Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Les jardins de Pessicart a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période allant du 1er décembre 2008 au 31 juillet 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1302419 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 juin 2016 et présentée par MeC..., et un mémoire enregistré le 27 juin 2016 et présenté par MeD..., la SCI Les jardins de Pessicart, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 24 mars 2016 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le prix d'acquisition du terrain correspondant aux parties communes ainsi que des frais divers supportés pour l'opération doivent être pris en compte pour déterminer l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée due à l'occasion de la cession de deux terrains à bâtir ;
- elle n'est pas redevable de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée à tort sur un acte notarié ;
- elle a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée exigible en juillet 2011 ;
- son intention d'éluder l'impôt n'est pas établie.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les frais de notaire peuvent pris en compte pour la détermination de la marge sur les ventes réalisées en 2009 conduisant à une réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 575 euros en droits ;
- les autres moyens soulevés par la SCI Les jardins de Pessicart ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que la SCI Les jardins de Pessicart relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période allant du 1er décembre 2008 au 31 juillet 2011 ainsi que des pénalités correspondantes, à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article 257 du même code, dans sa rédaction également applicable au litige : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 6° Sous réserve du 7° : / a) Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux (...) " ; qu'aux termes de l'article 268 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l'article 257, la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : / a. D'une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s'y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; / b. D'autre part, selon le cas : / -soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du bien ; (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas de revente par lot d'un immeuble acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lot constitue une opération distincte, à raison de laquelle le vendeur doit acquitter une taxe calculée sur la base de la différence entre, d'une part, le prix de vente de ce lot et, d'autre part, son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d'achat global de l'immeuble ; qu'il appartient au contribuable de procéder à cette imputation par la méthode de son choix, sous réserve du droit de vérification de l'administration et sous le contrôle du juge de l'impôt ;
3. Considérant que la SCI Les jardins de Pessicart a acquis, le 23 mars 2009, un terrain sur le territoire de la commune de Nice d'une superficie de 13 850 m² pour un montant de 1 255 800 euros ; qu'après avoir procédé à la division en lots de la parcelle ainsi acquise, elle a cédé le 13 août 2009, deux terrains à bâtir d'une superficie de 1 234 m² et de 620 m² pour, respectivement, des montants de 360 000 euros et de 300 000 euros ; que ces cessions ont été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge en application du 6° de l'article 257 du code général des impôts, sur la base de la différence entre, d'une part, le prix de vente de ces lots et, d'autre part, leur prix de revient ; que, pour déterminer le prix de revient au mètre carré de ces lots, l'administration a divisé le prix d'achat global du terrain par la SCI Les jardins de Pessicart par la superficie totale acquise et a appliqué le prix d'acquisition au mètre carré ainsi obtenu à la superficie des lots cédés le 13 août 2009 ;
4. Considérant que si la SCI Les jardins de Pessicart soutient que, pour déterminer le montant des sommes, mentionnées au b de l'article 268 précité du code général des impôts, qu'elle a versées pour l'acquisition de ces biens, il y a lieu de prendre en compte, outre le prix de revient du terrain cédé, celui d'une fraction des parcelles destinées à la réalisation d'équipements collectifs, lesquelles seront rétrocédées gratuitement à l'association syndicale de copropriétaires, elle ne justifie pas, alors qu'elle est seule en mesure de présenter de telles précisions, de la superficie de ces parcelles imputées aux lots vendus ;
5. Considérant que la SCI Les jardins de Pessicart se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la réponse ministérielle faite à M. B..., député, selon laquelle le prix d'acquisition des parties communes peut être pris en compte dans la détermination du prix de revient de chaque lot mis en vente, ; que toutefois, comme cela a été dit au point 4, la SCI Les jardins de Pessicart n'établit pas la superficie des parties communes devant être imputées aux lots cédés ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se prévaloir des termes de cette réponse ministérielle ;
6. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article 268 du code général des impôts, seuls les frais et charges exposés par le contribuable pour l'acquisition du bien peuvent être pris en compte pour la détermination du second terme de la différence sur laquelle est assise l'imposition en litige ; que, par suite, la SCI Les jardins de Pessicart n'est pas fondée à demander la prise en compte, pour la détermination du prix de revient des terrains cédés, des frais de raccordements au réseau d'égout ni du montant des différentes taxes et redevances supportées à l'occasion des opérations d'aménagements de ces terrains dès lors qu'ils n'ont pas été exposés pour l'acquisition de ces terrains ; que, toutefois, comme l'admet expressément le ministre dans ses écritures d'appel, la SCI Les jardins de Pessicart peut prétendre à la prise en compte, pour la détermination de ce prix de revient, des frais d'acte, des honoraires du notaire et des frais de publicité foncière qu'elle a supportés à l'occasion de l'achat du terrain pour un montant total de 26 741 euros ; qu'ainsi, il résulte de l'instruction et notamment des éléments de calcul communiqués par le ministre, non contredits par la société requérante, que la marge réalisée par cette dernière pour la cession du terrain à bâtir d'une superficie de 1 234 m² s'établit à 205 462 euros hors taxes ; que la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge par application du taux de 19,6 % alors applicable est donc égale à 40 270 euros et la requérante peut prétendre à ce titre à une réduction du rappel de taxe à hauteur de 384 euros en droits ; que, s'agissant de la vente du terrain d'une superficie de 620 m², la marge réalisée par la SCI Les jardins de Pessicart s'élève à 202 833 euros hors taxes et la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge par application du taux de 19,6 % alors applicable est donc égale à 39 755 euros ; que la société requérante peut prétendre ainsi à une réduction du rappel de taxe à concurrence d'un montant de 191 euros ; que, par suite, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le ministre aurait procédé au dégrèvement correspondant, la SCI Les jardins de Pessicart est fondée à demander la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qui lui a été réclamé en conséquence de la cession de deux terrains à bâtir à hauteur d'un montant total de 575 euros en droits, 230 euros de pénalités pour manquement délibéré, et 60 euros d'intérêts de retard ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation " ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Les jardins de Pessicart, par actes authentiques du 3 novembre 2010 et du 3 décembre 2010, a cédé deux immeubles dont il ressort des énonciations que le prix de vente comprenait la taxe sur la valeur ajoutée ; que ces actes authentiques, qui mentionnent le montant hors taxe de la vente, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur la vente et précisent que la SCI Les jardins de Pessicart a entendu soumettre ces ventes à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total de la cession, équivalent à la facturation de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société requérante était ainsi redevable du montant de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné dans ces actes, alors même que cette taxe aurait été pour partie collectée à tort dès lors qu'elle n'aurait dû soumettre ces opérations, compte tenu de leur nature, qu'à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; que les circonstances, à les supposer établies, que cette erreur serait imputable à son notaire et que l'administration serait également en droit de réclamer aux acquéreurs le montant des droits d'enregistrement au titre de ces cessions, sont sans incidence sur le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, la SCI Les jardins de Pessicart n'est pas fondée à contester le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe collectée sur les opérations réalisées le 7 octobre 2008 et 23 novembre 2009 ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " (...) 2. La taxe est exigible : / (...) a bis) Pour les livraisons d'immeubles à construire, lors de chaque versement des sommes correspondant aux différentes échéances prévues par le contrat en fonction de l'avancement des travaux ; (...) " ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Les jardins de Pessicart a perçu, le 11 juillet 2011, une somme de 444 600 euros correspondant à un acompte réclamé sur le prix de vente d'un immeuble à usage d'habitation en l'état futur d'achèvement ; que si elle a inscrit dans le compte " 44571 TVA - Collectée ", la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à cet acompte pour un montant de 72 861 euros, elle n'a pas mentionné cette taxe sur sa déclaration modèle CA3 souscrite au titre de juillet 2011 ; que la SCI Les jardins de Pessicart ne conteste pas que la taxe en litige était exigible au titre du mois de juillet 2011 ; que la circonstance qu'elle aurait porté la taxe en cause sur sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déposée en septembre 2011, au titre du mois d'août 2011, période qui est postérieure à celle vérifiée, est sans incidence sur le bien-fondé du rappel de taxe en litige ;
11. Considérant la SCI Les jardins de Pessicart n'établit pas entrer dans les prévisions des énonciations du paragraphe 15 de la documentation de base référencée 3 E-1311 du 2 novembre 1996, reprise aujourd'hui au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-TVA-DECLA-20-20-10-10, selon lesquelles les entreprises sont autorisées, pour le mois au cours duquel leur comptabilité ne peut être arrêtée à temps en raison des congés payés, à ne pas remplir les rubriques habituelles de leur déclaration n° 3310 M-A... 3 à condition de verser un acompte qui doit être au moins égal à 80 % soit de la somme acquittée le mois précédent, soit de la somme réellement exigible ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se prévaloir de ces énonciations sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur les pénalités :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré au rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la SCI Les jardins de Pessicart, l'administration fait valoir que, sur toute la période contrôlée, la société requérante n'a pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable et qu'en sa qualité de professionnelle de l'immobilier, elle ne pouvait ignorer les règles fiscales applicables aux opérations qu'elle réalisait ; que, dans ces conditions, alors même que son notaire aurait commis des erreurs sur le régime fiscal applicable à des opérations réalisées en 2010, l'administration établit l'intention délibérée de la SCI Les jardins de Pessicart d'éluder le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée en litige et, par suite, le bien-fondé des majorations pour manquement délibéré ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI Les jardins de Pessicart est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période allant du 1er décembre 2008 au 31 juillet 2011 pour un montant total de 865 euros (575 euros en droits, 230 euros de pénalités, et 60 euros d'intérêts de retard) ; qu'il y a lieu de rejeter, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de la SCI Les jardins de Pessicart tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La SCI Les jardins de Pessicart est déchargée du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période allant du 1er décembre 2008 au 31 juillet 2011 à concurrence d'un montant de 865 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI Les jardins de Pessicart est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les jardins de Pessicart et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2017, où siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mars 2017.
N° 16MA01980 6