Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 18 août 2014 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.
Par un jugement n° 1404818 du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2016, M. B..., représenté par la SCP Coudurier et Chamski, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 novembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de l'Hérault du 18 août 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de première instance et d'appel ainsi qu'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas pris en compte la nécessité de maintenir sa vie familiale avec son épouse sur le territoire français où habitent ses quatre enfants de nationalité française ;
- sa situation est protégée par l'article 16-3 de la déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les articles 7 et 33 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il remplit les conditions du regroupement familial selon l'interprétation donnée par la directive 2003/86/CE, disposant de ressources stables et d'un logement suffisant ;
- le préfet n'a pas appréhendé l'ensemble de sa situation ;
- le refus fondé sur l'insuffisance de sa pension de retraite constitue une discrimination fondée sur l'âge et méconnaît la délibération de la HALDE n° 2010-64 du 1er mars 2010 ainsi que les articles 14 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et le 5ème considérant de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003.
Par un mémoire enregistré le 22 juillet 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'ensemble des moyens invoqués par M. B... est infondé et se réfère à cet égard au contenu de ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. D... E...B..., ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident d'une durée de validité de dix ans, a sollicité le 17 février 2014 auprès de la préfecture de l'Hérault le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse Mme A... C... ; que, par une décision du 18 août 2014, le préfet de l'Hérault a refusé d'autoriser le regroupement familial ; que M. B... relève appel du jugement en date du 30 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault se serait abstenu de procéder à un examen complet de la situation de M. B... dans le cadre de sa demande de regroupement familial, notamment au regard des attaches privées et familiales de l'intéressé sur le territoire français ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code. " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'aux termes du cinquième alinéa de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial : " Les États membres devraient mettre en oeuvre les dispositions de la présente directive sans faire de discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. " ;
5. Considérant que la condition de ressources exigée de tous les candidats au regroupement familial par l'article L. 411-5 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a ni pour objet, ni pour effet de créer une discrimination au détriment des étrangers âgés mais tend seulement, d'une manière générale, à permettre de garantir un accueil décent aux personnes désireuses de s'installer en France au titre du regroupement familial ;
6. Considérant qu'il est constant que M. B..., âgé de 66 ans lors de sa demande de regroupement familial, disposait durant la période précédant celle-ci de ressources constituées de pensions de retraite s'élevant à un montant total de 818 euros nets mensuels, largement inférieur au montant du salaire minimum de croissance auquel se réfère l'article L. 411-5 précité ; que si l'intéressé fait valoir que l'application de cette disposition constituerait une discrimination fondée sur l'âge, il résulte de ce qui précède que la prise en compte d'un niveau de ressources suffisant du demandeur n'est pas, par elle-même, incompatible avec le cinquième alinéa précité de la directive n° 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial ; qu'elle ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'introduction d'une discrimination prohibée dans la jouissance du droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la même convention ; qu'enfin, le requérant ne peut utilement invoquer à cet égard le fait que la condition de ressources prévue par la réglementation régissant l'instruction des demandes de regroupement familial constituerait une discrimination fondée sur l'âge au regard de la délibération n° 2010-64 du 1er mars 2010 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, laquelle constitue une recommandation dépourvue de force contraignante ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications " ; qu'aux termes du 1° de l'article 33 de la même charte : " La protection de la famille est assurée sur le plan juridique, économique et social ; " ;
8. Considérant que, si le préfet est en droit de rejeter une demande de regroupement familial au motif que l'intéressé ne remplirait pas l'une ou l'autre des conditions légales requises, notamment dans le cas de ressources insuffisantes du demandeur pendant la période de référence d'un an ayant précédé sa demande, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter dans ce cas la demande s'il est porté une atteinte excessive au droit de l'intéressé de mener une vie familiale normale protégée par les stipulations précitées ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré sur le territoire français pour la première fois en 1971, a épousé en secondes noces Mme C... le 26 février 2002 au Maroc, qu'il en a divorcé le 6 février 2008 puis s'est remarié avec elle le 11 octobre 2010 ; qu'il est constant que son épouse a toujours vécu au Maroc ; que M. B..., qui n'exerce plus d'activité professionnelle, ne se prévaut pas d'attaches personnelles ou sociales particulières sur le territoire français ; que, s'il fait valoir qu'il conserve d'importants liens familiaux en France où résideraient quatre enfants français issus de son premier mariage, il ne démontre ni l'existence de relations avec ses enfants majeurs, ni la résidence en France de ces derniers, et n'établit au demeurant la nationalité française que de deux d'entre eux ; qu'ainsi, eu égard aux circonstances de la vie familiale de M. B... et de son épouse, le requérant n'est pas fondé, dans les circonstances de l'espèce et en dépit de la durée de son propre séjour en France, à soutenir que l'exécution de la décision contestée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles des articles 7 et 33 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
10. Considérant, enfin, que le requérant ne saurait en tout état de cause utilement invoquer à l'appui de son argumentation relative à sa vie privée et familiale l'article 16-3 de la déclaration universelle des droits de l'homme ;
11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 18 août 2014 refusant le regroupement familial demandé au profit de son épouse ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 septembre 2016.
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N° 16MA00107