Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui payer la somme de 71 900 euros en réparation des préjudices résultant de l'aggravation de son état de santé liée à sa contamination par le virus de l'hépatite C.
Par un jugement n° 1402935 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'ONIAM à verser à M. B... une somme de 13 000 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 avril 2016, le 9 mai 2016 et le 1er août 2016, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer ce jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 13 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en réparation des préjudices qu'il a subis ;
2°) de porter à la somme de 137 478 euros l'indemnité due au titre de ces préjudices ;
3°) de mettre à la charge de cet établissement la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son état de santé s'est aggravé depuis le rapport de l'expert déposé en 2006 ;
- l'ONIAM ne conteste pas son obligation d'indemnisation ;
- ses préjudices ont été insuffisamment réparés par les premiers juges.
Par deux mémoires, enregistrés le 19 juillet 2016 et le 1er septembre 2016, l'ONIAM demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 mars 2016 en tant qu'il l'a condamné à verser à M. B...la somme de 13 000 euros en réparation des préjudices que ce dernier estime avoir subis ;
- de ramener à la somme de 10 201 euros le montant de l'indemnité due à M. B....
Il soutient que :
- l'absence de consolidation de l'état de santé ne permet pas d'indemniser les préjudices permanents ;
- l'indemnisation des souffrances doit être ramenée à la somme de 7 201 euros ;
- les sommes réclamées par le requérant sont injustifiées.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.
1. Considérant que M.B..., né en 1956, atteint d'un déficit constitutionnel de l'hémostase diagnostiqué en 1974, a reçu de nombreuses transfusions de produits sanguins ; qu'il a découvert qu'il était porteur du virus de l'immunodéficience humaine en 1983 et qu'il a été indemnisé en 1992 par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles ; que sa contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée en 1990 ; qu'il a alors assigné le centre privé de transfusion sanguine devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, qui, par jugement du 6 septembre 1999, l'a indemnisé du préjudice moral subi par l'allocation d'une somme de 30 534,35 euros ; que son état s'étant aggravé, le TGI de Besançon lui a alloué par jugement du 11 août 2009 une indemnité supplémentaire de 8 525 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; qu'il a bénéficié d'un traitement, poursuivi d'octobre 2008 à octobre 2009, qui a échoué ; qu'une nouvelle aggravation de son état de santé étant survenue, le TGI de Toulon a nommé un expert, qui a déposé son rapport en 2012 ; que M.B..., estimant l'offre de l'ONIAM insuffisante, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon qui lui a alloué une provision de 11 000 euros ; qu'il relève appel du jugement rendu le 24 mars 2016 par le tribunal administratif de Toulon qui, saisi d'une demande au fond, a limité à la somme de 13 000 euros le montant de la réparation mise à la charge de l'ONIAM, lequel ne conteste pas son obligation d'indemnisation ;
Sur les préjudices :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) " ;
3. Considérant que si le rapport d'expertise rendu en 2012 fait état d'une consolidation de l'état de santé du patient à compter du 7 septembre 2011, en indiquant qu'à compter de cette date, aucune ligature de varices oesophagiennes n'est intervenue et mentionne qu'il n'existe pas de traitement antiviral actuellement disponible, il résulte de l'instruction que M. B...a non seulement subi depuis cette date de telles interventions mais qu'il a également bénéficié d'un nouveau traitement en 2014 ; que l'état de santé du patient n'était ni stabilisé ni consolidé en 2011 et s'est aggravé en cours d'instance ; que l'état du dossier ne permet pas à la cour de se prononcer sur les droits à réparation du requérant ; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de M. B..., d'ordonner une expertise aux fins et dans les conditions précisées à l'article 1er du présent arrêt ;
D É C I D E :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de M. B..., procédé, par un expert, désigné par le président de la Cour, à une expertise avec pour mission de :
1°) examiner M. B..., prendre connaissance de son entier dossier médical et reconstituer l'histoire médicale de l'intéressé en précisant l'ensemble des pathologies présentées, les dates, les lieux et les modalités de leur prise en charge médicale ;
2°) décrire précisément la prise en charge médicale intervenue depuis octobre 2011 ;
3°) dire si l'état de santé de M. B... en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C est stabilisé ou consolidé ou décrire, le cas échéant, l'évolution prévisible de la pathologie ;
4°) dire si l'état de santé de M. B... en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C a entraîné depuis octobre 2011 un déficit fonctionnel temporaire et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ;
5°) préciser si l'état de santé de M. B... en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C a justifié depuis octobre 2011 une assistance par une tierce personne et de préciser les dates de début et de fin de cette aide ainsi que sa nature et son importance en nombre d'heures par semaine ou par jour et préciser si cette aide sera nécessaire dans le futur et le cas échéant, préciser sa nature et son importance ;
6°) dire si l'état de santé de M. B... en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C a entraîné depuis octobre 2011 des répercussions sur la vie professionnelle de l'intéressé ;
7°) préciser si le déficit fonctionnel permanent de M. B...s'est aggravé depuis octobre 2011 et dans l'affirmative en fixer le taux ;
8°) donner tous éléments utiles permettant d'évaluer depuis octobre 2011 les autres postes de préjudices en lien avec la contamination de M. B... par le virus de l'hépatite C tels que les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel.
Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.
Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me C...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 8 février 2018.
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N° 16MA01519
kp