Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Bastia,
à titre principal, d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte-d'azur Corse en date du 7 juillet 2014 la plaçant en congé pour accident de service pour la période du 24 avril au 31 octobre 2012, la décision du 2 septembre 2014 fixant ses droits à congé maladie à compter du 1er novembre 2012, la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 29 septembre 2014 contre les décisions des 7 juillet et 2 septembre 2014 et la décision du 13 octobre 2014 relative au remboursement d'un trop-perçu de traitements pour 16 733,93 euros pour la période du 1er novembre 2013 au 15 septembre 2014 et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa carence dans le traitement de sa situation administrative.
Par un jugement n° 1401154 du 25 août 2016, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions en cause.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2016, le ministre de la justice demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 août 2016.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu ;
- il est recevable à discuter des faits ;
- la procédure est viciée, dès lors la requérante n'a pas justifié avoir formé elle-même ou par l'intermédiaire de son médecin une demande de consultation de son dossier médical.
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 et 10 juillet 2017, Mme C...
épouseA..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, d'annuler les décisions en litige et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa carence dans le traitement de sa situation administrative et de lui maintenir le bénéfice des frais obtenus en première instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'administration ne justifie pas de la compétence des signataires des décisions ;
- elle n'a pas reçu communication de son dossier médical, en violation de l'article 19 du décret du 14 mars 1986, malgré une demande en ce sens de son médecin-traitant ;
- le refus d'imputabilité au service de son état de santé au-delà du 31 octobre 2012 est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- le placement en congé de maladie sans traitement à compter du 1er novembre 2013 est entaché d'une erreur de droit en violation de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 ;
- la carence fautive de l'administration dans la gestion de son accident de service est de nature à lui ouvrir droit à l'indemnisation de préjudices matériel et moral.
Par courrier du 27 mars 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le présent arrêt est susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions incidentes tendant à, d'une part l'annulation de la " décision " du 13 octobre 2014 qui ne fait pas grief pour se borner à informer Mme C... de l'émission à venir d'un titre de perception pour un trop-perçu de traitements de 16 733,93 euros pour la période du 1er novembre 2013 au 15 septembre 2014 et, d'autre part, réparation faute de réclamation préalable.
Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2018, Mme C..., représentée par Me D..., maintient ses écritures.
Elle soutient que :
- la décision du 13 octobre 2014 fait grief ;
- elle se réserve le droit de former ultérieurement une demande d'indemnité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jorda,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Sur la recevabilité des conclusions incidentes :
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions du courrier du directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte-d'azur Corse en date du 13 octobre 2014, que ce document et ses pièces jointes se bornent à informer Mme C... de l'émission à venir d'un titre de perception pour un trop-perçu de traitements de 16 733,93 euros pour la période du 1er novembre 2013 au 15 septembre 2014 ; que, faute d'un tel titre, Mme C... n'a dès lors pas d'intérêt à poursuivre l'annulation de ce courrier, qui ne fait pas grief ; que, par suite, les conclusions incidentes de Mme C... présentées sur ce point sont irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif ;
2. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa version applicable : "Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée." ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C... n'a pas présenté de réclamation préalable à la date du jugement attaqué ; qu'elle n'est plus susceptible de pallier cette carence en appel ; que, par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la voie de l'appel incident par Mme C... doivent être rejetées comme étant irrecevables ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15 (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 du même décret : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...)/ 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 19 du même décret : " (...)/ Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. (...)/ Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix (...) " ;
5. Considérant que, si ces dispositions n'exigent pas que l'administration procède de sa propre initiative à la communication des pièces médicales du dossier d'un fonctionnaire avant la réunion du comité médical, elles impliquent que l'agent ait été informé de la possibilité d'obtenir la consultation de ces pièces ; qu'en l'espèce, il ressort du dossier que, par courrier du 15 mai 2014, le directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte-d'azur Corse a informé Mme C... de tels droits avant la réunion de la commission de réforme le 3 juin 2014 ; qu'il ne ressort pas du dossier que celle-ci ait formé une demande auprès de l'administration en vue de la consultation de son dossier ; que si l'intéressée a produit une attestation de son médecin en date du 16 décembre 2014 certifiant avoir demandé en vain pour sa patiente la communication de son dossier médical au printemps 2014, alors que le courrier de l'administration du 15 mai 2014 invitait Mme C... à prendre connaissance de la partie médicale de son dossier par ce biais, cet élément n'est pas, en tout état de cause, suffisamment probant faute de justificatif de l'envoi d'une simple demande de communication ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a procédé pour le motif tiré d'un vice de procédure à l'annulation de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte-d'azur Corse en date du 7 juillet 2014 portant placement de Mme C... en congé pour accident de service pour la période allant du 24 avril au 31 octobre 2012, ainsi que, par voie de conséquence, à celle de l'ensemble des autres décisions en litige ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Bastia ;
8. Considérant qu'il ressort du dossier que le moyen tiré de l'incompétence des auteurs des décisions attaquées, dont le ministre de la justice a justifié la qualité des délégations de signatures en vertu desquelles elles ont été prises, manque en fait ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...)/ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial
de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35./ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'expert qui a examiné Mme C... le 6 février 2014 a conclu que si les arrêts de travail et soins prescrits à la suite de l'accident de service du 24 avril 2012 étaient justifiés jusqu'au 31 octobre 2012, date de consolidation, ceux-ci relevaient du congé de maladie ordinaire à partir du 1er novembre 2012 ; que la commission de réforme a rendu à l'issue de sa séance du 3 juin 2014 un avis favorable à l'imputabilité au service pour la période du 24 avril au 31 octobre 2012 ; que la circonstance que le service de santé au travail a indiqué, à l'occasion d'une visite médicale du 25 février 2014, que la reprise semblait avoir été trop précoce et la kinésithérapie inefficace, n'est pas, à elle seule, de nature à établir que la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte-d'azur Corse en date du 7 juillet 2014 qui, en conséquence, porte placement de l'intéressée en congé pour accident de service pour la période allant du 24 avril au 31 octobre 2012 et fixe la date de consolidation au 31 octobre 2012 serait entachée d'erreur d'appréciation ;
11. Considérant, qu'aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 précité : " Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. " ;
12. Considérant qu'il ressort du dossier que si Mme C..., qui fait valoir une erreur de droit entachant la décision à cet égard, a bénéficié dans les faits du versement du demi-traitement pour la période du 1er novembre 2013 au 15 septembre 2014, la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte-d'azur Corse du 2 septembre 2014 fixant ses droits à congé maladie pour cette même période lui refuse le paiement de tout traitement ; que dans cette mesure uniquement, cette décision est illégale ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, du rejet du recours gracieux exercé par l'intéressée contre cette partie de la décision ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le ministre de la justice est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte-d'azur Corse du 7 juillet 2014 portant placement de Mme C... en congé pour accident de service pour la période allant du 24 avril au 31 octobre 2012, et, en tant qu'elles ne concernent pas la période du 1er novembre 2013 au 15 septembre 2014, la décision du 2 septembre 2014 fixant les droits à congé maladie de Mme C... et la décision implicite rejetant son recours gracieux sur ce point ;
Sur les dépens :
14. Considérant que Mme C... n'établissant pas avoir engagé de dépens dans la présente instance, sa demande de condamnation à ce titre ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
En ce qui concerne les frais de procédure de première instance :
15. Considérant, s'agissant des frais obtenus par l'intimée en première instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... ne peut être regardée comme la partie perdante compte tenu des motifs du présent arrêt qui fait droit à ses conclusions visant la décision du 2 septembre 2014 fixant ses droits à congé maladie et la décision implicite rejetant son recours gracieux en tant que celles-ci ne prévoient pas un demi-traitement pour la période du 1er novembre 2013 au 15 septembre 2014 ; qu'il y a ainsi lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir à la charge du ministre de la justice la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en première instance sous la requête n° 1401154 par Mme C... et non compris dans les dépens ;
En ce qui concerne les frais de procédure d'appel :
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du requérant, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante à titre principal, la somme que demande Mme C... au titre des frais exposés en appel par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1401154 du 25 août 2016 du tribunal administratif de Bastia est réformé en tant qu'il annule la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte-d'azur Corse en date du 7 juillet 2014 portant placement en congé pour accident de service pour la période allant du 24 avril au 31 octobre 2012, le document du 13 octobre 2014 qui se borne à informer Mme C... de l'émission à venir d'un titre de perception pour un trop-perçu de traitements de 16 733,93 euros pour la période du 1er novembre 2013 au 15 septembre 2014 et, en tant qu'elles ne concernent pas la période du 1er novembre 2013 au 15 septembre 2014, la décision du 2 septembre 2014 fixant les droits à congé de maladie de Mme C... à compter du 1er novembre 2012 et la décision implicite rejetant son recours gracieux sur ce point.
Article 2 : La demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Bastia et les conclusions correspondantes présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées à l'exception des conclusions dirigées contre la décision du 2 septembre 2014 fixant ses droits à congé de maladie et la décision implicite rejetant son recours gracieux en tant qu'elles ne prévoient pas un demi-traitement pour la période du 1er novembre 2013 au 15 septembre 2014, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance.
Article 3 : Le surplus de la requête du ministre de la justice est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la justice, garde des sceaux et à Mme B... C...épouseA....
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 avril 2018.
N° 16MA03855