Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 19 mars 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, ensemble l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1401049 du 24 mars 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2014, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2014 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Corse du 19 mars 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse d'examiner sa demande de régularisation et de lui délivrer un titre de séjour, à tout le moins un récépissé ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la motivation du refus de séjour est stéréotypée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen effectif de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée, en violation de l'article 12 de la directive ; la loi française est contraire à la directive sur ce point ;
- lors du dépôt de sa demande, le récépissé prévu à l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui a pas été remis ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il remplit les conditions posées par la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français alors qu'il y est entré régulièrement et que sa demande de titre de séjour était encore en cours d'examen ;
- il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il pouvait prétendre à un titre de séjour en application des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- dès lors qu'il réside en France depuis plus de 10 ans, le 4° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fait obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- son éloignement viole l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il justifiait de garantie de représentation suffisante ;
- il n'a été informé de l'incomplétude de son dossier de régularisation qu'après son placement en rétention.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2015, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. A...'hôte, premier conseiller.
1. Considérant que M. C..., de nationalité marocaine, fait appel du jugement en date du 24 mars 2014 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté en date du 19 mars 2014, et non du 19 août 2014 comme mentionné par erreur dans l'arrêté, par lequel le préfet de la Haute-Corse l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, d'autre part, de l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance " ; qu'aux termes de l'article 20 de la même loi : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. / L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé, notamment en cas d'exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion " ;
3. Considérant que M. C..., qui a eu notification du jugement attaqué le 27 mars 2014, ne justifie pas avoir sollicité l'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle ; qu'aucune considération d'urgence ne justifie qu'elle lui soit accordée à titre provisoire ; que l'appel formé contre le jugement du 24 mars 2014 ne met pas en lui-même en périls ses conditions de vie essentielles ; que, dès lors, la demande de M. C... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle doit être rejetée ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 19 mars 2014 portant obligation de quitter le territoire français mentionne les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. C... ; que celle-ci est dès lors motivée ; que, si le requérant fait valoir que la loi française est sur ce point contraire à l'article 12 de la directive, il ne précise ni de quelle directive il se prévaut, ni en quoi consiste la contrariété alléguée ; que le moyen n'est dès lors pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; qu'à supposer que M. C... ait entendu invoquer la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, son article 12 a été transposé en droit interne par l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ; que, par suite, le requérant ne peut utilement s'en prévaloir directement ; qu'au surplus, cet article 12 prévoit que les mesures d'éloignement doivent indiquer leurs motifs de droit et de fait ; que les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en imposant que l'obligation de quitter le territoire français soit motivée, sont conformes à cette exigence ; que le requérant ne peut utilement faire valoir que la motivation du refus de séjour serait stéréotypée dès lors que la décision litigieuse n'a pas été prise consécutivement à un refus de séjour ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Haute-Corse se serait abstenu de procéder à un examen effectif de la situation de M. C... avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ; que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions dès lors que la décision contestée du 19 mars 2014 n'a pas pour objet de se prononcer sur une demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'aurait formulée l'intéressé, ni même ne fait suite à une telle demande ; qu'au surplus, M. C... indique être entré en France le 30 décembre 2004 et s'y être maintenu depuis ; qu'il reconnaît ainsi lui-même qu'à la date de la décision litigieuse, il ne résidait pas sur le territoire français depuis plus de dix ans ; que le moyen doit dès lors être écarté ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que M. C... est entré sur le territoire français le 30 décembre 2004 sous couvert d'un visa D ; que, si l'intéressé soutient s'être maintenu en France depuis, il n'en rapporte pas la preuve ; que, notamment, les pièces qu'il produit pour 2006, 2007, 2008 et 2009 ne suffisent pas à établir sa présence effective et habituelle en France au cours de ces années ; qu'ainsi, le requérant ne justifie pas qu'il était entré régulièrement en France à la date de la mesure d'éloignement ; que, s'il a déposé une demande de régularisation le 10 février 2014, il ressort des pièces du dossier que le préfet a refusé de l'enregistrer au motif que le dossier était incomplet, ce que le requérant ne conteste pas ; qu'il suit de là que M. C..., qui ne s'est pas vu délivrer en conséquence le récépissé prévu à l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut soutenir qu'il était titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date à laquelle le préfet a pris sa décision ; que, par suite, il était au nombre des étrangers pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circonstance que le préfet l'ait informé de l'incomplétude de son dossier par un courrier daté du même jour que la mesure d'éloignement est en elle-même sans incidence sur la légalité de cette dernière dès lors qu'elle ne suffit pas à établir l'existence d'un détournement de procédure ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que le préfet n'avait pas encore statué sur la demande de régularisation présentée par M. C... ne faisait pas obstacle à ce qu'il prenne à l'encontre de l'intéressé la mesure d'éloignement contestée ;
10. Considérant, en sixième lieu, que le requérant fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis décembre 2004 ; que, comme il a été dit, il n'en rapporte pas la preuve ; qu'il est célibataire et sans enfants ; qu'il ne justifie d'aucun lien familial ou personnel en France ; qu'il ne démontre pas non plus être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, comme il le prétend ; que, dans ces circonstances, le préfet de la Haute-Corse a pu légalement lui faire obligation de quitter le territoire français sans porter une atteinte disproportionné à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;
11. Considérant, en septième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, dans la mesure où il pourrait prétendre de plein droit à un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que M. C... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 qui ne prive pas le préfet de son pouvoir d'appréciation et ne revêt dès lors aucun caractère impératif ; que le requérant ne peut davantage invoquer utilement les dispositions de l'article L. 313-14 du même code qui permettent au préfet de régulariser l'étranger dont l'admission au séjour se justifie au regard de circonstances exceptionnelles ou de considérations humanitaires mais n'institue aucun titre dont la délivrance serait de plein droit ;
12. Considérant, en huitième lieu, que le moyen tiré des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concerne les mesures d'expulsion et non les obligations de quitter le territoire français, est inopérant ;
13. Considérant, en neuvième lieu, que le moyen tiré de la violation de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui consacre la liberté de pensée, de conscience et de religion, n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur le refus d'un délai de départ volontaire ;
14. Considérant que M. C... fait valoir qu'il est entré régulièrement en France le 30 décembre 2004, qu'il a présenté une demande de titre de séjour sur laquelle il n'avait pas encore été statué et qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes ; qu'il ne conteste pas, toutefois, s'être soustrait à l'exécution de la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 13 mars 2013 ; que, par suite, le préfet de la Haute-Corse a pu légalement se fonder sur les dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obliger le requérant à quitter le territoire français sans délai ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que le préfet aurait fait application à tort du a) et du f) du même 3° sont en tout état de cause inopérants ;
Sur le placement en rétention :
15. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Haute-Corse se serait abstenu de procéder à un examen effectif de la situation de M. C... avant d'ordonner son placement en rétention ;
16. Considérant, en second lieu, que les circonstances que le préfet n'avait pas encore statué sur la demande de régularisation présentée par M. C... et que celui-ci n'a été informé de l'incomplétude de son dossier que postérieurement à son placement en rétention sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède M. C... que n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mohamed C...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. B... et M. A...'hôte, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
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N° 14MA01783
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