Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet du Var a demandé, par un déféré enregistré le 10 mars 2015, au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération n° 34 du 15 janvier 2015 par laquelle le conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens a accordé la protection fonctionnelle à M. C..., maire de la commune, dans le cadre de l'appel introduit contre le jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 16 juillet 2014 le condamnant pour détournement de fonds publics.
Par un jugement n° 1500780 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération n° 34 du 15 janvier 2015 du conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2016, la commune de Roquebrune-sur-Argens, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 mars 2016 ;
2°) de rejeter le déféré du préfet du Var à l'encontre de la délibération n° 34 du 15 janvier 2015 du conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le juge administratif doit se placer à la date de la décision en cause ;
- les faits reprochés à M. C... ne sont pas établis
- ils ne sauraient revêtir les caractéristiques de la faute détachable de l'exercice de ses fonctions de maire ;
- le maire ne disposait que d'un véhicule de service sans chauffeur ;
- les véhicules achetés par la commune et mis à disposition du maire et des élus ont été utilisés pour les besoins du service ;
- les deux véhicules ont été acquis selon des procédures régulières prévues par le code des marchés publics ;
- le préfet ne démontre pas l'usage à des fins personnelles ;
- le fils du maire a reconnu avoir fait usage à une seule occasion, du 28 février au 3 mars 2013, et à l'insu de son père, d'un véhicule communal ;
- aucune condamnation pénale définitive de nature à établir la matérialité des faits n'est intervenue
- la carte de carburant n° 17 est mise à la disposition de l'ensemble des élus au cabinet du maire ;
- le maire est en mesure de démontrer que toutes les dépenses de carburant effectuées hors département ou hors territoire communal correspondent bien à des déplacements liés à sa fonction et effectués dans son intérêt.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2017, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune appelante ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté par la commune de Roquebrune-sur-Argens a été enregistré le 15 mai 2017 à 12h01, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code pénal ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. D...Marcovici en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
1. Considérant que la commune de Roquebrune-sur-Argens relève appel du jugement du 4 mars 2016, par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération n° 34 du 15 janvier 2015 du conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens par laquelle le conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens a reconnu au maire de cette commune, M. A... C..., le droit à la protection fonctionnelle prévue à l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a identifié tous les moyens opérants soulevés par la commune de Roquebrune-sur-Argens dans ses écritures et y a suffisamment répondu ; que, par suite, le tribunal n'a pas entaché le jugement en cause d'une irrégularité au regard des exigences posées par les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : " (...) La commune est tenue d'accorder sa protection au maire (...) lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. (...) " ; que, pour l'application de cette disposition, présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité ; qu'en revanche ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l'intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande ;
4. Considérant que suivant la délibération n° 34 du 15 janvier 2015, le conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens a reconnu au maire le droit à la protection fonctionnelle prévue à l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales au titre de l'appel formé par celui-ci contre le jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 16 juillet 2014 le condamnant pour détournement de biens publics, en application de l'article 432-15 du code pénal ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes de Provence Alpes Côte-d'Azur du 24 janvier 2013 et des constatations effectuées par le tribunal correctionnel de Draguignan à l'appui de son jugement du 16 juillet 2014, lequel a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 mai 2015, revêtu de l'autorité de la chose jugée, puis par un arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 juin 2016, que le maire de la commune de Roquebrune-sur-Argens, nécessairement à l'origine de la commande publique, dès lors qu'il lui appartient de définir les besoins de sa commune, a fait acheter sur les fonds de cette collectivité deux voitures de luxe, une Mitsubishi Lancer Type MR TC SST d'une puissance de 295 chevaux, pour le prix de 50 776 euros toutes taxes comprises, puis une Audi S4 Quatro S Tronic d'une puissance de 333 chevaux, pour le prix de 61 175 euros TTC ; que ces automobiles, qui ne répondent pas aux besoins de l'administration communale, ont été principalement utilisées en dehors du territoire communal, notamment dans le département de la Haute-Loire où le maire possède une résidence secondaire ; que, par ailleurs, le fils de l'intéressé a été contrôlé pour excès de vitesse, le 2 mars 2013, dans le département de l'Allier, au volant de l'un des véhicules en cause, alors qu'il se rendait au circuit de Magny-Court situé dans le département de la Nièvre pour un entraînement, ce qu'il n'a pu faire sans l'assentiment de son père ; qu'il était également reproché au maire de cette commune d'avoir fait usage, dans des conditions abusives, d'une carte de carburant qui lui était affectée, les pièces du dossier et notamment l'analyse de la carte communale de carburant révélant qu'il a largement alimenté ces véhicules en essence et en gasoil, à des dates voire même des heures proches, et en des endroits éloignés de la commune, notamment dans les départements du Cher et de la Haute-Loire ; que ces fautes, qui révèlent des préoccupations et utilisations d'ordre privé, présentent, par suite, le caractère de fautes personnelles détachables des fonctions de maire ; que, dès lors, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, sans s'estimer liés par la qualification juridique des faits du juge correctionnel et en se plaçant à la date où la décision en litige a été prise, de tels agissements ne peuvent permettre l'octroi de la protection fonctionnelle ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Roquebrune-sur-Argens n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par la commune de Roquebrune-sur-Argens au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Roquebrune-sur-Argens est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roquebrune-sur-Argens et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2017, où siégeaient :
- M. Marcovici, président de la formation de jugement,
- Mme Hameline, premier conseiller,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2017.
2
N° 16MA01051