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11/01/2016 | FRANCE | N°14MA04594

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 11 janvier 2016, 14MA04594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2014/340/345 du préfet de l'Hérault du 12 juin 2014 par lequel celui-ci refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ; à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'examiner son état de santé et d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer, dans un délai de

huit jours suivant la notification du présent jugement, un récépissé valant autor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2014/340/345 du préfet de l'Hérault du 12 juin 2014 par lequel celui-ci refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ; à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'examiner son état de santé et d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer, dans un délai de huit jours suivant la notification du présent jugement, un récépissé valant autorisation de séjour pendant le temps nécessaire à cette mesure d'instruction, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1403347 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2014, M.C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 12 juin 2014 ;

3°) subsidiairement, de désigner un expert avec pour mission de prendre connaissance de l'ensemble des éléments médicaux en sa possession mais également en possession des services préfectoraux, ainsi que de l'avis du médecin-inspecteur du 12 mai 2014 et de donner tous éléments d'appréciation de nature à permettre de déterminer si le traitement actuellement suivi par M. C...peut être suspendu ou interrompu sans nuire à son efficacité et de la même manière, si ce traitement peut être repris ou poursuivi dans son pays d'origine et sous quelles conditions y compris économiques ;

4°) dans cette hypothèse, d'enjoindre au préfet de l'Hérault, pendant le temps nécessaire à la mesure d'instruction, de lui délivrer un récépissé valant autorisation de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C...soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'absence de production par lui d'éléments de nature à contredire utilement l'appréciation portée par le médecin de l'Agence régionale de santé de l'Hérault dans son avis du 22 mai 2014 ne saurait lui être valablement opposée, dès lors que cet avis ne lui a pas été préalablement communiqué ;

- pour les mêmes raisons, cet arrêté a été adopté en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- il méconnaît l'autorité de chose jugée attachée à un jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1302527 du 19 septembre 2013, dans lequel celui-ci, pour annuler une précédente décision du même préfet refusant son admission au séjour au vu de son état de santé, à notamment jugé que l'intéressé produisait des éléments médicaux attestant de " problèmes de santé justifiant la nécessité d'un suivi, d'examens et d'un traitement qu'il ne peut interrompre " ;

- il porte atteinte au droit à mener une vie familiale normale de M. C...et de son épouse, vivant en couple sur le territoire national depuis plus de dix ans et au demeurant mariés, tandis que le traitement dont s'agit vise spécifiquement à leur permettre d'avoir un enfant ;

- la discordance entre l'avis médical du 22 mai 2014 et le jugement du 19 septembre 2013 justifie à tout le moins qu'une mesure d'expertise soit ordonnée ;

- en lui opposant l'absence de mise en oeuvre par son épouse de la procédure de regroupement familial et la possibilité pour lui de retourner sans difficulté dans son pays d'origine le temps de cette mise en oeuvre, le préfet de l'Hérault a encore entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le couple ne remplit pas les conditions pour en bénéficier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 novembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 du même mois.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6ème chambre en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gautron.

1. Considérant que M.C..., né le 1er janvier 1968 à Khémisset au Maroc et de nationalité marocaine, entré en France selon ses dires le 9 novembre 2004, sous couvert d'un visa de long séjour de type " saisonnier OMI " délivré par le consulat de France à Casablanca le 2 novembre précédent et valable jusqu'au 17 mars 2005, dans le cadre d'un contrat de travail saisonnier, se serait depuis lors maintenu irrégulièrement sur le territoire national ; qu'il y a épousé, le 4 octobre 2008 MmeA..., également ressortissante marocaine, titulaire d'une carte de résident depuis le 12 novembre 2005 ; qu'à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Montpellier, par deux jugements numéros 1204736 et 1302527 du 19 septembre 2013, de ses arrêtés du 10 septembre 2012 et du 10 mai 2013 ayant notamment refusé à M. C...la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade, le préfet de l'Hérault, auquel ces mêmes jugements avaient également enjoint de réexaminer la demande de l'intéressé, lui a de nouveau refusé la délivrance du titre demandé par un arrêté n° 2014/340/345 du 12 juin 2014 par lequel il lui a également fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification et fixé le pays de destination ; que M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 octobre 2014, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de cet arrêté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'en application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si la date exacte d'entrée en France de M. C...n'est pas connue, sa présence habituelle sur le territoire national peut être regardée comme établie au plus tard à partir du 16 novembre 2004, soit plus de neuf ans à la date de l'arrêté attaqué ; que sa vie commune avec MmeA..., qu'il a épousée le 4 octobre 2008 et qui séjourne régulièrement en France, ainsi qu'il a été dit au point 1, n'est pas contestée et peut également être regardée comme établie à tout le moins à partir de cette date, soit presque six ans à la date de cet arrêté ; que M. C...justifie par de très nombreux éléments de l'ancienneté et de la constance des tentatives du couple, avec l'assistance du corps médical, pour remédier à son infécondité ; que par ailleurs, il est constant que deux des soeurs de l'intéressé résident régulièrement sur le territoire national ; qu'ainsi, alors même que ce dernier ne dispose ni d'un emploi, ni de revenus en France et ne conteste pas conserver des attaches familiales sans son pays d'origine, il a durablement fixé le centre de sa vie privée et familiale sur le territoire national ; que dès lors, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée par l'arrêté attaqué au droit au respect de sa vie privée et familiale qu'il tient des stipulations précitées doit être accueilli, sans que puisse lui être opposée la circonstance qu'il relèverait des catégories ouvrant droit au regroupement familial, ainsi qu'il a été dit au point 3 ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, dans le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2014, ainsi, par suite, qu'à demander l'annulation de ce jugement et de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin de désignation d'un expert et à fin d'injonction :

6. Considérant que ces conclusions sont présentées à titre subsidiaire ; que dès lors qu'il est fait droit aux conclusions présentées à titre principal par M.C..., il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de ces dispositions, une somme de 1 500 euros au profit de M. C..., au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Hérault du 12 juin 2014 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à fin de désignation d'un expert et à fin d'injonction.

Article 5 :Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2015, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Ouillon, premier conseiller,

- M. Gautron, conseiller,

Lu en audience publique, le 11 janvier 2016.

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N° 14MA04594

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04594
Date de la décision : 11/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Allan GAUTRON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SELARL ACCESSIT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-01-11;14ma04594 ?
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