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05/07/2018 | FRANCE | N°16MA00148

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 05 juillet 2018, 16MA00148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et Josiane B...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du maire de Martigues du 12 novembre 2013 refusant de raccorder leur habitation au réseau d'électricité et de condamner la commune de Martigues à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi ;

Par un jugement n° 1400172 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2016, M. A... B...et Mme E...D...épouse B..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et Josiane B...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du maire de Martigues du 12 novembre 2013 refusant de raccorder leur habitation au réseau d'électricité et de condamner la commune de Martigues à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi ;

Par un jugement n° 1400172 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2016, M. A... B...et Mme E...D...épouse B..., représentés par Me F..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision précitée ;

3°) de condamner la commune de Martigues à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Martigues la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale ;

- elle méconnaît le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'ils ont seulement sollicité leur branchement provisoire dans l'attente de la régularisation de leur construction dans le cadre d'un parc résidentiel de loisirs dont la réalisation est en négociation ;

- cette décision leur a causé un préjudice moral en les plaçant dans une situation de précarité ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2017, la commune de Martigues conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. et Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel qui ne comporte pas de moyen d'appel est irrecevable sur le fondement de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- la demande indemnitaire est irrecevable, faute pour les requérants d'avoir lié le contentieux en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gougot,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteure publique,

- et les observations de Me F..., représentant M. et Mme B..., et de Me C..., représentant la commune de Martigues.

1. Considérant que M. et Mme B... ont, par lettre du 28 octobre 2013, mis en demeure le maire de Martigues de procéder au rétablissement du raccordement de leur construction au réseau public d'électricité ; que, par lettre du 12 novembre 2013, le maire de Martigues a indiqué en réponse que l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme lui permettait de s'opposer au branchement définitif d'une construction réalisée en méconnaissance des règles d'urbanisme ; que ceux-ci interjettent appel du jugement du 19 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que leur demande tendant à la condamnation de la commune de Martigues à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que l'ont à bon droit relevé les premiers juges, les époux B...occupent les lieux depuis plusieurs années et leur demande de raccordement au réseau public d'électricité ne peut être regardée que comme un raccordement définitif alors notamment qu'il ressort d'un courrier de la société " Electricité réseau distribution France " du 29 juillet 2013 que les raccordements provisoires ont une durée limitée dans le temps fixée à un an ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la décision contestée : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent [.. .] être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité [...] si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités. " ; que la décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, un raccordement d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi ;

4. Considérant qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les époux B...étaient informés que le terrain sur lequel se trouve la construction dans laquelle ils résident, calanque de Bonnieu, se situe en zone UT 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Martigues, dans laquelle seules sont autorisées les constructions à usage d'hébergement hôtelier, d'hébergement collectif de loisirs (villages vacances...) les campings ainsi que les constructions à usage de commerce, services liés aux activités balnéaires et de loisirs ; que les requérants ne pouvaient ignorer que cette construction avait été édifiée sans autorisation ; que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale des époux B...constituée par l'opposition du maire à son raccordement au réseau électrique, trouve ainsi son fondement dans les dispositions du règlement de la zone UT 1, qui faisaient obstacle à la construction des intéressés ; qu'il n'est pas établi que le choix des requérants d'établir à cet endroit leur lieu de résidence aurait été dicté par des motifs impérieux dont l'importance excèderait celle imposant aux administrés de se conformer au respect des règles d'urbanisme ; que, par suite, et alors même que les requérants se prévalent, d'une part, d'un certificat médical du 23 août 2013 selon lequel M. B... présente une cardiopathie sévère qui nécessite l'utilisation d'appareils électriques quotidiens et, d'autre part, d'un second certificat médical peu circonstancié et de bulletins d'hospitalisation révélant que Mme B... a subi plusieurs interventions chirurgicales dans le courant de l'été 2013, compte tenu du but légitime que constitue le respect des règles d'urbanisme et de sécurité, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la décision de refus de raccordement au réseau électrique n'avait pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme B... ; qu'enfin, les circonstances que les intéressés aient obtenu un raccordement au réseau public d'électricité à titre provisoire et qu'ils se soient acquitté des impôts locaux sont inopérantes ;

5. Considérant, en troisième lieu que la circonstance que d'autres administrés situés dans la même calanque auraient bénéficié d'un raccordement à l'électricité, à la supposer établie, est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse, qui repose sur la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme et du règlement du plan local d'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux B...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du maire de Martigues refusant leur raccordement au réseau électrique ;

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Considérant que les conclusions des époux B...tendant à la réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi, du fait de l'illégalité de la décision de refus de raccordement du 12 novembre 2013 doivent être rejetées, par voie de conséquence du rejet des conclusions en annulation de cette décision ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel, et de la demande de première instance, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. et Mme B... dirigées contre la commune de Martigues qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des époux B...la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Martigues en application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête des époux B...est rejetée.

Article 2 : M. et Mme B... verseront à la commune de Martigues une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme E...D...épouse B...et à la commune de Martigues.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme Josset, présidente assesseure,

- Mme Gougot, première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2018.

2

N° 16MA00148

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00148
Date de la décision : 05/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales - Police de l'utilisation des sols.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation des installations et travaux divers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : VASSEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-05;16ma00148 ?
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