Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la même période et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1303312 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2015, Mme B..., représentée par Me A... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2015 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration ne démontre pas qu'elle tenait une double comptabilité ;
- la méthode de reconstitution de ses recettes est erronée ;
- l'administration a remis en cause, à tort, le bénéfice de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 293 B du code général des impôts ;
- l'application des pénalités n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2015, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que Mme B... relève appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la même période à la suite d'une vérification de comptabilité de son activité de restauration ;
Sur le rejet de la comptabilité :
2. Considérant qu'à la suite d'un droit d'enquête exercé auprès de la SAS Alpagel, fournisseur de produits alimentaires surgelés, frais et secs de l'établissement exploité par Mme B... sous l'enseigne " Le Blé Noir " à Alès dans le département du Gard, l'administration fiscale a relevé l'existence chez ce fournisseur de deux " identifiants client " ouverts au nom du restaurant " Le Blé Noir " et du restaurant " La Fourche ", ce dernier restaurant n'ayant pas d'existence légale ; que le représentant de la SAS Alpagel a déclaré dans un procès-verbal établi le 24 février 2011 que les achats effectués sous l'identité du restaurant " La Fourche " correspondaient à des achats également effectués par le restaurant " Le Blé Noir " ; que l'administration fiscale a complété cette information en exerçant son droit d'enquête prévu aux articles L. 80 F à L. 80 H du livre des procédures fiscales auprès de la SAS Alpagel ; qu'après avoir exploité les documents reçus de la société, l'administration fiscale a caractérisé l'existence d'achats par Mme B... de marchandises sous une identité d'emprunt en relevant que les numéros de comptes clients se suivaient, que les achats effectués pour le compte de l'établissement " La Fourche " étaient systématiquement réglés en espèces alors que ceux effectués sur le compte de l'établissement " Le Blé Noir " étaient toujours réglés en chèques, que le rapprochement des deux comptes mettait en évidence une périodicité hebdomadaire des achats, une absence de tout achat sur les deux comptes pendant le mois de juin, mois de fermeture annuelle de l'établissement " Le Blé noir " et des concomitances dans chacun des deux comptes dans la nature et la quantité des achats effectués ;
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme B..., l'administration fiscale a recoupé ces constatations avec les achats déclarés et le calendrier d'ouverture du restaurant qu'elle exploite, qui constituent autant de données propres à l'activité de son entreprise ; que, compte tenu de ces éléments, l'administration fiscale a pu, à bon droit, retenir que les mentions portées sur les factures établies au nom du restaurant " La Fourche " n'avaient d'autre but que de dissimuler l'identité exacte du destinataire des marchandises et que ces achats avaient en fait été effectués par Mme B... dans le cadre de son activité de restauration ; que le service a relevé que la proportion d'achats sous une identité d'emprunt par rapport au total des achats comptabilisés s'élevait à 27 % au cours de l'exercice clos en 2008 et à 31 % au cours de l'exercice clos en 2009 ; qu'eu égard à ces irrégularités graves et répétées, l'administration fiscale était fondée à rejeter la comptabilité de l'entreprise pour les deux années vérifiées et à reconstituer son chiffre d'affaires ;
Sur la reconstitution des recettes de l'établissement exploité par Mme B... :
4. Considérant qu'en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration fiscale supporte la charge de prouver le bien-fondé des impositions ;
5. Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise, l'administration fiscale a appliqué le coefficient de marge résultant des déclarations déposées par l'entreprise pour chaque exercice aux achats effectués de façon occulte pour le compte du restaurant " La Fourche ", tout en déduisant du chiffre d'affaires les charges correspondant à ces achats occultes ; que le vérificateur a déterminé que le chiffre d'affaires devait être fixé à 105 623 euros au titre de l'exercice clos en 2008 et à 113 508 euros au titre de l'exercice clos en 2009 ;
6. Considérant que cette méthode de reconstitution s'appuie, s'agissant de la marge bénéficiaire, sur des données tirées du fonctionnement même de l'entreprise et, s'agissant des achats dissimulés, sur les informations chiffrées et probantes recueillies par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication ; que si Mme B... reproche au vérificateur de ne pas avoir tenu compte des ingrédients entrant dans la composition d'une crêpe et de ne pas avoir " corroboré " sa reconstitution par des " achats occultes de serviettes, vins, cidres ", elle n'assortit cette critique d'aucun élément circonstancié de nature à faire regarder la méthode utilisée par l'administration fiscale comme radicalement viciée dans son principe, excessivement sommaire ou même aboutissant à des résultats excessifs ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe du bien-fondé de sa reconstitution aussi bien en matière de bénéfices industriels et commerciaux que de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur l'application du régime de la franchise en base en matière de taxe sur la valeur ajoutée :
7. Considérant que le chiffre d'affaires de l'entreprise reconstitué à bon droit par le vérificateur s'élève, comme il a été dit au point 5, à 105 623 euros en 2008 et 113 508 euros en 2009 ; que ces montants sont supérieurs aux seuils de 80 000 euros et de 83 000 euros fixés respectivement pour les années 2008 et 2009 par l'article 293 B du code général des impôts pour l'application du régime de la franchise en base, sous lequel Mme B... ne peut, de ce fait, se placer ;
Sur l'application des majorations pour manoeuvres frauduleuses :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " ;
9. Considérant qu'en établissant que Mme B... a procédé systématiquement au cours des deux années en litige à des achats sous une identité d'emprunt, pratique qui permettait de minorer le montant des recettes déclarées et de rendre plus difficiles ses opérations de contrôle, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de l'existence de manoeuvres frauduleuses et a pu, à bon droit, mettre à la charge de l'intéressée la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts ;
Sur l'application des intérêts de retard :
10. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 7, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme B... tendant à la décharge des intérêts de retard, qui n'est demandée que par voie de conséquence de la demande tendant à la décharge des impositions en principal ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2017, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 avril 2017.
N° 15MA03421 4