Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Lunel à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et résultant de faits constitutifs de harcèlement moral.
Par un jugement n° 1205358 du 31 octobre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 septembre 2015, Mme E..., représentée par la SCP d'avocats Roux-Lang-Cheymol-Canizares-Le Fraper Du Hellen-Bras, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 octobre 2014 ;
2°) de condamner la commune de Lunel à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, avec intérêts de droit ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lunel la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué, qui a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la commune de Lunel a commis une inaction fautive en ne prenant aucune mesure pour protéger un de ses agents d'un harcèlement moral dont elle avait connaissance, est de ce fait entaché d'irrégularité ;
- les faits de harcèlement moral sont établis ;
- le tribunal administratif a écarté à tort le témoignage de M. D... ;
- elle a vu sa charge de travail augmenter considérablement par rapport à ses autres collègues sans raison objective ;
- elle a exercé ses fonctions dans des conditions précaires et a dû effectuer le nettoyage des locaux par tous les temps sans l'équipement adapté ;
- son état de santé était incompatible avec son poste de travail qui impliquait le port de charges lourdes et des exercices physiques intenses ;
- les attestations d'agents communaux produites par la commune de Lunel ont été dictées par leurs supérieurs hiérarchiques et ne correspondent pas à la réalité ;
- elle a été victime de l'attitude vexatoire et humiliante de ses supérieurs hiérarchiques ;
- les faits de harcèlement moral ont entraîné une dégradation de son état de santé ;
- la responsabilité de la commune de Lunel est engagée tant en raison du harcèlement moral dont elle a fait l'objet que du fait de son abstention fautive à la protéger de ce harcèlement ;
- elle a subi un préjudice moral qui doit être évalué à la somme de 25 000 euros ;
- elle a subi un préjudice matériel qui s'élève à la somme de 30 000 euros ;
- elle a subi des troubles dans ses conditions d'existence, du fait de la dépression subie, et ce préjudice doit être évalué à la somme de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2015, la commune de Lunel, représentée par la SELARL d'avocats Capstan-Pytheas, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme E... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a répondu à l'ensemble des moyens soulevés en écartant l'existence d'un harcèlement moral et le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant Mme E....
1. Considérant que Mme B... E...a été recrutée, en 1993, par la commune de Lunel en qualité d'agent d'entretien contractuel ; que, par arrêté du 17 janvier 2008, le maire de la commune de Lunel a prononcé sa titularisation dans le grade d'adjoint technique de 2ème classe ; que Mme E... a été affectée au complexe sportif Ramadier où elle a été en charge de l'entretien des vestiaires et des bureaux de la direction des sports ; que, s'estimant victime d'un harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques, Mme E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Lunel à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis de ce fait ; que, par un jugement du 31 octobre 2014, dont la requérante relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que Mme E... soutenait devant le tribunal administratif de Montpellier que la commune de Lunel n'avait pas cherché à vérifier la réalité de ses affirmations selon lesquelles elle aurait été victime de harcèlement moral ; que, toutefois, cet argument était développé à l'appui de l'unique moyen soulevé en première instance par Mme E..., et tiré de ce qu'elle avait été victime d'un harcèlement moral de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu'en relevant que les faits invoqués par Mme E... ne permettaient pas de caractériser une situation de harcèlement moral, le tribunal administratif de Montpellier a répondu à cet unique moyen ; que, par suite, contrairement à ce que soutient Mme E..., les premiers juges n'ont entaché leur jugement d'aucune omission à statuer sur un moyen de la demande de première instance ;
Sur la responsabilité de la commune de Lunel :
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " ; qu'aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) " ;
4. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant, en premier lieu, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la valeur probante de ce document, que l'attestation de M. D..., dont se prévaut la requérante, se borne à indiquer qu'il a vu l'intéressée en pleurs sur son lieu de travail, et à relater ses propos sur des vexations et des propos indignes dont elle aurait été victime, sans que M. D... ait été lui-même témoin de ces faits ; qu'en outre, si M. A..., représentant syndical, atteste de la pénibilité des travaux confiés à Mme E..., il n'a jamais évoqué cette situation alors qu'il siégeait au comité hygiène et sécurité, et il ne résulte pas de l'instruction que cette pénibilité ne serait pas liée à la nature même des fonctions exercées par l'intéressée ; qu'enfin, il résulte de la fiche de poste de Mme E... que ses fonctions n'excédaient pas les tâches pouvant raisonnablement être confiées à un agent chargé de l'entretien de locaux sportifs ; qu'en particulier, si Mme E... affirme qu'il lui aurait été demandé de réaliser le tracé des terrains de football et de rugby sans vêtements adaptés, elle ne l'établit pas ; qu'il ne résulte pas, ainsi, de l'instruction que Mme E... aurait subi, comme elle l'affirme, une charge de travail démesurée, qu'elle aurait travaillé dans des conditions précaires ou qu'elle aurait été victime de l'attitude vexatoire et humiliante de ses supérieurs hiérarchiques ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des attestations produites par la commune de Lunel, dont la sincérité n'est pas utilement remise en cause, qu'à la suite de l'avis de la commission de réforme du 28 novembre 2008, qui avait préconisé un aménagement du poste de travail de Mme E..., le responsable technique du complexe sportif Ramadier a demandé à plusieurs agents de la commune d'aider Mme E... dans l'accomplissement de ses tâches et que cette aide lui a été effectivement apportée ; qu'alors même que cette assistance ponctuelle n'aurait pas correspondu aux préconisations d'un aménagement du poste de travail, cette circonstance n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des certificats médicaux produits par Mme E... qu'elle ne peut effectuer des mouvements répétitifs ni frotter le sol en raison notamment de douleurs aux poignets ; que si la commission de réforme s'était prononcé en 2008 en faveur d'un aménagement du poste de Mme E..., cette dernière n'a pas été déclarée inapte à l'exercice de ses fonctions ; qu'ainsi, la circonstance que la commune de Lunel n'a pas fait droit à sa demande de changement de poste avant 2010 ne révèle pas, à elle seule, une situation de harcèlement moral ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la commune de Lunel a pris contact avec le médecin traitant de Mme E..., à la suite de la production par l'intéressée de certificats médicaux dans lesquels ce médecin faisait état des déclarations de Mme E... concernant un harcèlement moral dont elle ferait l'objet sur son lieu de travail ; qu'il ne saurait, dès lors, être reproché à la commune de Lunel de n'avoir entrepris aucune démarche pour mettre fin à la situation de harcèlement alléguée ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les éléments de fait invoqués par Mme E..., et pris dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre ; qu'elle n'établit pas, dès lors, l'existence d'une faute de la commune de Lunel, de nature à engager sa responsabilité ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Lunel, qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante ni tenue aux dépens, les sommes que Mme E... demande au titre des frais qu'elles a exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Lunel fondées sur ces mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Lunel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E...et à la commune de Lunel.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Busidan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.
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N° 14MA05220