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15/09/2017 | FRANCE | N°16MA01250

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 15 septembre 2017, 16MA01250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies Navigables de France a déféré au tribunal administratif de Montpellier, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. B... D....

Par un jugement n° 1501154 du 29 janvier 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a condamné M. D... au paiement d'une amende de 1 000 euros et lui a enjoint de procéder à l'enlèvement du bateau lui appartenant dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros

par jour de retard, Voies Navigables de France étant autorisé à procéder d'office ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies Navigables de France a déféré au tribunal administratif de Montpellier, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. B... D....

Par un jugement n° 1501154 du 29 janvier 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a condamné M. D... au paiement d'une amende de 1 000 euros et lui a enjoint de procéder à l'enlèvement du bateau lui appartenant dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, Voies Navigables de France étant autorisé à procéder d'office à cet enlèvement, aux frais et risques du contrevenant, en cas d'inexécution de cette injonction dans le délai d'un mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er avril 2016, le 29 août 2016 et le 14 novembre 2016, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 janvier 2016 ;

2°) de le relaxer des poursuites de contravention de grande voirie engagées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de Voies Navigables de France la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'instruction de la demande de première instance est entachée d'un vice de procédure ;

- les visas des moyens ne correspondent pas à ses écritures ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de forme dans l'emploi erroné du terme " embarcation " ;

- le stationnement de son bateau n'a pas dépassé le droit d'usage du domaine public fluvial qui appartient à tous ;

- il a été contraint de stationner sa péniche sans autorisation du fait d'un cas de force majeure ;

- le juge ne peut interdire l'accès à l'ensemble du domaine public fluvial à un bateau légalement en circulation ;

- la mesure d'injonction est inexécutable.

Par un mémoire distinct, enregistré le 29 août 2016, M. D... soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Il soutient que l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques méconnaît l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 juillet 2016, le 21 octobre 2016 et le 17 mai 2017, Voies Navigables de France conclut au rejet de la requête.

L'établissement public fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 septembre 2016, le président de la 7ème chambre de la Cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. D....

1. Considérant qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 26 janvier 2015 par les services de l'établissement public Voies Navigables de France à l'encontre de M. D... à raison du stationnement sans autorisation sur le canal de la Robine situé sur le territoire de la commune de Narbonne (Aude), relevant du domaine public fluvial, d'un bateau lui appartenant type " péniche Freycinet " portant la devise Pythéas, que l'intéressé utilise comme habitation ; que, par jugement du 29 janvier 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a condamné l'intéressé au paiement d'une amende de 1 000 euros et lui a enjoint de procéder à l'enlèvement du bateau dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, Voies Navigables de France étant autorisé à procéder d'office à cet enlèvement, aux frais et risques du contrevenant, en cas d'inexécution de cette injonction dans le délai d'un mois ; que M. D... relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique (...) ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. D... a soulevé un moyen tiré de ce que le stationnement de son bateau sur le domaine public fluvial n'excédait pas le droit d'usage qui appartient à tous ; que le tribunal n'a ni visé ce moyen, qui n'est pas inopérant, ni cité les dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques sur lesquelles il s'appuie, ni répondu à cette argumentation ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués sur ce point, M. D... est fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui est insuffisamment motivé, est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur les poursuites de contravention de grande voirie engagées devant le tribunal administratif de Montpellier à l'encontre de M. D... ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public (...). Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-9 du même code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente " ;

6. Considérant en premier lieu que, par une ordonnance du 5 avril 2016, le président de la 7ème chambre de la Cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. D..., tirée de ce qu'en ne définissant pas les limites du droit d'usage qui appartient à tous, les dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, citées au point 2, méconnaîtraient l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

7. Considérant en deuxième lieu que le stationnement d'une péniche à usage d'habitation sur le domaine public fluvial est constitutif d'une occupation privative de ce domaine et non d'une simple utilisation de celui-ci dans des limites ne dépassant pas le droit d'usage qui appartient à tous, au sens des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; que la circonstance que le stationnement pourrait se faire en tout lieu où il n'est pas expressément interdit et où il ne présente pas un danger pour la navigation ne fait en tout état de cause pas obstacle à ce qu'il soit au préalable régulièrement autorisé par le gestionnaire du domaine public fluvial ; que M. D..., qui indique que son bateau stationne dans le canal de la Robine depuis le mois de septembre 2014, ne conteste pas ne pas être bénéficiaire d'une telle autorisation, alors même qu'il en aurait fait la demande ;

8. Considérant en troisième lieu qu'il ne résulte pas de l'instruction que, du fait d'un défaut de curage imputable à Voies Navigables de France, le canal de la Robine se serait soudainement trouvé envasé au mois de septembre 2014 de sorte que M. D... n'aurait pu déplacer son bateau ; qu'il ressort des propres écritures de l'intéressé que le moteur de son bateau est en panne et que celui-ci n'a d'ailleurs pu, pour ce motif, être déplacé d'office par Voies Navigables de France au début du mois de novembre 2014 ; que la circonstance que, lors d'une réunion du 27 mai 2016, le gestionnaire du domaine public se serait engagé à vérifier si la péniche pouvait effectuer un demi-tour, sans apporter ultérieurement la réponse, n'a aucune incidence sur la matérialité de l'infraction à la date du procès-verbal ; qu'en tout état de cause M. D... indique lui-même qu'il peut faire remorquer son bateau par l'arrière ; que, dans ces conditions, le contrevenant ne peut se prévaloir d'un cas de force majeure ou d'un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure qui ferait obstacle à la libération du domaine public fluvial ;

9. Considérant en quatrième lieu que le stationnement, au surplus pendant plusieurs mois, d'un bateau sans autorisation sur le domaine public fluvial constitue un empêchement, au sens des dispositions de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, et caractérise ainsi une contravention de grande voirie ; qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, au titre de l'action publique, de condamner M. D... à une amende de 1 000 euros ;

10. Considérant enfin qu'il convient également, au titre de l'action domaniale, d'enjoindre à M. D... de libérer le domaine public fluvial dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et d'autoriser Voies Navigables de France à procéder d'office au retrait du bateau du contrevenant, aux frais et risques de ce dernier, en cas d'inexécution de cette injonction au terme du même délai ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Voies Navigables de France, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 29 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : M. D... est condamné au paiement d'une amende 1 000 euros.

Article 3 : Il est enjoint à M. D... de libérer le domaine public fluvial dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. L'établissement public Voies Navigables de France est autorisé à procéder d'office au retrait du bateau du contrevenant, aux frais et risques de ce dernier, en cas d'inexécution de cette injonction au terme du même délai.

Article 4 : Les conclusions de M. D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et à Voies Navigables de France.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 septembre 2017.

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N° 16MA01250

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01250
Date de la décision : 15/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SCP BLANQUER GIRARD BASILE-JAUVIN CROIZIER CHARPY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-09-15;16ma01250 ?
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