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08/02/2018 | FRANCE | N°15MA02075

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 08 février 2018, 15MA02075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme GéraldineREDONNET, M. SébastienLOOSE, M. et Mme Jean-MarieREDONNETet Mme MartineLOOSEont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier de Draguignan à verser à Mme Redonnnetet à M. LOOSEla somme de 40 000 euros chacun et à M. et Mme REDONNETet à Mme LOOSEla somme de 20 000 euros chacun en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subis du fait de l'absence de diagnostic anténatal de malformations dont leur fils et petit-fils Djessy est atteint.

Par un

jugement n° 1101752 du 16 mai 2013, le tribunal administratif de Toulon a ordo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme GéraldineREDONNET, M. SébastienLOOSE, M. et Mme Jean-MarieREDONNETet Mme MartineLOOSEont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier de Draguignan à verser à Mme Redonnnetet à M. LOOSEla somme de 40 000 euros chacun et à M. et Mme REDONNETet à Mme LOOSEla somme de 20 000 euros chacun en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subis du fait de l'absence de diagnostic anténatal de malformations dont leur fils et petit-fils Djessy est atteint.

Par un jugement n° 1101752 du 16 mai 2013, le tribunal administratif de Toulon a ordonné avant dire droit une expertise médicale.

Par un jugement n° 1101752 du 27 mars 2015, le tribunal administratif de Toulon a condamné le centre hospitalier de Draguignan à verser à Mme GéraldineRedonnnetet à M. Sébastien LOOSEla somme de 4 000 euros chacun et à M. et Mme Jean-MarieREDONNETet à Mme MartineLOOSEla somme de 1 000 euros chacun.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2015, MmeF..., M.LOOSE, M. et Mme REDONNET et MmeA..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 27 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 4 000 euros chacun l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Draguignan en réparation du préjudice subi par Mme REDONNET et M. LOOSEet à la somme de 1 000 euros chacun l'indemnité versée à M. et Mme REDONNETet à Mme LOOSE;

2°) de porter à la somme de 40 000 euros le montant de l'indemnité due à chacun des parents et à 20 000 euros celle due à chacun des grands-parents ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Draguignan la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en ne pratiquant pas un examen échographique spécifique dont le risque malformatif commandait la réalisation, le centre hospitalier de Draguignan a commis une faute caractérisée au sens des dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ;

- la perte de chance de ne pas mener la grossesse à terme est totale ;

- le choix des parents de recourir à une interruption médicale de grossesse était certain en cas de diagnostic de malformations des extrémités ;

- ils n'ont pas pu se préparer à la naissance d'un enfant handicapé ;

- le préjudice moral a été sous-évalué.

Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Var déclare n'avoir aucune observation à formuler.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2016, le centre hospitalier de Draguignan, représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2015.

Il soutient que :

- il n'a pas commis de faute caractérisée ;

- Mme REDONNETa bénéficié d'un suivi échographique approprié ;

- le lien de causalité entre l'insuffisance de la prise en charge et le préjudice est incertain ;

- la perte de chance de recourir à l'interruption volontaire de grossesse médicale est très faible voire nulle ;

- la perte de chance de se préparer à la naissance d'un enfant handicapé est faible ;

- le taux de perte de chance tous préjudices confondus doit être fixé à 10% ;

- les sommes demandées au titre des préjudices subis sont excessives.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeB..., représentant les consorts REDONNET-LOOSE, et de MeD..., substituant MeE..., représentant le centre hospitalier de Draguignan.

1. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale " ;

2. Considérant que Mme REDONNETa donné naissance le 25 novembre 2005 au centre hospitalier de Draguignan à un enfant présentant des anomalies des extrémités des quatre membres caractérisées par une agénésie des troisième et quatrième rayons des deux mains et des deuxième, troisième et quatrième rayons des deux pieds ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 mai 2013, plus précis, documenté et étayé que le rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales Provence-Alpes-Côte-d'Azur, que le gynécologue obstétricien de l'établissement de santé, qui a suivi la grossesse de MmeF..., était informé des risques très élevés d'anomalie des extrémités des membres du foetus, estimés à 50 %, en raison de l'antécédent de malformation chez le père, mentionné dans un avis génétique préconceptionnel, et qu'il avait d'ailleurs indiqué dans le dossier de la patiente la nécessité d'une surveillance échographique des anomalies des extrémités ; que si l'intéressée a bénéficié d'une échographie de contrôle biométrique à chaque consultation de surveillance et de trois échographies de type morphologie foetale de dépistage de la croissance, aucun examen orienté n'a été pratiqué par ce gynécologue obstétricien ni par aucun autre médecin du centre hospitalier ; que l'examen échographique du deuxième trimestre, réalisé par un praticien hospitalier à vingt-deux semaines d'aménorrhée, durant la période la plus propice au dépistage anténatal d'ectrodactylie, n'a consisté qu'en un examen de la croissance du foetus qui n'a pas relevé d'anomalie des membres supérieurs et inférieurs ; que si le dépistage demeure un examen délicat en raison d'une sensibilité réduite pour les anomalies dites mineures des extrémités, le défaut de vérification adaptée de la conformité des quatre membres du foetus constitue, eu égard à la connaissance du risque particulièrement élevé de malformation que présentait le foetus du fait des antécédents familiaux du père, une faute qui, par son intensité et sa gravité, est caractérisée au sens du troisième alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ; qu'ainsi, le centre hospitalier de Draguignan n'est pas fondé à soutenir que sa responsabilité n'est pas engagée ;

3. Considérant qu'il ne peut être préjugé de l'avis des médecins qui auraient eu à se prononcer sur une éventuelle interruption thérapeutique de grossesse au regard de l'anomalie affectant les quatre membres de l'enfant ni sur la décision des parents, quand bien même le manquement caractérisé relevé au point précédent a fait obstacle à ce qu'une telle option puisse être seulement envisagée ; qu'en revanche, la brutalité des conditions dans lesquelles les requérants ont été confrontés au handicap de l'enfant auquel ils n'ont pas pu se préparer constitue un préjudice moral qui est la conséquence directe de la faute caractérisée commise dans la réalisation des échographies ; qu'il convient de porter à 5 000 euros l'indemnité due à chacun des parents en réparation de ce préjudice ; que le préjudice moral subi par les grands-parents a été suffisamment indemnisé par la somme de 1 000 euros chacun ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 5 000 euros le montant des indemnités dues par le centre hospitalier de Draguignan à Mme REDONNET et à M. LOOSEet de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2015 ; que le centre hospitalier de Draguignan n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement ;

5. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Draguignan une somme de 2 000 euros à verser à Mme REDONNETet à M. LOOSEau titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 4 000 euros que le centre hospitalier de Draguignan a été condamné à verser à Mme REDONNETet à M. LOOSE par le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 mars 2015, est portée à 5 000 euros chacun.

Article 2 : L'article 2 du jugement du 27 mars 2015 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme REDONNETet autres est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Draguignan présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 5 : Le centre hospitalier de Draguignan versera à Mme REDONNETet à M. LOOSE la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme GéraldineREDONNET, à M. SébastienLOOSE, à M. et Mme Jean-MarieREDONNET, à Mme MartineLOOSE, au centre hospitalier de Draguignan et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 février 2018.

2

N° 15MA02075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02075
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : GEORGES MAURY et ANTOINE MAURY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-02-08;15ma02075 ?
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