Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) des Autoroutes du Sud de la France (ASF) a formé tierce opposition à l'ordonnance n° 1502788 du 19 mai 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a désigné un expert afin de constater le niveau de pression acoustique diurne et nocturne résultant de l'autoroute A 9 au droit de la propriété de la société HoldingB....
Par un jugement n° 1503131 du 6 novembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2015, et un mémoire, enregistré le 11 juillet 2016, la SA ASF, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 novembre 2015 ;
2°) de déclarer non avenue l'ordonnance du 19 mai 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la société Holding B...la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable dès lors que l'ordonnance, rendue sans qu'elle ait été appelée à l'instance, préjudicie à ses droits ;
- le juge des référés a prescrit une expertise alors qu'il était saisi d'une demande de constat présentée au titre de l'article R. 531-1 du code de justice administrative ;
- à supposer que l'ordonnance ait été prise sur le fondement de l'article R. 531-1, les mesures prescrites excèdent la constatation de faits ;
- le constat ne présente pas un caractère d'utilité.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juin 2016 et 22 août 2016, la société HoldingB..., représentée par la SCP Coulombié, Gras, Cretin, Becquevort, Rosier, Soland, Gilliocq, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SA ASF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SA ASF ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.
1. Considérant que la société Holding B...a acquis 14 décembre 2011 un ensemble immobilier situé à Castries, en bordure nord de l'autoroute A 9 ; que le projet de construction du dédoublement de l'autoroute A 9, déclaré d'utilité publique par un décret du 30 avril 2007, prévoit un élargissement de l'infrastructure de transports terrestres au droit de cette propriété ; que le 12 mai 2015, M. B...a demandé à la SA ASF, concessionnaire de l'autoroute, la reconstruction de clôtures détruites lors de fouilles archéologiques et la remise en pâture des parcelles dont la société qu'il représente est propriétaire, ainsi que l'édification d'un mur antibruit ou le versement d'une somme de 900 000 euros correspondant au coût de réalisation d'un tel ouvrage ; que la société Holding B...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, en application de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, aux fins de désigner un expert pour constater les niveaux de pression acoustique diurne et nocturne auxquels est exposée la propriété ; que par une ordonnance du 19 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à cette demande ; que la société ASF relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 novembre 2015 rejetant sa demande en tierce opposition tendant à l'annulation de l'ordonnance du 19 mai 2015 du juge des référés de ce tribunal ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 531-1 du code de justice administrative : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête (...) désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction (...) Avis en est donné immédiatement aux défendeurs éventuels (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 832-1 du même code : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision " ;
Sur la recevabilité de la tierce opposition :
3. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point précédent qu'une personne tierce à une instance engagée sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative est recevable à former tierce opposition contre celle-ci dès lors qu'à la suite de l'exécution de l'ordonnance prescrivant un constat, sa responsabilité est susceptible d'être mise en jeu, circonstance qui, de ce seul fait, préjudicie à ses droits au sens de l'article R. 832-1 du même code ;
4. Considérant que, d'une part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la SA ASF ait été présente ou régulièrement appelée dans l'instance ayant donné lieu à l'ordonnance du tribunal administratif de Montpellier du 19 mai 2015 dont elle n'a été informée que lors de la notification de l'ordonnance en cause ;
5. Considérant que, d'autre part, la société Holding B...a demandé la réalisation d'un constat afin de disposer de mesures du bruit de la circulation sur l'autoroute A 9, relevées avant que le dédoublement de cette voie publique ne soit effectif, afin de lui permettre de solliciter, le cas échéant, la mise en place d'ouvrages de protection contre les nuisances sonores susceptibles de résulter de l'exploitation de l'autoroute ainsi élargie ou bien la réparation d'éventuels préjudices ; que la responsabilité de la SA ASF, concessionnaire de cet ouvrage, est ainsi susceptible d'être mise en jeu à la suite de l'exécution de l'ordonnance du 19 mai 2015 prescrivant le constat ; qu'il suit de là que la tierce opposition formée par cette société contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a désigné un expert ayant pour mission de procéder à des mesures de la pression acoustique diurne et nocturne résultant du trafic sur l'autoroute A 9 au droit de la propriété de la société HoldingB..., avant le démarrage des travaux de dédoublement et de déplacement de cette voie, est recevable ; que, dès lors, la SA ASF est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande en tierce opposition comme irrecevable ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SA ASF devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur le bien-fondé de la tierce opposition :
7. Considérant que l'ordonnance du 19 mai 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, alors même qu'elle prescrit en son article 1er une expertise contradictoire, donne, en son article 2, à l'expert pour mission de constater le niveau de pression acoustique diurne et nocturne résultant de la circulation sur l'autoroute A 9 au droit de la propriété de la société HoldingB... ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, le juge des référés n'a pas ordonné une mesure d'expertise relevant des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ; que la circonstance que l'expert désigné par le juge des référés ne se serait pas borné à constater les niveaux sonores diurne et nocturne mais aurait en outre procédé à une comparaison des relevés effectués avec ceux qui avaient été réalisés pour l'étude d'impact préalable à la déclaration d'utilité publique, est sans incidence sur la régularité de l'ordonnance attaquée ;
8. Considérant que les circonstances que les travaux de dédoublement de l'autoroute ont commencé plusieurs mois avant que ne soit ordonné le constat, que le revêtement routier a été modifié pour les besoins du chantier, que les voies de circulation ont été légèrement décalées et que la vitesse de circulation a été réduite pendant la durée des travaux, ne sont pas de nature à faire regarder le constat comme dépourvu de toute utilité dès lors que, les travaux d'aménagement n'étant pas achevés, l'ouvrage public n'a pas été mis en service dans sa configuration prévue par la déclaration d'utilité publique ; que la SA ASF ne peut utilement contester l'utilité de la mesure ordonnée en raison de son caractère prétendument prématuré, aux motifs qu'une étude de traitement des façades des immeubles implantés à proximité de l'autoroute serait en cours de réalisation et que l'entrée en service de l'ouvrage n'aura pas lieu avant deux ans ; qu'enfin, l'existence de relevés sonores effectués en 2007 dans le cadre de l'étude d'impact préalable à la déclaration d'utilité publique ne prive pas d'utilité le constat que le juge des référés a ordonné le 19 mai 2015 ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA ASF n'est pas fondée à demander que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 19 mai 2015 soit déclarée non avenue ni que la demande de la société Holding B...soit rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société HoldingB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la SA ASF la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SA ASF la somme demandée par la société Holding au même titre ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : La tierce opposition formée par la SA ASF est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Holding B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme des Autoroutes du Sud de la France et à la société HoldingB....
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- M. Barthez, président-assesseur,
- Mme A...Bourjade-Mascarenhas.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2017.
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N° 15MA04796
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