie départementale qui ne présente pas de dangers ;
- l'argument tiré du trouble anormal de voisinage occasionné par le hangar existant ne pouvait justifier l'annulation du refus de permis de construire car le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers ;
- le projet méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; en effet, il est situé en zone d'aléas indifférenciés, oscillant entre faible et fort ; le bâtiment est situé en aval de la digue, avec une longueur de 35 m, une largeur de 10 m et une hauteur de 9 m ; il est situé dans la zone d'expansion des crues, et il sera un frein au ruissellement normal de l'eau, de sorte qu'il présente une menace pour la sécurité de la zone ; le maire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant le permis de construire ;
- il résulte du dossier de demande de permis de construire que les gravats stockés sur le terrain vont servir à la surélévation du futur hangar; la présence de gravats sur le terrain et la matérialisation d'un remblai sur le plan Est prouve que la surélévation du hangar est prévue par exhaussement du terrain naturel ;
- la commune demande à la Cour d'appliquer une substitution de motifs tirée de ce que le refus est justifié par la présence de gravats sur le terrain, devant être utilisés pour exhausser le terrain ;
- le projet litigieux est situé au droit de la départementale n° 118 de sorte qu'il présente les mêmes risques que le projet existant.
Par des mémoires enregistrés les 17 octobre 2014 et 15 juillet 2015, le GFA domaine de Roquelastours, représenté par SCP d'avocats Blanquier-B... -Croizier-Charpy conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Coursan de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire dans un délai de deux mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et à la mise à la charge de la commune de Coursan de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- aucun exhaussement de sol n'est prévu ;
- c'est le niveau du plancher et non la cote du terrain qui doit être situé au-dessus du niveau de la crue de référence, or le niveau de plancher à créer est situé au-dessus du niveau de la crue de référence de 6,50 m puisqu'il sera de 6,80 m ;
- le GFA domaine de Roquelastours dispose de 130 hectares de blés dur et de 70 hectares de melons ; le hangar actuel génère des nuisances pour les riverains ; il est situé au coeur du village, et l'accès direct à l'exploitation se fait par la rd 9, et cet accès est dangereux ; or ce nouveau bâtiment se situera hors du centre du village, dans un secteur peu urbanisé ; en tout état de cause, le projet est indispensable à l'activité agricole du GFA domaine de Roquelastours qui ne dispose que d'un hangar de 600 m², ainsi que l'a relevé la chambre d'agriculture ;
- le projet ne méconnaît par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; le terrain est situé au-dessus du niveau des plus hautes eaux connu de 6,50 mA... ; il n'a jamais été inondé ; la construction est bordée au sud-est par un fossé permettant l'écoulement des eaux ; la parcelle sera nivelée au laser avec une légère pente en direction du fossé ; le plancher se situe à 6,80 mètresA..., soit 70 cm au-dessus du niveau de la crue de référence ;
- aucun exhaussement du sol n'est prévu ; le plancher va être surélevé par la construction d'un vide sanitaire et d'un soubassement en béton.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a désigné le 1er septembre 2015 M. C... Portail, président-assesseur de la 9ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Isabelle Buccafurri, présidente de la 9ème chambre.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant le GFA domaine de Roquelastours.
Une note en délibéré, présentée par le GFA domaine de Roquelastours, a été enregistrée le 23 octobre 2015.
Une note en délibéré, présentée par la commune de Coursan, a été enregistrée le 29 octobre 2015.
1. Considérant que le groupement foncier agricole, (GFA), domaine de Roquelastours, a déposé le 6 décembre 2011 une demande de permis de construire pour la réalisation d'un bâtiment agricole sur une parcelle cadastrée section CD n° 7, 14 et 18, sise route départementale n° 118, d'une surface hors oeuvre brute de 3 590 m², à Coursan ; que par un arrêté du 23 avril 2012, le maire de Coursan a refusé le permis de construire ; par un jugement du 13 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté; que la commune de Coursan relève appel de ce jugement ;
2. Considérant en premier lieu que le maire de Coursan a refusé le permis de construire demandé au regard des dispositions du plan de prévention des risques d'inondation des basses plaines de l'Aude approuvé par arrêté du préfet de l'Aude du 8 septembre 2008 ; que le terrain d'assiette du projet en litige est classé au plan de prévention des risques d'inondation en zone Ri3 d'aléa indifférencié, dans laquelle ne sont pas autorisés les exhaussements de terrains, et où ne sont autorisées les constructions nouvelles à usage strict d'activité agricole qu'à la condition que la construction nouvelle soit indispensable à l'exploitation et ne puisse être localisée hors zone inondable, et sous réserve que le niveau des planchers créés soit situé au-dessus du niveau de la crue de référence avec un minimum + 0,6m par rapport à la cote moyenne du terrain d'assiette après adaptation ;
3. Considérant d'une part que le maire de Coursan s'est fondé sur le fait que des gravats avaient été déposés sur le terrain sans autorisation, impliquant une modification du terrain naturel ; qu'il doit être ainsi regardé comme ayant entendu motiver son arrêté de refus de permis de construire notamment par le fait que la réalisation du projet implique un exhaussement du terrain naturel, interdit par le plan de prévention des risques d'inondation en zone Ri3 ; qu'à cet égard la demande de substitution de motifs présentée par la commune est sans objet ;
4. Considérant que si la gérante du GFA domaine de Roquelastours a indiqué dans l'attestation jointe à la demande de permis de construire que la parcelle d'assiette du projet est déjà à la cote la plus haute 6,50 m et au moyen de gravats, il résulte des plans joints à la demande de permis de construire, et en particulier du plan de coupe, que le projet ne comporte pas d'exhaussement du terrain, et respecte les règles du plan de prévention des risques d'inondation concernant la côte des planchers à réaliser par rapport à celle des crues les plus importantes ; qu'un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire ; que la circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci ; que la seule attestation précitée, et les documents dont se prévaut la commune de Coursan, qui se rapportent à une précédente demande de permis de construire, ne sont pas de nature à établir l'existence d'une fraude ; que le maire de Coursan ne pouvait donc légalement fonder le refus de permis de construire sur le fait que le projet nécessitait un exhaussement du terrain naturel ;
5. Considérant d'autre part que le maire de Coursan a fondé son refus sur le fait qu'il ne serait pas établi que le projet de bâtiment agricole est indispensable à l'exploitation ;
6. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et en particulier du document établi par la chambre d'agriculture de l'Aude, que le GFA domaine de Roquelastours exploite 200 hectares consacrés à la culture du blé et des melons ; qu'au regard de la taille de cette exploitation, et du développement de l'activité céréalière de l'exploitation, la réalisation d'un bâtiment agricole de 3590 m², destiné au stockage tant du matériel agricole que des récoltes, n'apparaît pas disproportionnée ; que si le GFA domaine de Roquelastours utilise un hangar sis rue de Toulouse, il résulte des pièces du dossier que celui-ci est de taille moins importante et jouxte un secteur pavillonnaire, et que la réalisation d'un hangar en zone NC non urbanisée sera mieux adaptée aux besoins de l'exploitation ; que dans les circonstances de l'espèce, le projet apparaît indispensable à l'exploitation et ne peut être réalisé hors zone inondable, le GFA domaine de Roquelastours ne disposant d'un terrain adapté qu'en zone inondable : que c'est dès lors à tort que le maire de Coursan a estimé que le bâtiment agricole n'était pas indispensable à l'exploitation ;
7. Considérant en deuxième lieu que le maire de Coursan a fondé son refus sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lequel dispose que " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " ;
8. Considérant que le projet est situé en zone d'aléa indifférencié au plan de prévention des risques d'inondation des basses plaines de l'Aude, en zone d'expansion des crues fluviales ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que la réalisation du bâtiment agricole en litige dans une zone naturelle et non bâtie soit de nature compromettre la vocation d'expansion des crues de la zone Ri3 ; qu'en refusant le permis de construire au motif que le projet serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique, le maire de Coursan a méconnu les dispositions précitées du plan de prévention des risques d'inondation ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Coursan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêt du maire de Coursan en date du 23 avril 2012 ;
Sur les conclusions aux fins d'exécution présentées par le GFA domaine de Roquelastours :
10. Considérant que le tribunal administratif de Montpellier a enjoint à la commune de Coursan de réexaminer la demande de permis de construire présentée par le GFA domaine de Roquelastours, de sorte qu'à cet égard, sa demande aux fin d'injonction est sans objet ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du GFA domaine de Roquelastours tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
2. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au titre de ses frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge du GFA domaine de Roquelastours qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenu aux dépens ; qu'il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Coursan une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par le GFA domaine de Roquelastours ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Coursan est rejetée.
Article 2 : La commune de Coursan versera au GFA domaine de Roquelastours une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions du GFA domaine de Roquelastours est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Coursan et au GFA domaine de Roquelastours.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Busidan, premier conseiller,
- Mme Giocanti, conseiller,
Lu en audience publique, le 13 novembre 2015.
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N° 14MA01564