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18/10/2016 | FRANCE | N°15MA02409

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 18 octobre 2016, 15MA02409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2014 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, ainsi que des décisions implicites lui refusant un titre de séjour intervenues les 21 mars 2012 et 12 décembre 2013.

Par un jugement n° 1403584 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Nîmes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer su

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2014 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, ainsi que des décisions implicites lui refusant un titre de séjour intervenues les 21 mars 2012 et 12 décembre 2013.

Par un jugement n° 1403584 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Nîmes a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre les décisions implicites et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2015, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 septembre 2014 ;

3°) d'annuler les décisions implicites des 21 mars 2012 et 12 décembre 2013 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Gard de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le jugement est entaché d'erreur d'appréciation au regard de sa situation familiale ;

- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté préfectoral a été pris au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il aurait dû bénéficier des dispositions des articles L. 313-14, L. 314-9, L. 313-11- 4° et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté préfectoral est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté préfectoral méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2016, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à l'annulation des décisions implicites de refus de titre intervenues les 21 mars 2012 et 12 décembre 2013 sont irrecevables, ces décisions ayant été abrogées par l'arrêté du 15 septembre 2014 ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boyer a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. C..., de nationalité marocaine, a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2014 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et les décisions implicites lui refusant l'admission au séjour intervenues les 21 mars 2012 et 12 décembre 2013 ; qu'il relève appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre ces décisions implicites et a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué, qui fait notamment état d'éléments propres à la situation familiale de M. C... et à ses conditions de résidence sur le territoire français, que celui-ci, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, est suffisamment motivé en fait et en droit ; que l'appelant ne conteste pas utilement la régularité du jugement attaqué en critiquant l'appréciation faite par le tribunal de son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors que cette critique porte sur le bien-fondé de la décision rendue par les premiers juges ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle du requérant ; que s'il est reproché au préfet du Gard d'avoir procédé par affirmation s'agissant de l'absence d'attaches familiales au Maroc et de l'absence d'ancienneté de travail significative, cette argumentation, qui relève du bien-fondé de la décision entreprise, est inopérante à l'appui du moyen tiré d'un défaut de motivation ; qu'en exposant, après avoir rappelé l'objet des demandes dont il était saisi, les considérations de fait et de droit l'ayant conduit à opposer un refus de séjour à M. C..., le préfet du Gard a suffisamment motivé l'arrêté contesté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que M. C... n'a pas contracté mariage avec Mme E...D..., ressortissante française avec laquelle il déclare mener une vie commune ; que, par suite, il ne peut se prévaloir ni des dispositions de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni des dispositions de l'article L. 314-9 du même code, applicables aux étrangers conjoints de français ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée." ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré dans l'espace Schengen en 2002 sous couvert d'un visa de trois mois délivré par les autorités consulaires allemandes ; qu'il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire vie privée et familiale valable du 5 janvier 2006 au 4 janvier 2007, après avoir conclu un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française, lequel n'a pas été renouvelé en l'absence de communauté de vie ; qu'il a ensuite fait l'objet le 22 mai 2007 d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas contestée ; qu'à la suite de son mariage en octobre 2007 avec une ressortissante française, il a bénéficié d'un titre de séjour qui n'a pas été renouvelé en raison de la rupture de la communauté de vie et a fait l'objet le 3 juin 2009 d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire ; que s'il se prévaut du pacte civil de solidarité qu'il a conclu le 15 novembre 2012 avec Mme E...D..., de nationalité française, il n'établit pas mener une vie commune avec cette dernière en produisant notamment un contrat EDF daté de 2012 et des factures d'électricité d'octobre 2012 concernant un appartement qui constituerait la résidence nîmoise du couple, un relevé de la caisse des allocations familiales de juillet 2014 mentionnant leurs deux noms, ainsi que neuf attestations, peu circonstanciées, rédigées en novembre 2014 dont une seule émane d'une personne résidant à Nîmes, les autres émanant de personnes résidant dans les Alpes-Maritimes et se présentant comme des voisins de M. C... ; que l'attestation d'hébergement rédigée par le requérant lui-même au profit de Mme D..., datée du 17 septembre 2014, est dénuée de valeur probante ; que si l'appelant soutient qu'il entretiendrait des liens parentaux avec les filles de sa compagne, il ressort de l'attestation rédigée par l'une d'entre elles, que, née le 10 mai 1989 à Oran, elle était âgée de vingt-trois ans au jour où sa mère s'est liée au requérant par un pacte civil de solidarité ; que, dans ces conditions, M. C... ne justifie pas, par les pièces qu'il a versées aux débats, et du seul fait qu'il a conclu un pacte civil de solidarité, de la réalité de la vie familiale dont il se prévaut avec sa compagne et les enfants de celle-ci, et ne saurait donc faire valoir que le préfet aurait commis une erreur de fait sur ce point ; que s'il soutient résider sur le territoire depuis 2002 et y être bien intégré, y avoir travaillé et disposer d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces produites à l'appui de ces allégations qu'il ne justifie d'aucun emploi depuis 2007 ; qu'ainsi, eu égard aux conditions de son séjour sur le territoire français, ci-dessus exposées, le préfet du Gard n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles des stipulations de l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de lui délivrer le titre sollicité ; que, pour les mêmes motifs, le préfet du Gard n'a pas non plus entaché ses refus d'erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission [du titre de séjour] est saisie par l'autorité administrative lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) " ; qu'il suit de ce qui a été dit précédemment, que M. C... n'est pas en situation d'obtenir la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet du Gard n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de statuer sur ses demandes ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) " ; que selon l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

9. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à bon droit que le préfet du Gard a refusé de délivrer un titre de séjour en qualité de salarié à M. C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il invoquait dans sa demande ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant ne justifiait pas de circonstances justifiant une admission au séjour au titre de la vie familiale en application de l'article L. 313-14 ou dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Gard, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions susvisées font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. C... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme, Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Boyer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2016.

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N° 15MA02409 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02409
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BOYER
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : RIGO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-18;15ma02409 ?
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