Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Côte et Sud a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2009, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes, et de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par les articles 1er et 2 du jugement n° 1303828 du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Nice a réduit de 45 434,65 euros la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008, a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondant à cette réduction, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2015, la SAS Côte et Sud, représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 septembre 2015 ;
2°) de prononcer, d'une part, la réduction, en droits et pénalités, des impositions restant en litige, et d'autre part, la décharge de l'amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas statué sur les moyens tirés de ce qu'elle justifie de la dette à son égard de la SARL Quiky Snack, à hauteur d'une somme de 1 000 euros, et d'un montant global de 16 620 euros, correspondant à des sommes que la SARL Quiky Snack lui a versées entre le 17 juillet 2006 et le 14 juin 2007 ;
- elle est en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée dont la déduction a été omise au titre de périodes antérieures à la période vérifiée, pour un montant total de 17 097 euros ;
- la taxe sur la valeur ajoutée dont la déduction a été omise peut être déduite par compensation, ainsi que l'a admis l'administration par la réponse ministérielle faite à M. D..., député, le 23 août 1975 ;
- le vérificateur ne pouvait regarder comme un passif injustifié les sommes portées au crédit du compte 467 libellé " A...Martine ", dès lors qu'elles correspondent à des sommes versées pour son compte par Mme A... à la SCI Saint-Exupéry ;
- c'est à tort que la somme de 46 445,86 euros portée au crédit du compte 467 libellé " A...Dimitri " a été regardée comme une dette non justifiée, dès lors que la substitution de M. A..., en tant que créancier, à la SARL Quiky Snack procède d'une erreur comptable et que cette dernière était titulaire d'un compte courant correspondant à des sommes réglées pour son compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il demande également, par la voie de l'appel incident, que la Cour réforme le jugement attaqué en tant qu'il a accordé à la SAS Côte et Sud une décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, correspondant à une réduction de 34 483,33 euros de la base imposable.
Il soutient que :
- l'administration a prononcé la remise des intérêts de retard et de l'amende le 16 février 2016, la société requérante ayant été placée en liquidation judiciaire le 29 janvier 2016 ;
- les moyens soulevés par la SAS Côte et Sud ne sont pas fondés ;
- il n'est pas démontré que le report à nouveau créditeur du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... C...à l'ouverture de l'exercice clos en 2008, d'un montant de 34 483,33 euros, correspondrait à une dette de la société Côte et Sud envers l'intéressé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Côte et Sud, qui exploitait un restaurant à Saint-Laurent-du-Var, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2009 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir notamment écarté la comptabilité de la société au titre de l'exercice clos en 2008, procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires et remis en cause la constatation de dettes dans les écritures relatives à des comptes courants d'associés et à des comptes de tiers, a mis en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assortis de pénalités, au titre des exercices clos en 2008 et 2009, ainsi que l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts ; que la SARL Côte et Sud, entre-temps devenue la SAS Côte et Sud, a contesté ces impositions devant le tribunal administratif de Nice, qui par jugement en date du 30 septembre 2015 a réduit de 45 434,65 euros la base imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2008 et a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondant à cette réduction ; que la SAS Côte et Sud relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement accueilli ses conclusions ; que, par la voie de l'appel incident, le ministre des finances et des comptes publics demande la réformation du même jugement en tant qu'il a accordé à la SAS Côte et Sud une décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés assignée au titre de l'exercice clos en 2008, correspondant à une réduction de 33 483,33 euros de la base imposable ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que le 16 février et le 23 mars 2016, postérieurement à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé la remise, d'une part, des intérêts de retard dont les impositions en litige ont été assorties, et, d'autre part, de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, en application du I de l'article 1756 de ce code ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur l'appel principal de la SAS Côte et Sud :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Considérant qu'en jugeant, s'agissant d'une dette de la SAS Côte et Sud à l'égard de M. A... regardée comme injustifiée, qu'il n'est pas établi que la substitution de l'intéressé à la SARL Quiky Snack en tant que créancier procéderait d'une erreur comptable et que le transfert de la créance n'a pas fait l'objet des formalités prévues à l'article 1690 du code civil, le tribunal doit être regardé comme ayant répondu aux moyens tirés de ce que la dette de la SARL Quiky Snack à l'égard de la société requérante existait réellement ; que, par suite, la SAS Côte et Sud n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient omis de répondre à ces moyens ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :
S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, qui reprend à compter du 1er janvier 2008 les dispositions du 1 de l'article 224 de cette même annexe : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) " ;
5. Considérant que la SAS Côte et Sud demande l'imputation, sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008, de la taxe sur la valeur ajoutée déductible qu'elle aurait omis de porter sur ses déclarations déposées au titre des mois de septembre 2006 et de septembre 2007, à hauteur des montants respectifs de 9 605 euros et 7 492 euros ; que, toutefois, il est constant que ce surplus de taxe déductible n'avait pas été initialement déclaré par la société requérante, au titre de la période correspondante, et n'a pas davantage fait l'objet d'une régularisation, en application des dispositions précitées de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, par inscription sur une ligne distincte dans les déclarations de chiffres d'affaires ultérieurement souscrites par l'intéressée avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de l'omission ; que, dans ces conditions, le droit à déduction de cette taxe était en tout état de cause atteint de péremption lorsque la SAS Côte et Sud a formé sa réclamation ; que la circonstance que la société appelante avait par ailleurs mentionné des reports de crédit sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée des mois de septembre 2006 et de septembre 2007, et le fait que le vérificateur a examiné le crédit de taxe existant à l'ouverture de la période vérifiée, qui ne permet d'ailleurs pas de regarder celui-ci comme ayant fait porter son contrôle sur une période antérieure, sont sans incidence à cet égard ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a refusé la prise en compte d'un crédit de taxe d'un montant global de 17 097 euros ;
6. Considérant, en second lieu, que si la société requérante se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite à M. D..., député, le 23 août 1975, selon laquelle le redevable ayant fait l'objet d'un redressement peut, dans le cadre de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales relatif à la compensation au cours de la procédure de rectification, obtenir la prise en compte de la taxe déductible dont il aurait omis la mention sur les déclarations déposées au cours de la période soumise à redressement, il est constant que la taxe omise n'est pas afférente à la période concernée par les rappels en litige ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que ce n'est pas au cours de la procédure d'imposition, mais après avoir tacitement accepté les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui ont été mis en recouvrement le 20 octobre 2011, que la SARL Côte et Sud a, par lettre du 11 juin 2012, formé une demande de compensation, laquelle ne peut dès lors être regardée comme fondée sur l'article L. 80 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen ci-dessus analysé doit être écarté ;
S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
7. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ;
8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2008 un montant global de 30 000 euros, correspondant à des sommes de 5 000 euros et 20 000 euros portées le 29 octobre 2007 au crédit du compte 467 libellé " A...Martine ", et à une somme de 5 000 euros portée le lendemain au crédit du même compte, au motif que cette dette n'était pas justifiée ; que la société requérante soutient que Mme A... a versé pour son compte à la SCI Saint-Exupéry, propriétaire des locaux pris en location par la société Côte et Sud, des sommes correspondant à une indemnité de pas-de-porte et à des loyers ; que, toutefois, en se bornant à produire une attestation établie par le représentant de la SCI Saint-Exupéry postérieurement à la mise en recouvrement des suppléments d'impôt en litige, mentionnant le versement par Mme A... de deux sommes de 3 800 euros les 20 avril et 31 mai 2006, la société requérante n'établit pas la réalité de la dette alléguée à l'égard de Mme A... ; que c'est, par suite, à bon droit que le service a réintégré la somme de 30 000 euros dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2008 ;
9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le compte courant d'associé ouvert au nom de la SARL Quiky Snack, dont M. A... était le gérant, présentait à la date du 1er octobre 2007 un solde créditeur de 46 445,86 euros ; que ce solde a été viré le 28 octobre 2007 au crédit du compte 467 libellé " A...Dimitri " ; que l'administration a réintégré dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2008 la somme de 46 445,86 euros, au motif que la preuve d'une dette contractée à l'égard de M. A... n'était pas apportée ; que la société requérante ne produit aucun élément de nature à démontrer que la substitution de créancier ainsi intervenue à la date du 28 octobre 2007, soit au demeurant quelques jours avant le placement en liquidation judiciaire de la SARL Quiky Snack, procéderait d'une erreur comptable involontaire dont elle pourrait demander la correction ; que, par ailleurs, il n'est ni établi ni même allégué qu'une cession de créance serait intervenue entre la SARL Quiky Snack et M. A... ; que, par suite, la société requérante n'établit pas la réalité de la dette alléguée à l'égard de M. A... ; que c'est, dès lors, à bon droit que le service a réintégré la somme de 46 445,86 euros dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2008 ;
Sur le recours incident du ministre :
10. Considérant qu'à l'occasion des opérations de contrôle, le vérificateur a relevé que la somme de 34 483,33 euros avait été portée, à l'ouverture de l'exercice clos le 30 septembre 2008, au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... C... ; qu'il a estimé qu'en l'absence de justifications, cette somme avait la nature d'un passif injustifié, et l'a en conséquence réintégrée dans les résultats sociaux de la SAS Côte et Sud au titre de l'exercice clos en 2008 sur le fondement du 2 de l'article 38 précité du code général des impôts ; que le tribunal, pour prononcer la décharge de l'imposition correspondant à ce report à nouveau, a retenu que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé, sans que l'existence d'une contrepartie soit démontrée, traduisent une distribution directe de revenus au bénéfice de l'intéressé, et en a tiré la conséquence que le solde créditeur du compte courant en cause ne peut pas avoir la nature d'un passif fictif ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'a d'ailleurs relevé le tribunal, que la seule production de l'attestation établie par la SCI Saint-Exupéry, laquelle, au demeurant, mentionne des sommes différentes de celles qui selon la société requérante auraient été versées pour son compte par M. C... et de celles qui ont été comptabilisées en compte courant, ne suffit pas, en l'absence de preuve de l'existence de flux financiers entre le patrimoine de la société Saint-Exupéry et le patrimoine de M. C..., à établir que ce dernier aurait personnellement réglé des dettes de la société requérante ; que dans ces conditions, les sommes inscrites au compte courant de M. C... à l'ouverture du premier exercice vérifié ne pouvaient, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, avoir de caractère réel et constituaient ainsi des passifs injustifiés ; que, par suite, en estimant que le report à nouveau porté au crédit du compte courant en cause présentait la nature d'un passif fictif, l'administration a fait une exacte application des dispositions du 2 de l'article 38 précité du code général des impôts ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Côte et Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande ; que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Nice a réduit de 34 483,33 euros la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008 et prononcé la décharge de l'imposition et des pénalités correspondant à cette réduction ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SAS Côte et Sud demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Côte et Sud tendant à la décharge de l'intérêt de retard dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2009 ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009, et de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Côte et Sud est rejeté.
Article 3 : A concurrence de la somme de 34 483,33 euros en base, la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SAS Côte et Sud a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 est remise à sa charge, ainsi que la majoration correspondante.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 septembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Côte et Sud et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2017, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2017.
N° 15MA04614 2
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