Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Centre Vertes Collines a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 18 mars 2013 par laquelle le ministre de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par M. B... à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 31 août 2012 autorisant son licenciement, d'autre part, annulé cette décision du 31 août 2012 et, enfin, refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressé.
Par un jugement n° 1303129 du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SAS Centre Vertes Collines.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 novembre 2015 et le 29 décembre 2015, la SAS Centre Vertes Collines, représentée par Me F..., SELARL Asa, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 octobre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 18 mars 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a écarté le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte sans respecter la procédure contradictoire ;
- le jugement ne répond pas aux moyens tirés, d'une part, du non-respect de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 par la décision portant retrait du rejet implicite du recours hiérarchique et, d'autre part, de l'absence de délégués du personnel à la date d'engagement de la procédure de licenciement ;
- le signataire de la décision ministérielle ne justifie pas d'une délégation de signature ;
- la décision contestée n'est pas motivée en tant qu'elle retire la décision implicite et refuse l'autorisation de licenciement ;
- elle méconnaît, en tant qu'elle retire la décision implicite, la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- la décision implicite rejetant le recours hiérarchique du salarié étant créatrice de droits et régulière, le retrait de cette décision est illégal ;
- après avoir retiré sa décision implicite, le ministre avait épuisé sa compétence et ne pouvait légalement annuler la décision de l'inspecteur du travail ;
- l'absence de consultation des délégués du personnel constitue une irrégularité qui ne peut légalement justifier un refus d'autorisation de licenciement ;
- l'article L. 1233-8 du code du travail, qui concerne le licenciement économique de moins de dix salariés, n'est pas applicable en l'espèce ;
- en admettant que l'article L. 1233-38 du code du travail, relatif au licenciement économique de plus de dix salariés, soit applicable, il a été respecté ;
- aucun délégué du personnel n'était en fonction à la date d'engagement de la procédure de licenciement ;
- les délégués du personnel élus le 25 juin 2012 ont été régulièrement consultés ;
- les autres moyens en défense soulevés en première instance par le salarié ne sont pas fondés dès lors que le plan de sauvegarde de l'emploi, qui n'était pas obligatoire en l'espèce, est suffisant, que le motif économique du licenciement est établi et que l'obligation de reclassement a été respectée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2016, M. B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Centre Vertes Collines sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Centre Vertes Collines ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré d'une substitution de base légale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Salvage, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Centre Vertes Collines assurait à Château-Gombert la gestion d'un foyer de vie, accueillant des personnes adultes en situation de handicap mental ou vieillissantes, dans le cadre d'une autorisation délivrée par le département des Bouches-du-Rhône sur le fondement de l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles ; que le fonctionnement de ce foyer n'étant plus conforme aux normes réglementaires et à la suite d'une mise en demeure du département, la société a décidé sa fermeture définitive au cours de l'année 2012 et la suppression des vingt-sept postes de salariés attachés à ce site ; qu'à la suite du transfert des agréments du foyer à une société gérant un foyer à la Ciotat, les salariés ont accepté un reclassement dans cet établissement, à l'exception de neuf d'entre eux, dont M. B..., veilleur de nuit et délégué du personnel titulaire ; que, par jugement du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SAS Centre Vertes Collines tendant à l'annulation de la décision du 18 mars 2013 par laquelle le ministre de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par M. B... à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 31 août 2012 autorisant son licenciement, d'autre part, annulé cette décision du 31 août 2012 et, enfin, refusé d'autoriser le licenciement du salarié ; que la SAS Centre Vertes Collines relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, d'abord, que la publication d'une décision administrative au Journal officiel de la République française permet à tout intéressé d'avoir accès, de sa propre initiative, au contenu de cette décision ; que, dès lors, les premiers juges ont pu sans, méconnaître le principe du contradictoire, écarter le moyen tiré de l'incompétence, à défaut de délégation de signature, de l'auteur de la décision ministérielle en opposant d'office les dispositions du décret du 27 juillet 2005 et de la décision du 18 janvier 2012, publiés au Journal officiel, alors même que ces textes n'ont pas été versés aux débats ;
3. Considérant, ensuite, qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié (...) ; / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet " ; que, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision ; que le ministre peut légalement, dans le délai de recours contentieux, retirer sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement du salarié, qui était créatrice de droit au profit de l'employeur, et refuser l'autorisation de licenciement sollicitée dès lors que ces deux décisions étaient illégales ; que, dans ces conditions et lorsque, comme en l'espèce, les circonstances de droit et de fait sont inchangées, la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors applicable, conduite à l'égard de l'employeur dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, met celui-ci en mesure de présenter utilement ses observations préalables tant sur le retrait de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique que sur la décision d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et que sur celle refusant d'autoriser le licenciement ;
4. Considérant que le tribunal a écarté, au point 4 du jugement, le moyen tiré de la violation de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 pendant l'instruction du recours hiérarchique ; que, par suite, il a, implicitement mais nécessairement, également écarté le moyen tiré de la méconnaissance de la même procédure soulevé à l'encontre de la décision ministérielle en tant qu'elle porte retrait de la décision implicite rejetant le recours hiérarchique du salarié ;
5. Considérant, enfin, que les premiers juges ont suffisamment répondu au point 8 du jugement au moyen tiré de l'absence de délégués du personnel à la date d'engagement de la procédure de licenciement par l'employeur ;
6. Considérant qu'il suit de là que la SAS Centre Vertes Collines n'est pas fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité ;
Sur la légalité de la décision ministérielle :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 que les personnes ayant reçu délégation de signature au nom du ministre en vertu de leur acte de nomination, telles que les directeurs généraux d'administration centrale, peuvent eux-mêmes déléguer leur signature ; que, par décret du 25 août 2006, M. E... a été nommé directeur général du travail ; que, par l'article 1er de la décision du 18 janvier 2012, publiée au Journal officiel de la République française, M. E... a délégué sa signature à M. A..., directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique, à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ; que, par suite, M. A... était compétent pour signer, au nom du ministre chargé du travail, la décision du 18 mars 2013 ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée, qui repose sur l'absence de consultation des représentants du personnel, comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée tant en ce qui concerne le retrait de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique qu'en ce qui concerne le refus d'autorisation de licenciement ; qu'ainsi elle est suffisamment motivée ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3, d'une part, que le ministre chargé du travail a pu légalement, dans le délai de recours contentieux, retirer sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail et annuler cette dernière décision et, d'autre part, que doit être écarté le moyen tiré de ce que le ministre, en tant qu'il a retiré sa décision implicite, a méconnu la procédure contradictoire alors prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
10. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, saisi ainsi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, l'inspecteur du travail doit vérifier, notamment, la régularité de ce licenciement au regard de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ; qu'aux termes de l'article L. 1233-8 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité d'entreprise dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, les délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés, dans les conditions prévues par la présente sous-section " ; que l'article L. 1233-10 du même code dispose : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la réunion prévue à l'article L. 1233-8, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; 6° Les mesures de nature économique envisagées (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 1 que la SAS Centre Vertes Collines a envisagé de procéder à un licenciement économique de neuf salariés dans une même période de trente jours ; que, dès lors, le moyen tiré de l'inapplicabilité en l'espèce des dispositions de l'article L. 1233-8 du code du travail doit être écarté ; qu'au demeurant, les dispositions invoquées de l'article L. 1233-28 du code du travail, relatives au licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours, prévoient la même obligation procédurale de consultation des délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si aucun délégué du personnel n'était en fonction au sein de l'entreprise à la date du 12 juin 2012 à laquelle a été envoyée la convocation de M. B... à l'entretien préalable au licenciement, prévu le 2 juillet 2012, les délégués ont été élus le 25 juin 2012, à la suite d'ailleurs d'élections mises en oeuvre tardivement et sur demande instante de l'inspecteur du travail par courrier du 26 avril 2012 ; que la demande d'autorisation de licenciement n'a été adressée à l'administration que le 18 juillet 2012 ; qu'ainsi les représentants du personnel étaient en fonction à la date de l'entretien préalable et à celle de la demande d'autorisation de licenciement ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de l'absence de délégué du personnel à la date d'engagement de la procédure doit être écarté ;
13. Considérant que la SAS Centre Vertes Collines ne peut utilement se prévaloir de ce que les délégués du personnel auraient été consultés, comme tous les salariés de l'entreprise, antérieurement à leur élection ; que la réunion informelle du 29 juin 2012 à 15 heures 30, organisée sur la demande des deux délégués du personnel, ne saurait être regardée comme la réunion prévue à l'article L. 1233-10 du code du travail, en l'absence de convocation comportant les renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif ;
14. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit aux points 11 à 13 que la procédure de licenciement est irrégulière ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que la procédure de licenciement économique est entachée d'irrégularité pour avoir méconnu l'obligation de consultation des délégués du personnel fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée par l'employeur ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Centre Vertes Collines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS Centre Vertes Collines la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Centre Vertes Collines est rejetée.
Article 2 : La SAS Centre Vertes Collines versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Centre Vertes Collines, à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 novembre 2016.
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N° 15MA04432
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