Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler une décision du 21 novembre 2014 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, l'a inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés.
Par un jugement n° 1500019 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 18 août 2017 sous le n° 17MA03651, M.A..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2017 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) d'annuler cette décision du 21 novembre 2014 de la garde des sceaux, ministre de la justice ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle a été précédée d'une consultation irrégulière de la commission des détenus particulièrement surveillés ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant obstacle au maintien des liens familiaux du requérant.
Par un mémoire en défense, enregistré à la Cour le 16 février 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
elle soutient que :
- les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 juin 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8 ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;
- l'arrêté du 15 septembre 2014 de la garde des sceaux, ministre de la justice, portant délégation de signature au sein de la direction de l'administration pénitentiaire ;
- la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice NOR : JUSD1236970C du 15 octobre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici ;
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...relève appel du jugement du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 novembre 2014, par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, l'a inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés.
S'agissant de la légalité externe :
2. La décision contestée a été signée par Mme C...B..., directrice des services pénitentiaires et chef de bureau de gestion de la détention. Il ressort des pièces du dossier d'appel que Mme C...B..., en tout état de cause, bénéficiait d'une délégation de signature par un arrêté du 15 septembre 2014, signé par la directrice de l'administration pénitentiaire, régulièrement publié au Journal officiel de la République française du 19 septembre 2014, à l'effet de signer dans la limite de ses attributions tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, au nom de la garde des sceaux, ministre de la justice. La directrice de l'administration pénitentiaire bénéficiait elle-même d'une délégation de signature de la garde des sceaux, ministre de la justice, en application des dispositions du décret susvisé du 27 juillet 2005, donnant délégation de signature, au nom du ministre, aux directeurs d'administration centrale. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ne peut donc qu'être écarté.
3. La décision attaquée vise l'article D. 276-1 du code de procédure pénale ainsi que la circulaire du 15 octobre 2012. La décision attaquée rappelle également " l'implication tant dans la criminalité locale, internationale que dans le milieu nationaliste corse " du requérant, ses " réseaux tant en France qu'à l'étranger (notamment au Portugal) ", sa " capacité à commettre de graves atteintes à la vie d'autrui ", ainsi que sa situation pénale : " poursuites judiciaires notamment pour recel de biens provenant d'un vol, transport prohibé d'arme, munitions, vol en bande organisée avec arme, port prohibé d'arme, destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, détention sans autorisation de produit ou engin explosif, participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou les biens ". Elle comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des membres de la commission des détenus particulièrement surveillés se sont réunis le 13 mai 2014, et ont rendu un avis favorable à l'inscription du requérant au répertoire des détenus particulièrement surveillés, de sorte que la procédure prévue par la circulaire susvisée du 15 octobre 2012 n'a pas été méconnue.
S'agissant de la légalité interne :
5. Aux termes de la circulaire susvisée du 15 octobre 2012, prise en application de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale : " Les critères d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés sont liés au risque d'évasion et à l'intensité de l'atteinte à l'ordre public que celle-ci pourrait engendrer ainsi qu'au comportement particulièrement violent en détention de certaines personnes détenues / Les personnes détenues susceptibles d'être inscrites au répertoire des DPS sont celles : 1) appartenant à la criminalité organisée locale, régionale, nationale ou internationale ou aux mouvances terroristes, appartenance établie par la situation pénale ou par un signalement des magistrats, de la police ou de la gendarmerie. (...) 4) dont l'évasion pourrait avoir un impact important sur l'ordre public en raison de leur personnalité et / ou des faits pour lesquels elles sont écrouées ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été prise au motif que M. A...a été condamné à 16 ans de réclusion pour des faits de vols avec armes au Portugal, qu'il a été placé en libération conditionnelle le 23 mars 2011 mais s'est soustrait à ses obligations, qu'un mandat d'arrêt a été émis à son encontre, qu'il a échappé à une arrestation en percutant des douaniers, qu'il fait actuellement l'objet d'un mandat d'arrêt européen émis par des autorités portugaises pour des faits de vols à main armée commis en 2012 et 2013, et qu'il est mis en cause dans une procédure criminelle pour des faits commis en Haute-Corse en octobre 2011 et en février 2013. Ces éléments sont de nature à justifier une mesure d'inscription au répertoire des détenus particulièrement surveillés. L'auteur de l'acte attaqué n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation.
7. L'inscription d'un détenu au répertoire des détenus particulièrement signalés a pour objet d'appeler l'attention des personnels pénitentiaires et des autorités amenés à le prendre en charge, en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l'ensemble des détenus par les dispositions législations et règlementaires en vigueur. Si cette inscription peut constituer un élément de nature à orienter le choix de l'établissement dans lequel le détenu concerné est affecté, elle ne détermine pas le lieu géographique de détention, qui relève d'une décision distincte.
8. De plus, si la décision d'inscription du requérant au répertoire des détenus particulièrement signalés est de nature à rendre plus difficile l'exercice par le requérant de son droit à conserver une vie familiale en détention, elle n'a cependant pas pour effet de rendre impossibles les visites de sa famille. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice, l'ayant inscrit au répertoire des détenus particulièrement surveillés.
Sur les frais liés au litige :
10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A..., à Me D...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera délivrée au préfet de Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2018.
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N° 17MA03651