Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette mesure d'éloignement pouvait être exécutée d'office.
Par un jugement n° 1506644 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 avril 2016, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 mars 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Hérault du 21 octobre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence, sa signataire ne bénéficiant pas d'une délégation de signature régulière ;
- le refus de titre de séjour est stéréotypé et insuffisamment motivé au regard de sa situation familiale ;
- le préfet était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour ;
- il remplissait les conditions prévues par l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un visa de long séjour en préfecture par le préfet à l'occasion de sa demande de titre en tant que conjoint de français ;
- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'il était entré en France sans visa ;
- il devait se voir délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il vit en France de manière continue depuis 2012 et y a le centre de ses intérêts privés et familiaux en tant que conjoint d'une ressortissante française ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence, insuffisamment motivée et entachée d'erreur de droit quant à la durée du délai de départ volontaire, et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant l'Albanie comme pays de destination est entachée d'incompétence et méconnaît le droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. B....
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués contre le jugement contesté n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par un arrêté du 21 octobre 2015, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour formée par M. C... B..., ressortissant albanais, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel cette mesure d'éloignement pouvait être exécutée d'office ; que l'intéressé a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande d'annulation de cet arrêté ; que M. B... interjette appel du jugement en date du 29 mars 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 21 octobre 2015 :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté :
2. Considérant que les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination, et tirés de l'incompétence de Mme A... pour signer l'arrêté du 21 octobre 2015, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif et qui ne sont pas utilement critiqués en appel par M. B... ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation du refus de titre de séjour, réitéré devant la Cour par M. B..., doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges qui ne sont pas utilement critiqués ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce code : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. " ;
5. Considérant que l'article L. 211-2-1 précité ouvre la possibilité à un étranger qui est entré régulièrement en France et qui y a épousé un ressortissant français de présenter au préfet une demande de visa de long séjour, sans avoir à retourner à cette fin dans son pays d'origine, à condition d'avoir séjourné en France plus de six mois avec son conjoint ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions, éclairées au surplus par les travaux préparatoires, que la durée de six mois de vie commune avec le conjoint français qu'elles exigent s'apprécie quelle que soit la date du mariage ;
6. Considérant que M. B..., qui a épousé une ressortissante française le 11 juin 2015, fait valoir qu'il remplissait les conditions de délivrance d'un visa de long séjour par le préfet en application de ces dispositions dès lors qu'il serait entré en France régulièrement muni d'un visa " Schengen " ; que toutefois, en se bornant à produire la copie d'une page de son passeport dépourvue de tout visa, il ne démontre pas davantage en appel que devant les premiers juges que le préfet de l'Hérault ait commis une erreur de fait en relevant qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français en mars 2012, date à laquelle il a formé une demande d'asile ; qu'ainsi, à supposer même que le requérant se soit maintenu sur le territoire français depuis cette date et qu'il ait mené une vie commune durant plus de six mois avec son épouse française, ce qui n'est au demeurant pas démontré par les pièces du dossier, il ne remplissait pas les conditions exigées par les dispositions précitées pour que sa demande de visa de long séjour soit instruite par la préfecture ; que, par suite le préfet de l'Hérault a pu légalement lui opposer son absence de visa de long séjour pour refuser de lui délivrer le titre de séjour demandé en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : ( ...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; que, pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France au mois de mars 2012, soit trois années avant la décision en litige ; qu'il a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 24 décembre 2013 à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il ne fait état d'aucune insertion particulière sur le territoire français, et ne démontre pas au demeurant que la personne dont il produit dans l'instance la carte nationale d'identité française soit l'une de ses soeurs ; que son mariage le 11 juin 2015 avec une ressortissante française avait une ancienneté de quatre mois seulement à la date de la décision du préfet de l'Hérault ; que le requérant se limite en outre à produire une attestation d'hébergement d'urgence pour la période du 10 novembre 2014 au 22 juin 2015 par une association comme preuve de vie commune du couple ; que dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la décision en litige aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre de séjour sur la situation de M. B... ;
10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; que l'article L. 313-14 du même code prévoit que " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...). " ;
11. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, pour les motifs indiqués ci-dessus, M. B... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour ; que, par suite, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en obligeant M. B... à quitter le territoire français, alors notamment que celui-ci a vécu dans son pays d'origine jusqu'à une période récente, et que rien ne fait obstacle à ce qu'il entre à nouveau en France après avoir obtenu un visa de long séjour ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
13. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...). " ;
14. Considérant qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose à l'administration de motiver l'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit, dès lors, être écarté comme manquant en droit ;
15. Considérant qu'il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige ni des autres pièces du dossier que le préfet de l'Hérault se serait estimé, à tort, tenu de ne pas octroyer à M. B... un délai de départ volontaire d'une durée supérieure à trente jours ; que l'intéressé ne démontre ni même ne soutient qu'il aurait demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation du délai de droit commun prévu par ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit du préfet dans l'application de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit également être écarté ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
16. Considérant que M. B..., en se bornant à faire état de dissensions notamment avec la famille de son ancienne épouse en Albanie, n'établit pas que la décision fixant le pays de destination porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
17. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 21 octobre 2015 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault, sous astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme réclamée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens au conseil de M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ; que les conclusions présentées par celui-ci sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
-M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2017.
N° 16MA01665