Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Polyclinique Le Languedoc a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie à raison des bénéfices imposables de la société anonyme Clinique Les Genêts au titre des exercices clos en 2007 et 2008.
Par le jugement n°1202039 du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 2 août 2013, le 4 novembre 2014 et le 27 novembre 2015, la société Polyclinique Le Languedoc, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le 27 avril 2010, elle est venue aux droits de la société Clinique des Genêts par l'effet d'une transmission de patrimoine en application de l'article 1844-5 du code civil ; la doctrine administrative, sous les références BOI-CF-IOR-10-30 n° 150 et BOI-CF-PGR-10-10 n° 170, rappelle que la notification de la proposition de rectification doit être adressée au contribuable lui-même ou à la personne désignée par lui à cet effet ; alors que la notification de la proposition de rectification constitue une formalité substantielle, l'administration s'est méprise quant au destinataire de la procédure d'assiette ; la société Clinique des Genêts a été radiée du registre du commerce et des sociétés dès le 11 mai 2010, cette mention rendant l'opération opposable à tous les tiers, y compris à l'administration fiscale ; en application de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la procédure est réputée n'avoir jamais existé à son égard ;
- s'agissant du caractère probable du risque justifiant la provision en litige, elle a réalisé, au cours des exercices 2007 et 2008, un niveau d'activité supérieur aux engagements souscrits dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens qui la lie à l'agence régionale de santé ; ce contrat, à partir duquel le risque a été apprécié, prévoit en son article 6 notamment les objectifs quantifiés de l'offre de soins relatifs aux activités de soins définies dans une annexe ; il prévoit également, en ses articles 14 et 16, des sanctions financières en cas d'inexécution contractuelle liée notamment au défaut de réalisation des objectifs quantifiés ;
- le fait qu'aucune action ni même début de contrôle de l'agence régionale de santé n'aient été engagés ne permet pas d'écarter de facto la constitution de provision : le risque inhérent à l'inexécution contractuelle persiste, l'action n'étant pas prescrite ; en outre, l'argument selon lequel la clinique pouvait apporter des justifications à son dépassement d'activité est surabondant et ne repose sur aucune preuve ;
- la solution dégagée par la cour administrative d'appel de Marseille dans un arrêt du 15 mai 2003 n° 97-1636 est transposable à la situation en cause ;
- le risque est établi par des circonstances précises particulières ne résultant pas d'un risque d'ordre général, mais d'un accord contractuel et d'un événement survenu ;
- dans le respect des règles comptables et juridiques, une provision doit être comptabilisée lorsqu'existe une obligation à la clôture de l'exercice et lorsque la sortie de ressources à la date de l'arrêté des comptes est probable ;
- l'administration conditionne la déduction de la provision à l'engagement d'une procédure de contrôle ou à la survenance d'un litige, or cette approche est trop restrictive ;
- une provision doit être constatée lorsqu'il existe une obligation à la clôture de l'exercice ainsi qu'une sortie de ressources probable à la date d'arrêté des comptes ;
- conformément au principe de prudence de l'article L. 120-20 du code du commerce et de l'article 313-5 du plan comptable général, le risque inhérent à l'inexécution du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens devait impérativement être constaté : elle avait donc une obligation comptable et dès lors, fiscale, de constituer une provision ;
- le dépassement des objectifs financiers est incontestablement un facteur de risques, donc un événement certain et probable de la naissance d'une charge à venir.
Par des mémoires en défense enregistrés le 13 février 2014 et le 26 novembre 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Polyclinique Le Languedoc ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la société anonyme Clinique Les Genêts a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 en matière d'impôt sur les sociétés ; qu'à l'issue du contrôle, l'administration a procédé à la réintégration dans les bénéfices imposables de la société du montant de deux provisions comptabilisées pour risque financier ; que cette société a été dissoute à la suite de la transmission universelle de son patrimoine, le 27 avril 2010, à la société Polyclinique Le Languedoc ; que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008 ainsi que les intérêts de retard y afférents ont été mis en recouvrement au nom de la société Polyclinique Le Languedoc ; que cette dernière a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la décharge des impositions en litige ; que par le jugement attaqué du 30 mai 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 1844-5 du code civil : " La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an (...) / En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation (...) La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées. " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;
3. Considérant que la société Polyclinique Le Languedoc a été imposée au titre des années en litige à raison des résultats de la société anonyme Clinique Les Genêts ; que l'appelante fait valoir que l'administration a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité en adressant les propositions de rectification en date des 21 décembre 2010 et 15 février 2011 à la société anonyme Clinique Les Genêts alors que celle-ci était dissoute à la suite de la transmission universelle de son patrimoine le 27 avril 2010 au profit de la société appelante ; que toutefois, il résulte de l'instruction que les sièges sociaux des deux sociétés étaient situés à la même adresse et que M. B...C..., représentant de la société Polyclinique Le Languedoc, a reçu les actes de procédure précités et qu'il a formulé, par courriers des 6 avril et 26 août 2011, ses observations en qualité de " président " de la société anonyme Clinique Les Genêts ; que dans ces conditions, alors que le destinataire a participé à la procédure contradictoire, la société appelante n'a été privée d'aucune des garanties de procédure résultant des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
4. Considérant d'autre part, que la société Polyclinique Le Languedoc ne peut utilement invoquer les énonciations des instructions référencées BOI-CF-PGR-10-10 et BOI-CF-IOR-10-30 qui, relatives à la procédure d'imposition, ne sont pas opposables à l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme Clinique Les Genêts a comptabilisé à la clôture de ses exercices clos les 31 décembre 2007 et 2008 des provisions pour risque de paiement à la caisse régionale d'assurance maladie de pénalités financières correspondant à des dépassements du volume d'activité, telles que prévues par les articles 14 et 16 du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu par la clinique avec l'agence régionale de l'hospitalisation, à laquelle s'est substituée l'agence régionale de santé ; que selon l'article 16 de ce contrat : " Lorsque le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation constate l'inexécution partielle ou totale des engagements figurant au contrat, il invite le co-contractant, par lettre recommandée avec avis de réception, à prendre les mesures correctrices qui s'imposent dans le délai d'un mois et en informe la commission exécutive. Le co-contractant dispose de ce délai pour répondre à cette mise en demeure. Au plus tard à l'expiration de ce délai, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation lève ou prolonge pour une durée maximale d'un mois la mise en demeure, au vu des éléments communiqués. Si, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de cette prolongation, le co-contractant n'a pas déféré à cette mise en demeure, il est passible de la pénalité prévue au contrat. Celle-ci est décidée par la commission exécutive, au vu des observations écrites recueillies auprès du co-contractant et notifiée à ce dernier par lettre recommandée avec avis de réception. Le montant est proportionné au niveau d'inexécution des engagements figurant au contrat. Son application ne peut en aucun cas, au titre du dernier exercice dos, excéder 1 % des recettes d'assurance maladie du co-contractant. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8, compris dans le Titre 4 " Sanctions " de l'annexe 1 audit contrat d'objectifs et de moyens : " Sans préjudice des dispositions issues de l'article L. 6122-12 du code de la santé publique, le défaut de réalisation des objectifs quantifiés est passible de pénalités financières. La réalisation des objectifs quantifiés inscrits au contrat est appréciée selon les modalités définies au titre 3 de la présente annexe et au regard de la réalisation des objectifs quantifiés des territoires de santé prévus à l'annexe du schéma régional d'organisation sanitaire. (...) Lorsqu'à l'issue de la procédure déterminée au titre 3 de la présente annexe, et notamment après prise en compte de l'argumentation de l'établissement sur un éventuel dépassement médicalement justifié sur le territoire de santé, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation constate le défaut de réalisation des objectifs quantifiés figurant au contrat, il adresse au co-contractant, par lettre recommandée avec avis de réception, une mise en demeure motivée de présenter ses observations dans le délai d'un mois et en informe la commission exécutive. Si, à l'issue de ce délai, les observations du co-contractant n'ont pas permis de justifier valablement le défaut de réalisation, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation inscrit le dossier à l'ordre du jour de la commission exécutive aux fins d'application des pénalités contractuelles et en informe le co-contractant par lettre recommandée avec avis de réception, qui dispose d'un nouveau délai d'un mois pour présenter ses observations écrites. Si au terme de cette procédure, la commission exécutive prononce une pénalité, son montant est proportionné au degré de non réalisation des objectifs quantifiés figurant au contrat, et ne peut en aucun cas, au titre du dernier exercice clos, excéder 1% des recettes d'assurance maladie du co-contractant. (...) " ; qu'il résulte des stipulations précitées que la seule circonstance que l'établissement de santé ne réalise pas les objectifs quantifiés de l'offre de soins en volume n'entraîne pas automatiquement l'application de pénalités financières dès lors que l'établissement est mis à même d'apporter des justifications sur le non respect de ses engagements contractuels et que la décision de prononcer une pénalité est appréciée au regard de ces observations ; qu'en outre, alors qu'il est constant qu'aucun contrôle portant sur la non réalisation des objectifs quantifiés n'avait été jusqu'alors opéré par l'agence régionale de l'hospitalisation compétente ou par un autre organisme de contrôle, il ne résulte pas de l'instruction que la société Clinique Les Genêts aurait eu, à la date de comptabilisation des provisions, connaissance d'événements lui permettant d'estimer que les dépassements d'activité constatés par elle allaient probablement faire l'objet d'une action en répétition de l'indu ou de sanctions financières de la part de l'autorité compétente ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction, notamment des renseignements obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'agence régionale de santé compétente, que cette dernière, en cas de non respect du volume d'activité, n'engage pas systématiquement une procédure de contrôle, que la non réalisation des obligations contractuelles ne donne pas fréquemment lieu à sanction et qu'une sanction éventuelle dépend notamment de la justification apportée par l'établissement contrôlé ; qu'ainsi, le risque allégué présentait à la date de clôture des exercices en cause un caractère seulement éventuel ; que par suite, la condition de probabilité exigée par l'article 39-1 du code général des impôts n'étant pas satisfaite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé à la réintégration des provisions litigieuses ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. " ; qu'il résulte des termes mêmes de cette disposition que, dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, la société appelante a été imposée conformément à la loi fiscale, elle ne peut se prévaloir des règles édictées par le plan comptable général ; qu'elle ne peut davantage invoquer les dispositions de l'article 123-20 du code du commerce relatives aux obligations comptables applicables aux commerçants ;
8. Considérant qu'à supposer que la société Polyclinique Le Languedoc ait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction BOI-BIC-PROV-20-10-30 du 12 septembre 2012, relative aux conditions dans lesquelles la perte ou la charge en vue de laquelle une provision est constituée peut être regardée comme probable, cette instruction ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont le présent arrêt fait application ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Polyclinique Le Languedoc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Polyclinique Le Languedoc la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Polyclinique Le Languedoc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Polyclinique Le Languedoc et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 décembre 2015.
''
''
''
''
N° 13MA03332 7
nc