Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'avis du 13 avril 2016 par lequel le conseil de discipline de recours de la région Midi-Pyrénées a proposé de substituer une sanction d'exclusion temporaire de six mois à la sanction de révocation retenue à l'encontre de M. E... B....
Par un jugement n° 1601917 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet avis.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 24 novembre 2017 et le 12 avril 2018, sous le n° 17MA04522, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 octobre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence tendant à l'annulation de l'avis du conseil de discipline de recours de la région Midi-Pyrénées du 13 avril 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en recommandant de substituer à la mesure de révocation une sanction d'exclusion temporaire de six mois, le conseil de discipline de recours qui a pris en compte son comportement général et les circonstances de l'espèce, n'a pas entaché son avis d'illégalité ;
- la sanction recommandée est proportionnée à la gravité des faits et des circonstances ;
- les moyens soulevés par la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence seront écartés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 mars et 25 avril 2018, la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence, représentée par le cabinet Maillot Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 15 décembre 2017 et le 12 avril 2018, sous le n° 17MA04795, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 octobre 2017 ;
2°) de mettre à la charge de la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement emporte des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens soulevés dans sa requête au fond sont sérieux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 mars et 25 avril 2018, la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence, représentée par le cabinet Maillot Avocats Associés conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Portail en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lopa Dufrénot,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. B..., et de Me F..., représentant la communauté de communes de Beaucaire Terre d'Argence.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 17MA04522 et n° 17MA04795, présentées par M. B..., sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
2. M. B..., agent technique territorial de 1ère classe, exerçait les fonctions de conducteur d'engin léger, d'agent d'entretien et de ripeur au service environnement de la communauté de communes de Beaucaire Terre d'Argence (CCBTA). A la suite de l'avis du conseil de discipline du 16 octobre 2015 en faveur d'une sanction d'exclusion temporaire des fonctions de 3 mois, le président de la communauté a, par arrêté du 19 novembre 2015, prononcé une sanction du 4ème groupe, la révocation prenant effet à compter du 10 décembre 2015. Au cours de la séance du 13 avril 2016, la commission de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Midi-Pyrénées a recommandé que soit substituée à la mesure de révocation, celle de l'exclusion temporaire de fonction de six mois. Par le jugement attaqué du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes, saisi par la CCBTA, a annulé cet avis.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. L'article L. 521-1 du code de justice administrative dispose que quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Selon le même article, lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais, la suspension prenant fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. Eu égard à la nature de l'office ainsi attribué au juge des référés - et sous réserve du cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement cet office, il aurait préjugé l'issue du litige -la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualité de juge du principal.
4. Il ne ressort pas des motifs ou du dispositif de l'ordonnance du 9 décembre 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a refusé de prononcer la suspension de l'arrêté du 19 novembre 2015 par laquelle le président de la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence a prononcé sa révocation, que celui-ci aurait préjugé de l'issue du litige en se bornant à considérer qu'en l'état de l'instruction et au vu des pièces du dossier, aucun des moyens invoqués devant lui, n'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté qui n'est pas en litige. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance des exigences du principe d'impartialité. La circonstance qu'à la suite du nouvel arrêté du président de la communauté du 14 novembre 2017 prononçant sa révocation, le président du tribunal en qualité de juge des référés, aux termes d'une ordonnance du 24 janvier 2018, postérieur au jugement attaqué, a rejeté la demande présentée par M. B..., sur le fondement de l'article L. 521-1, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. L'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 dispose que les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes dont le troisième groupe comprend notamment l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans et le quatrième groupe, notamment la révocation. L'article 91 de la même loi énonce que les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat et que l'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours.
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il lui appartient également de rechercher si la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur le recours d'un fonctionnaire territorial est proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées.
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de gendarmerie de Châteauneuf du Pape, dressé le 20 juillet 2015 et du compte-rendu établi par M. A... du 21 juillet 2015, contresigné par M. B... lui-même que le 12 juillet 2015, les gendarmes ont constaté, sur le marché de Jonquières, la vente au public de sacs à déchets de 50 litres et 30 litres portant l'inscription " Beaucaire Terre d'Argence ", selon des modalités de tarification différenciée, précisée sur des affichettes, au stand tenu par M. B.... Celui-ci, revenant sur ses dernières déclarations, a reconnu auprès des gendarmes, être agent de la communauté et vendre des biens provenant de cartons récupérés sur son lieu de travail. L'ensemble des 29 cartons saisis et entreposés dans les locaux de la gendarmerie, a été restitué à la CCBTA. Lors de l'entretien qui s'est déroulé à sa demande avec sa hiérarchie, le requérant a admis récupérer, depuis deux, voire trois ans, des cartons de sacs de déchets pour son usage personnel et pour distribuer à sa famille. Le requérant ne peut sérieusement se prévaloir de la distribution de sacs de déchets aux usagers de la commune, effectuée dans le cadre d'une opération de sensibilisation de la population en faveur du tri des déchets. Il est constant que M. B... a été condamné, par une ordonnance pénale délictuelle du président du tribunal de grande instance de Nîmes du 8 mars 2017 pour ces faits de soustraction frauduleuse de biens appartenant à la CCBTA du 1er janvier 2015 au 12 juillet 2015, au paiement d'une amende. Ces faits constituent une faute de nature à justifier une sanction.
8. Dès lors, alors même que les juges répressifs ont retenu une période de prévention de quelques mois, il ressort des pièces du dossier que M. B... subtilisait, depuis plus de deux ans, les cartons de rouleaux de sacs à déchets dans un local fermé, exclusivement accessible aux agents du service, appartenant à la collectivité alertée sur les vols récurrents, pour son propre usage et au profit de tiers ainsi qu'en vue de la revente au public. En outre, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence d'un usage, du reste, contesté par la collectivité, de la récupération de sacs par les agents dans le local de stockage. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le requérant avait antérieurement fait l'objet de sanctions disciplinaires en avril 2012, janvier 2013 et juin 2013 d'exclusions temporaires de fonctions de deux et trois jours pour un comportement persistant d'insubordination, de menaces et d'altercations violentes dont il n'a pas pris la mesure de la gravité. En dépit du préjudice financier faible et de la restitution à la collectivité des biens en cause saisis, eu égard à la gravité des agissements reprochés, à la durée de ceux-ci, à la quantité des cartons détournés, à l'atteinte portée à l'image de la collectivité par de tels faits au comportement de l'agent depuis son recrutement, la mesure d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois que, dans son avis contesté, le conseil de discipline de recours de la fonction publique territoriale de la région Midi-Pyrénées proposait de substituer à la sanction de révocation prononcée à l'encontre de M. B..., n'était pas proportionnée aux fautes reprochées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'avis du conseil de discipline de recours de la région Midi-Pyrénées du 13 avril 2016.
Sur les conclusions aux fins de sursis à l'exécution :
10. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du jugement contesté, il n'y a pas lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une quelconque somme au titre des frais exposés par la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence, et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 octobre 2017.
Article 2 : Le surplus des requêtes de M. B... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M E...B...et à la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, où siégeaient :
- M. Portail, président-assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,
- Mme D..., première conseillère,
- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 juin 2018.
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N° 17MA04522, 17MA04795