Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La régie des transports de Marseille a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la société Ingerop et la société Guintoli à lui verser, à titre provisionnel, les sommes de 3 471,71 euros, 174 535,15 euros et 22 939,20 euros correspondant respectivement aux travaux de nivellement indirect de précision des rails réalisés par la société OPSIA sur l'ouvrage dit " Saint-Pierre ", au coût de l'entretien et des contrôles et à la perte occasionnée par l'arrêt du tramway.
Par un jugement n° 1600414 en date du 6 juin 2016, le tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juin et 19 septembre 2016, la régie des transports de Marseille, représentée par MeC..., demande au juge des référés de la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre solidairement à la charge de la société Ingerop et de la société Guintoli la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont inexactement qualifié les faits qui leur étaient soumis en jugeant qu'elle avait la qualité de bénéficiaire de l'ouvrage de franchissement litigieux ;
- il n'est pas contestable qu'elle a la qualité de tiers par rapport aux travaux de construction dudit ouvrage ;
- lorsque les travaux ont été entrepris, elle n'était ni exploitante ni gestionnaire du tronçon de la ligne de tramway sur lequel les désordres sont apparus ;
- elle ne saurait être qualifiée de bénéficiaire de l'ouvrage à raison de la vocation de celui-ci, dès lors qu'elle n'en bénéficie pas de manière personnelle et directe ;
- contrairement à ce que soutiennent les sociétés NGE et Ingerop, son action en justice devant le juge du référé provision n'était pas prescrite ;
- sa requête en date du 19 mars 2010, tendant à ce que les opérations d'expertise ordonnées par le juge des référés du tribunal administratif lui soient étendues, a interrompu le délai de prescription ;
- la victime qui a la qualité de tiers par rapport à une opération de travaux publics peut, même en l'absence de faute, mettre en cause la responsabilité des entrepreneurs y ayant participé, sauf si les dommages en résultant sont imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;
- dans un tel cas, il n'y a pas besoin de démontrer la faute des entrepreneurs ;
- le rapport d'expertise imputant les désordres affectant l'ouvrage litigieux aux sociétés Ingerop et Guintoli, elle est fondée, en sa qualité de tiers, à rechercher leur responsabilité ;
- elle rapporte la preuve d'un dommage anormal et spécial, ainsi que l'existence d'un lien de causalité entre la survenance du dommage et les travaux publics en cause ;
- l'affaissement du remblai affectant l'ouvrage de franchissement lui a causé d'importantes pertes d'exploitation ;
- les obligations dont elle se prévaut ne sont pas contestables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2016, la société NGE, venant aux droits de la société Guintoli, représentée par MeA..., conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet des demandes de la régie des transports de Marseille comme étant prescrites ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, au rejet des conclusions de la régie des transports de Marseille dirigées à son encontre ;
4°) à ce que la société Ingerop soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
5°) à ce que soit mise à la charge de la régie des transports de Marseille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la régie des transports de Marseille était bénéficiaire des travaux et de l'ouvrage litigieux, dès lors que ce dernier accueille les installations nécessaires à l'exploitation de la ligne de tramway dont la régie est en charge ;
- l'ouvrage a été réalisé au bénéfice direct de la régie des transports de Marseille, de sorte que celle-ci ne peut soutenir qu'elle est étrangère aux travaux y afférents ;
- contrairement à ce que prétend la régie, sa qualité de bénéficiaire peut également se déduire de ses interventions volontaires pour assurer le contrôle des opérations de réparation, ainsi que l'entretien des rails ;
- les préjudices que la requérante invoque trouvent leur cause dans ses interventions volontaires et spontanées sur un ouvrage auquel elle se prétend tiers ;
- ne pouvant se prévaloir d'aucun acte interruptif de prescription, l'action en justice de la régie des transports de Marseille devant le juge du référé provision est atteinte de prescription ;les obligations dont se prévaut la régie des transports de Marseille se heurtent à des contestations sérieuses ;
- en tout état de cause, les désordres affectant l'ouvrage litigieux ne sauraient lui être imputés ;
- dans l'hypothèse où elle serait condamnée au versement d'une quelconque provision, elle est fondée à être garantie par la société Ingerop.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2016, la société Ingerop, représentée par MeB..., conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que la société NGE, venant aux droits de la société Guintoli, soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Elle soutient que :
- c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la régie des transports de Marseille avait la qualité de bénéficiaire de l'ouvrage litigieux ;
- l'action de la régie des transports de Marseille devant le juge du référé provision est atteinte de prescription ;
- il n'est pas établi que son intervention aux opérations de travaux, dans le cadre du groupement de maîtrise d'oeuvre, soit à l'origine des préjudices subis par la régie des transports de Marseille ;
- les créances dont se prévaut la régie des transports de Marseille se heurtent à des contestations sérieuses ;
- les désordres affectant l'ouvrage litigieux étant incontestablement dus à un défaut d'exécution, elle est bien fondée, dans le cas où elle serait condamnée au versement d'une quelconque provision, à être garantie par la société NGE.
Vu le jugement attaqué, duquel il se déduit que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a décidé de renvoyer l'affaire à une formation collégiale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- - le code de justice administrative, notamment son article R. 541-1.
Vu la décision en date du 1er septembre 2016 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, désigné M. Richard Moussaron, premier vice-président, président de la sixième chambre, pour juger des référés.
1. Considérant que, dans le cadre de la modernisation et du prolongement de la ligne de tramway n° 68, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole a conclu, le 1er juillet 2004, un marché de travaux avec la société Guintoli en vue de la réalisation d'un pont de franchissement des voies ferrées de la ligne SNCF Marseille - Vintimille dans le quartier Saint-Pierre, à Marseille ; que la maîtrise d'oeuvre de cette opération a été confiée à un groupement d'entreprises composé des sociétés SMM, Semaly, Beterem Infrastructures, Ingerop, Stoa, Alfred Peter Paysagistes, Corinne Vezzoni et Associés, CDD Architectures et Arguments ; que, lors de la pose d'une canalisation d'eau potable en juillet 2007, la Mission Métro Tramway, chargée de la conduite d'opération, a constaté un affaissement du remblai sud de cet ouvrage ; que, le 5 mars 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, sur requête de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, ordonné une expertise portant sur ces désordres ; que cette expertise, qui a par la suite été étendue au contradictoire de la régie des transports de Marseille, a fait l'objet d'un rapport déposé au greffe du tribunal administratif de Marseille le 18 avril 2014 ; que, s'appuyant sur les conclusions de ce rapport, la régie des transports de Marseille a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la société Ingerop et la société Guintoli à lui verser, à titre provisionnel, les sommes de 3 471,71 euros, 174 535,15 euros et 22 939,20 euros correspondant respectivement aux travaux de nivellement indirect de précision des rails réalisés par la société OPSIA, au coût de l'entretien et des contrôles et à la perte occasionnée par l'arrêt du tramway ; que la régie des transports de Marseille relève appel du jugement du 6 juin 2016 par lequel ce tribunal a rejeté les conclusions de sa requête comme ayant été présentées, à tort, sur le fondement de la responsabilité sans faute ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude ;
3. Considérant que la régie des transports de Marseille soutient que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a jugé qu'elle avait la qualité de bénéficiaire dudit pont de franchissement ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, elle était fondée, en tant que tiers par rapport à ce pont, à rechercher la responsabilité sans faute des sociétés NGE et Ingerop ;
Sur la qualité de la régie des transports de Marseille à l'égard du pont de franchissement et des travaux y afférents :
4. Considérant, d'une part, que les ponts ne constituent pas des éléments accessoires des voies ferrées qu'ils traversent mais sont au nombre des ouvrages constitutifs des voies publiques dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le pont de franchissement d'installations ferroviaires qui a été édifié dans le quartier Saint-Pierre, à Marseille, supporte une voie publique qui, eu égard notamment aux rails à gorge qui y sont enchâssés, est en partie affectée à la circulation des tramways ;
6. Considérant que, pour demander la condamnation solidaire des sociétés Ingerop et Guintoli au paiement de diverses sommes provisionnelles, la régie des transports de Marseille, qui est en charge, en vertu d'une délégation de service public, de la gestion et de l'exploitation du transport urbain de personnes par tramways sur le territoire de l'agglomération marseillaise, soutient avoir subi d'importantes pertes d'exploitation liées notamment aux travaux de nivellement indirect de précision des rails qu'elle a fait entreprendre, à l'interruption du trafic pendant les opérations de réparation et à la mise en place d'un service de substitution pour les voyageurs ; que si elle impute ces préjudices à l'affaissement du remblai affectant ledit pont de franchissement à l'égard duquel elle aurait la qualité de tiers, elle ne peut toutefois être regardée, en l'état de l'instruction, comme tel, dès lors que, eu égard à l'objet de sa mission de service public, d'une part, et à la destination de cet ouvrage, d'autre part, elle a manifestement vocation à en bénéficier ; qu'à cet égard, et alors même qu'elle n'y a pas pris part, la régie des transports de Marseille ne peut davantage prétendre être étrangère aux travaux afférents à l'édification de l'ouvrage litigieux, lesquels ont, en tout état de cause, été entrepris pour moderniser et étendre une partie du réseau de tramway de Marseille ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la régie des transports de Marseille était au nombre des bénéficiaires directs du pont de franchissement dont s'agit et que, par-là même, l'obligation dont elle se prévalait sur le fondement de la responsabilité sans faute se heurtait à une contestation sérieuse ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la régie des transports de Marseille n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions à fins de garantie :
8. Considérant que la présente ordonnance ne prononce aucune condamnation à l'encontre des sociétés NGE et Ingerop ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par ces dernières ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire des sociétés Ingerop et NGE, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la régie des transports de Marseille au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la régie des transports de Marseille le versement à la société NGE de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la régie des transports de Marseille est rejetée.
Article 2 : La régie des transports de Marseille versera à la société NGE, venant aux droits de la société Guintoli, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société NGE et la société Ingerop est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la régie des transports de Marseille, à la société NGE, venant aux droits de la société Guintoli, ainsi qu'à la société Ingerop.
Fait à Marseille, le 9 décembre 2016.
N° 16MA02438
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