Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Bastia la condamnation du département de la Haute-Corse et de son assureur, la société MMA Iard Assurances Mutuelles, à lui verser la somme de 69 874,20 euros en réparation des conséquences dommageables des désordres survenus sur le mur de soutènement de la route départementale n° 71 et d'ordonner au département d'effectuer les travaux de réparation du mur dans un délai d'un mois.
Par un jugement avant dire droit n° 1200188 du 20 mars 2013, le tribunal administratif de Bastia a condamné le département de la Haute-Corse et son assureur à verser à M. B... la somme de 4 000 euros au titre des troubles de jouissance subis et ordonné un expertise relative aux murets de pierres sèches et au nivellement des terres de la parcelle du requérant.
Par un jugement n° 1200188 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Bastia a condamné le département de la Haute-Corse et son assureur à verser à M. B...la somme de 500 euros au titre des troubles de jouissance subis, la somme de 30 euros par mois tant que les mesures préconisées par l'expert n'auront pas été prises et qu'il n'aura pas été remédié à l'empiètement du mur sur la propriété et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 1404962 le 12 décembre 2014, M.B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner au département de la Haute-Corse d'effectuer les travaux de réparation du mur de soutènement préconisés par l'expert dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
2°) de condamner le département de la Haute-Corse et son assureur à lui verser les sommes de 3 000 euros par an au titre des troubles de jouissance subis jusqu'à la réalisation des travaux préconisés par l'expert et 69 874,20 euros correspondant au préjudice matériel subi ;
3°) de mettre à la charge du département et de son assureur la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais irrépétibles.
Il soutient que :
- compte tenu des risques encourus, il convient de condamner le département à remettre en état le mur de soutènement défectueux en lui donnant un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
- une somme de 3 000 euros par an doit lui être allouée au titre des troubles de jouissance subis jusqu'à exécution complète des travaux préconisés par l'expert ;
- les frais de remise en état de la parcelle par la reconstitution des banquettes et des murs en pierres sèches s'élèvent à la somme de 69 874,20 euros hors taxes ; il conviendra de condamner le département et son assureur à lui verser cette somme augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire enregistré le 25 juin 2015, le département de la Haute-Corse et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, représentés par MeD..., concluent au rejet de la requête, à la réformation du jugement n° 1200188 du tribunal administratif de Bastia en ce qu'il les a condamnés à verser à M.B..., au titre des troubles de jouissance, les sommes de 500 euros et de 30 euros par mois dans l'attente de l'exécution des mesures préconisées par l'expert et tant qu'il n'aura pas été remédié à l'empiètement du mur de soutènement sur la propriété, et à la condamnation de M. B...à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que le préjudice matériel invoqué n'est pas fondé ; l'estimation des troubles de jouissance subis faite par le tribunal administratif de Bastia doit être réduite voire supprimée ; le ravinement n'est pas imputable à un défaut d'entretien de l'ouvrage public.
Par deux mémoires enregistrés les 27 octobre 2015 et 24 novembre 2015, Mme A...B...déclare reprendre l'instance de son époux décédé et conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au département d'effectuer les travaux de réparation du mur de soutènement et de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement avant dire droit du tribunal administratif de Bastia du 20 mars 2013 qui s'oppose à ce qu'il soit statué sur la fin de non recevoir opposée par le département de la Haute-Corse fondée sur l'absence d'intérêt à agir de M.B....
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 1404963 le 12 décembre 2014, le département de la Haute-Corse et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, représentés par MeD..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1200188 du 9 octobre 2014 ;
2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais irrépétibles.
Ils soutiennent qu'il semble que M. B...n'est pas propriétaire des parcelles litigieuses ; que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia les a condamnés à indemniser M. B...d'un préjudice qui n'existe pas.
Par deux mémoires enregistrés les 29 octobre 2015 et 25 novembre 2015, MmeB..., représentée par MeE..., déclare reprendre l'instance de son époux décédé et conclut au rejet de la requête ; elle demande, en outre, qu'il soit enjoint au département de la Haute-Corse d'effectuer les travaux de réparation du mur de soutènement préconisés par l'expert dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de condamner le département de la Haute-Corse et son assureur à lui verser les sommes de 3 000 euros par an au titre des troubles de jouissance subis jusqu'à la réalisation des travaux préconisés par l'expert et 69 874,20 euros correspondant au préjudice matériel subi et de mettre à la charge du département et de son assureur la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais irrépétibles.
Elle soutient que :
- M. B...justifiait d'un intérêt à agir dès lors que le bien a été acquis par Mme B...avec laquelle il était marié sans contrat de mariage et qu'il s'agissait d'un bien de la communauté ;
- pour le surplus, elle se réfère à la requête déposée par son époux.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au département d'effectuer les travaux de réparation du mur de soutènement et de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement avant dire droit du tribunal administratif de Bastia du 20 mars 2013 qui s'oppose à ce qu'il soit statué sur la fin de non recevoir opposée par le département de la Haute-Corse fondée sur l'absence d'intérêt à agir de M.B....
Vu :
- les autres pièces des dossiers ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laso, rapporteur ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
- et les observations de Me C...de la Selarl Abeille pour le département de la Haute-Corse.
Sur la jonction :
1. Considérant que les requêtes n° 14MA04962 et 14MA04963 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la reprise d'instance :
2. Considérant que, par mémoire du 29 octobre 2015, Mme B...déclare reprendre l'instance n° 14MA04962 engagée par son époux, M.B..., décédé le 4 février 2015 ;
Sur l'étendue du litige :
3. Considérant que M. B...était propriétaire d'un bien immobilier situé sur le territoire de la commune de Muro, en contrebas de la route départementale n° 13 ; que, depuis 2001, des désordres ont affecté le mur de soutènement de cette voie publique ; qu'estimant que ces désordres étaient à l'origine de dégâts dans sa propriété, M.B..., après avoir sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Bastia la désignation d'un expert, a saisi, le 29 février 2012, le tribunal administratif de Bastia d'une demande indemnitaire ; que, par jugement avant dire droit du 20 mars 2013, le tribunal administratif de Bastia a déclaré le département de la Haute-Corse et son assureur, la société MMA Iard Assurances Mutuelles,
responsables des conséquences dommageables subies par M.B... ; qu'à ce titre, ce jugement a retenu la présence, dans la propriété du requérant, dans la partie sud par rapport à la maison, d'écailles de pierres sèches et de pierres issues d'une excavation du mur et, dans la partie nord, la présence de pierres issues d'un effondrement du mur sur une longueur de quatre mètres ; que ce jugement a également retenu que les effondrements du mur de soutènement ont facilité le ruissellement des eaux de pluie sur le terrain du requérant provoquant son ravinement ; qu'enfin, ce jugement a retenu que le mur de soutènement empiète sur la parcelle de M. B...par rapport à l'aplomb du mur de la maison ; que, par ce jugement, le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement le département de la Haute-Corse et son assureur, la société MMA Iard Assurances Mutuelles, à payer à M. B...une somme de 4 000 euros en réparation des troubles de jouissance subis du fait de ces différents dégâts ; que, s'agissant des préjudices matériels invoqués par M. B..., il a jugé que ce dernier, n'étant pas propriétaire du mur de soutènement appartenant au département de la Haute-Corse, ne pouvait utilement chercher réparation à hauteur des travaux devant être effectués sur ce mur et a ordonné une expertise en vue de déterminer l'étendue du droit à réparation du requérant pour l'endommagement de murets de pierres sèches situés à l'intérieur de sa propriété et du nivellement des terres de sa parcelle ; que, par jugement du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement le département de la Haute-Corse et son assureur, la société MMA Iard Assurances Mutuelles, à payer à M. B... une somme de 500 euros en réparation des troubles de jouissance subis depuis le 20 mars 2013 et une somme de 30 euros par mois tant que les mesures préconisées par l'expert désigné par le juge des référés n'auront pas été prises et qu'il n'aura pas été remédié à l'empiètement du mur de soutènement sur la propriété de M.B... ; que, par ce jugement, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions tendant à la condamnation du département de la Haute-Corse à réaliser des travaux sur le mur de soutènement ainsi que les conclusions tendant à la réparation des préjudices matériels invoqués par M.B... ; que M. B...fait appel du jugement du 9 octobre 2014 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté ses demandes et demande que les troubles de jouissance subis soient indemnisés par une somme de 3 000 euros par an jusqu'à la réalisation complète des travaux préconisés par l'expert ; que le département de la Haute-Corse et son assureur demandent la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. B...;
Sur les conclusions aux fins d'injonction présentée par M.B... :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
5. Considérant que le juge administratif, s'il peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation d'une décision administrative ou à la condamnation d'une personne publique à réparer les dommages résultant en particulier de l'existence d'ouvrages publics, n'a pas le pouvoir d'enjoindre à titre principal à une collectivité de réaliser des travaux en dehors des cas expressément prévus par des dispositions législatives particulières et notamment par l'article L. 911-1 du code précité ; qu'il résulte des écritures que le requérant doit être regardé comme tendant à titre principal à ordonner au département de la Haute-Corse d'effectuer les travaux de remise en l'état du mur de soutènement et de condamner le département et son assureur à l'indemniser des préjudices subis ; que, dès lors, doivent être rejetées comme irrecevables les conclusions tendant à la condamnation du département et de son assureur à effectuer les travaux de remise en état du mur de soutènement préconisés par l'expert ;
Sur la recevabilité de la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Bastia :
6. Considérant que le département de la Haute-Corse soutient, à l'appui de sa demande d'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 octobre 2014, que la demande de M. B...n'était pas recevable en l'absence d'intérêt à agir de ce dernier ; que, cependant, le jugement avant dire droit du 20 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement le département de la Haute-Corse et son assureur, la société MMA Iard Assurances Mutuelles, à payer à M. B...une somme de 4 000 euros en réparation des troubles de jouissance subis a implicitement mais nécessairement statué sur la recevabilité des conclusions présentées par M. B...; que l'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'oppose, même d'office, à ce qu'il soit statué à nouveau sur la recevabilité de la demande de M. B... ; que la fin de non-recevoir opposée par le département et son assureur, tirée de l'absence d'intérêt à agir de M.B..., doit, par suite, être écartée ;
Sur le principe de la responsabilité du département de la Haute-Corse :
7. Considérant qu'à supposer que le département de la Haute-Corse et son assureur soutiennent, à l'appui de leur demande d'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 octobre 2014, que c'est à tort que les premiers juges les ont condamnés à indemniser M. B...d'un préjudice de jouissance alors qu'ils ont rejeté sa demande de réparation des préjudices matériels ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 3, les préjudices de jouissance et matériels subis ou invoqués ne se recoupent pas ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit ne peut qu'être écarté ;
Sur les préjudices :
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport déposé le 16 mai 2011 que l'expert a évalué le préjudice de jouissance subi par M. B...du fait de l'occupation de sa propriété sur une bande de terrain d'une largueur de 6 mètres le long du mur, soit une surface de 210 mètres carrés, par référence à la valeur locative d'un terrain nu, de surface équivalente, dans un village à 15 euros par mois ; que si M. B...fait valoir que l'expert n'a pas précisé les critères utilisés et s'il sollicite que ce montant soit porté à la somme annuelle de 3 000 euros, il n'apporte aucun élément pour établir qu'en lui accordant une indemnité de 30 euros par mois à ce titre les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice ; que le département de la Haute-Corse et son assureur n'établissent pas davantage qu'en accordant à M. B... cette somme les premiers juges ont fait une évaluation excessive de ce chef de préjudice ;
9. Considérant que si M. B...persiste à demander que le département de la Haute-Corse et de son assureur soient condamnés à réparer les préjudices matériels qu'il invoque, il n'établit pas davantage en appel qu'en première instance l'existence d'un lien de causalité entre les désordres constatés sur le mur de soutènement appartenant au département et la destruction des murets de sa propriété alors que ni le rapport de l'expert désigné par le juge du référé du tribunal ni le rapport de l'expert désigné à la suite du jugement avant dire droit n'ont mis en évidence l'existence d'un tel lien de causalité ; que ce lien de causalité n'est pas davantage établi par les pièces produites en appel notamment le constat d'huissier du 8 décembre 2014 ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction notamment des procès-verbaux de constat d'huissier produits que le ruissellement des eaux de pluie aurait provoqué des dégâts de sorte qu'il serait nécessaire de procéder à des travaux de répartition et de nivellement des terres de la parcelle du requérant ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de réparation des préjudices matériels qu'il invoque ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge ni de Mme B...ni du département de la Haute-Corse et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles une quelconque somme sur le fondement des dispositions de cet article en raison des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme B...et du département de la Haute-Corse et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles ainsi que les conclusions incidentes de Mme B...et du département de la Haute-Corse et de la société MMA Iard Assurances Mutuelles sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au département de la Haute-Corse et à la société MMA Iard Assurances Mutuelles.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Laso, président assesseur,
- MmeG..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2016.
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N°14MA06942 - 14MA04963 3