Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 7 septembre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la 6ème section de Vendée a autorisé la société Mousset Logistique à le licencier pour motif économique, d'autre part, d'annuler la décision du 17 février 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, par l'article 1er, annulé la décision de l'inspecteur du travail et, par l'article 2, autorisé la société Mousset Logistique à le licencier, et, enfin, d'ordonner sa réintégration.
Par un jugement n° 1102480 du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Marseille a, par l'article 2, annulé l'article 2 de la décision ministérielle autorisant le licenciement de M. D... et, par les articles 1er et 4, rejeté le surplus de la demande de l'intéressé.
Par un arrêt n° 12MA04740 du 11 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, sur la requête de la société Mousset Logistique, a annulé l'article 2 de ce jugement et rejeté la demande de M. D...présentée devant le tribunal tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision du ministre.
Par une décision n° 377405 du 30 novembre 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur pourvoi de M. D..., a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 décembre 2012, le 15 janvier 2014, le 4 avril 2016 et le 4 mai 2016, la société Mousset Logistique, représentée par MeA..., Selarl Corent-Vincent-Ségurel, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 octobre 2012 ;
2°) de rejeter la demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 17 février 2011 ;
3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de M. D...tendant à sa réintégration, à l'annulation de la décision du ministre en tant qu'elle a annulé celle de l'inspecteur du travail et à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail, sont irrecevables ;
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a statué sur un moyen non soulevé, tiré de l'erreur de droit en l'absence d'appréciation des difficultés économiques au niveau du secteur d'activité du groupe ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les difficultés économiques devaient être appréciées au regard de l'ensemble du secteur d'activité " transport et logistique " alors qu'il s'agit de deux secteurs d'activité distincts ;
- le ministre n'a pas commis d'erreur de droit dans la mesure où elle était la seule société du groupe à intervenir dans le secteur de la logistique à la date de la notification du licenciement ;
- la réalité des difficultés économiques est établie ;
- l'obligation de reclassement a été respectée ;
- la mesure de licenciement est sans lien avec les mandats exercés par M. D...;
- la procédure de licenciement est régulière dès lors que le ministre a procédé à une enquête contradictoire, à laquelle il n'était d'ailleurs pas tenu, qu'il a exercé un contrôle sur le respect de l'obligation de reclassement et sur l'absence de lien entre le licenciement et les mandats du salarié, qu'il était compétent pour se prononcer sur le recours hiérarchique, et que le salarié n'avait pas à être convoqué à un nouvel entretien préalable ;
- le moyen, soulevé par M. D..., tiré du non-respect de la priorité de réembauche est inopérant.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 mai 2013, le 14 mars 2016, le 25 avril 2016 et le 12 mai 2016, M. D..., représenté par Me C..., AARPI C...Kerisit, demande à la Cour :
1°) de rejeter de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler les articles 1er et 4 du jugement du 16 octobre 2012 rejetant le surplus de sa demande ;
- d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2010 autorisant son licenciement et l'article 1er de la décision du ministre du 17 février 2011 annulant la décision de l'inspecteur du travail ;
3°) d'ordonner sa réintégration ;
4°) de mettre la somme 3 000 euros chacun à la charge de l'Etat et de la société Mousset Logistique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par la société Mousset Logistique ne sont pas fondés ;
- dès lors qu'il avait été licencié et ne bénéficiait ainsi plus du statut de salarié protégé, le ministre n'était pas compétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation ;
- le ministre aurait dû procéder à une enquête contradictoire ;
- ayant été réintégré à la suite de l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail, il aurait dû être convoqué de nouveau à un entretien préalable ;
- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée ;
- il aurait dû bénéficier de la priorité de réembauche ;
- le ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit en n'examinant pas les difficultés économiques au niveau du secteur d'activité " transport " du groupe Mousset ;
- les difficultés économiques ne sont pas établies ;
- son poste n'a pas été effectivement supprimé ;
- le licenciement est en lien avec ses mandats représentatifs.
Par un mémoire, enregistré le 25 juin 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a présenté des observations.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés, d'une part, de l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions incidentes de M. D...à fin de réintégration, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions incidentes de M. D... tendant à l'annulation de l'article 1er de la décision ministérielle, qui relèvent d'un litige distinct de l'appel principal, et, enfin, de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail, qui sont dépourvues d'objet.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Mousset Logistique, et de Me C..., représentant M.D....
1. Considérant que la société Mousset Logistique, anciennement dénommée LTC Logistique et dont le siège social est situé à La Roche-sur-Yon, exerçait une activité de logistique et de transport de marchandises ; qu'elle a embauché, le 6 novembre 2006, M. D... en qualité de conducteur routier au sein de son seul établissement situé à Grans (Bouches-du-Rhône) ; que, par un courrier du 7 juillet 2010, elle a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique l'intéressé, titulaire des mandats de délégué syndical, délégué du personnel, représentant syndical au comité d'entreprise et représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que l'inspecteur du travail de Vendée a accordé cette autorisation le 7 septembre 2010 ; que, par décision du 17 février 2011 prise sur recours hiérarchique du salarié, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, par l'article 1er, annulé la décision de l'inspecteur du travail pour incompétence territoriale, et, par l'article 2, autorisé le licenciement de M. D...; que celui-ci a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision de l'inspecteur du travail et celle du ministre ainsi que d'ordonner sa réintégration ; que, par jugement du 16 octobre 2012, le tribunal a annulé la décision du ministre en tant qu'elle a autorisé le licenciement et a rejeté le surplus des demandes de M. D...; que la société Mousset Logistique a relevé appel de l'article 2 de ce jugement ayant annulé l'autorisation délivrée par le ministre ; que, par la voie de l'appel incident, M. D... doit être regardé comme ayant relevé appel des articles 1er et 4 du même jugement ayant rejeté le surplus de ses demandes ; que, par une décision du 30 novembre 2015 rendue sur un pourvoi de M. D..., le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé pour erreur de droit dans l'examen du motif économique du licenciement l'arrêt du 11 février 2014 par lequel la Cour a annulé l'article 2 du jugement du 16 octobre 2012 et rejeté la demande de M. D...présentée devant le tribunal tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision du ministre ainsi que ses conclusions à fin d'appel incident, et, d'autre part, lui a renvoyé l'affaire ;
Sur la recevabilité de l'appel incident de M. D... :
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de l'article 1er de la décision du ministre en date du 17 février 2011 annulant la décision de l'inspecteur du travail :
2. Considérant que ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui qui a fait l'objet de l'appel de la société Mousset Logistique mettant en cause le bien-fondé de l'autorisation de licenciement ; qu'ayant été enregistrées après l'expiration du délai d'appel, elles sont, par suite, irrecevables ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 7 septembre 2010 :
3. Considérant que ces conclusions sont sans objet dès lors que cette décision a été annulée par l'article 1er de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 17 février 2011, devenu définitif ; que, dès lors, elles doivent être rejetées comme irrecevables ;
Sur l'appel principal de la société Mousset Logistique :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
4. Considérant que, pour annuler l'autorisation de licencier le salarié, les premiers juges ont retenu que le ministre avait entaché sa décision d'une erreur de droit en s'abstenant de faire porter son appréciation sur l'ensemble du secteur d'activité " transport et logistique " du groupe auquel la société Mousset Logistique appartient ; qu'en se fondant sur une telle erreur de droit, qui n'est pas d'ordre public, alors que M. D...invoquait seulement un moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le ministre sur l'existence et l'importance des difficultés économiques alléguées, le tribunal a entaché le jugement d'irrégularité ; que la société Mousset Logistique est fondée à soutenir que l'article 2 du jugement attaqué doit, pour ce motif, être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision ministérielle du 17 février 2011 ;
En ce qui concerne la légalité de la décision ministérielle autorisant le licenciement de M. D... :
6. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que, pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause ;
7. Considérant qu'à la suite de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi concernant onze salariés, une première demande d'autorisation de licenciement de M. D... pour motif économique a été refusée par l'inspecteur du travail le 11 septembre 2009, pour un motif d'intérêt général ; qu'une deuxième demande a été refusée le 30 décembre 2009 en raison d'un délai de réponse aux propositions de reclassement insuffisant ; que, pour autoriser le licenciement de l'intéressé par la décision contestée, le ministre chargé du travail a en particulier estimé que le motif économique du licenciement était établi dès lors que la société Mousset Logistique a enregistré une forte baisse du chiffre d'affaires et un résultat négatif en 2009 et 2010 et que la société ayant cessé son activité de transport routier de marchandises à compter du 1er juillet 2009, elle a décidé de se réorganiser et de supprimer le poste de conducteur routier " restant dans la société ", occupé par M.D... ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Mousset Logistique appartient au groupe Mousset ; que si, à la date de la décision en litige, elle était la seule entreprise au sein du groupe à exercer une activité de logistique, d'autres sociétés du groupe, et notamment la société Avilog également implantée à Grans, opéraient dans le secteur d'activité du transport routier de marchandises ; qu'en se fondant sur la situation économique de l'entreprise relative à la période au cours de laquelle la société Mousset Logistique a exercé une activité de transport routier de marchandises et sur la cessation de cette activité au 1er juillet 2009 sans examiner la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans ce secteur d'activité, alors que l'entreprise fait valoir qu'il n'y a eu aucun transfert d'activité à la société Avilog, le ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit d'examiner les autres moyens soulevés par M. D..., que ce dernier est fondé à soutenir que l'article 2 de la décision ministérielle du 17 février 2011 autorisant son licenciement doit être annulé ;
En ce qui concerne la demande de réintégration :
10. Considérant que l'article L. 2422-1 du code du travail dispose : " Lorsque (...) le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. (...) " ;
11. Considérant qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire d'ordonner la réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent du salarié protégé qui en a fait la demande en application des dispositions de l'article L. 2422-1 du code du travail ; que, dès lors, les conclusions de M. D...tendant ce que soit ordonnée sa réintégration doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
12. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. D..., qui n'a pas la qualité de partie principalement perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société Mousset Logistique et non compris dans les dépens ;
13. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante le versement de la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas obtenu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
14. Considérant que M. D...n'allègue pas avoir exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que l'avocat de l'intéressé n'a pas demandé la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée de son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de M. D... tendant au versement d'une somme par la société Mousset Logistique et l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 octobre 2012 est annulé.
Article 2 : L'article 2 de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 17 février 2011 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mousset Logistique, à M. B... D..., à Me C... et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
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N° 15MA04626 7
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