Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme J... F...épouse G...agissant au nom de l'indivision F...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 28 mars 2014 par lequel le maire de Quenza a délivré un permis d'aménager à MM. D... et B...en vue de réaliser un lotissement de 15 lots au lieu-dit Chiosello.
Par un jugement avant-dire droit n° 1400671 du 14 janvier 2016, le tribunal administratif de Bastia a, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la demande de Mme G... pour permettre aux pétitionnaires de lui notifier un permis modificatif régularisant le vice de forme tiré de l'absence de mention des nom et prénom du signataire de la décision contestée.
Par un jugement n° 1400671 du 22 juin 2017, le tribunal administratif a annulé le permis d'aménager du 28 mars 2014 ainsi que le permis modificatif délivré à MM. D... et B...le 18 janvier 2016, et a mis à la charge de la commune de Quenza une somme de 1 500 euros à verser à Mme G... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 mars 2016 et 3 janvier 2017 sous le n° 16MA00987, Mme F... épouse G...agissant au nom de l'indivisionF..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement avant dire-droit du tribunal administratif de Bastia du 14 janvier 2016 ;
2°) d'annuler le permis d'aménager délivré par le maire de Quenza le 28 mars 2014 à MM. D... et B...;
3°) de mettre à la charge de la commune de Quenza une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt et qualité pour agir au nom de l'indivision ;
- le jugement est irrégulier faute d'exposer les motifs conduisant le tribunal à écarter les autres moyens que celui tiré du vice de forme justifiant le sursis à statuer ;
- le permis d'aménager méconnaît l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme ;
- le lot n° 12 du projet est en outre situé hors de la zone constructible de la carte communale ;
- les pétitionnaires ont trompé le service instructeur sur la réalité d'un accès au lotissement par la parcelle C n° 27 alors qu'il n'existe aucun accord de l'indivision sur ce point ;
- les pétitionnaires ne sont pas autorisés à démolir le " caseddu " dont ils sont propriétaires d'une partie seulement ;
- la surface totale du terrain d'assiette est indiquée de manière erronée dans la demande de permis ;
- l'illégalité externe retenue par le tribunal devait entraîner l'annulation totale du permis et non un sursis à statuer ;
Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2016, M. D..., représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'appelante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'appel discutant le bien-fondé du jugement avant dire-droit alors que la décision du tribunal administratif mettant fin à l'instance n'est pas encore intervenue est irrecevable ;
- il s'en rapporte subsidiairement à son argumentation de première instance en réponse aux moyens invoqués contre le permis d'aménager.
La commune de Quenza a présenté des mémoires enregistrés les 13 avril 2016 et 23 janvier 2017 sans recourir au ministère d'avocat, qui n'ont pas été communiqués.
Les parties ont été informées le 11 juin 2018, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité, relevée d'office, des conclusions présentées par Mme G... à fin d'annulation du jugement avant dire-droit du 14 janvier 2016 en tant que celui-ci met en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ces conclusions étant privées d'objet depuis la délivrance d'un permis modificatif le 18 janvier 2016 en vue de régulariser le vice relevé dans le cadre du sursis à statuer.
Mme G... a présenté le 13 juin 2018 des observations en réponse au moyen susceptible d'être relevé d'office par la Cour.
II- Par une requête enregistrée le 14 août 2017 sous le n° 17MA03592, M. D... représenté par Me H..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 juin 2017 mettant fin à l'instance n° 1400671 ;
2°) de mettre à la charge de Mme G... une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement doit être annulé dès lors que le tribunal, après avoir vidé le litige en ne retenant qu'un vice de forme et en écartant l'ensemble des autres moyens, a contredit sa propre position en retenant finalement un autre motif d'annulation du permis d'aménager ;
- le projet est conforme au principe d'urbanisation en continuité dans les zones de montagne résultant de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ;
- subsidiairement, le projet peut constituer un groupe d'habitations nouvelles au sens de l'article L. 122-7 du même code, voire faire l'objet d'une étude de discontinuité en application de cet article.
Par un mémoire enregistré le 15 février 2018, Mme G... agissant au nom de l'indivisionF..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête d'appel de M. D... ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler le permis d'aménager du 28 mars 2014 et le permis modificatif du 18 janvier 2016 délivrés par le maire de Quenza à MM. D... et B...;
3°) de mettre à la charge de la commune de Quenza une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le motif tiré de la violation par les décisions contestées de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme a été retenu à juste titre par le tribunal administratif ;
- subsidiairement, en cas d'annulation du jugement, elle se fonde sur les mêmes moyens que ceux développés en première instance et justifiant l'annulation des permis en litige.
La commune de Quenza a présenté des observations le 12 mars 2018 sans recourir au ministère d'avocat, qui n'ont pas été communiquées.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bocquet, président de la 5e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me H... représentant M. D....
1. Considérant que les requêtes n° 16MA00987 et n° 17MA03592 sont dirigées contre deux jugements successifs rendus par le tribunal administratif de Bastia dans une même instance, et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que, par un arrêté du 28 mars 2014, le maire de Quenza a délivré à MM.D... et B...un permis d'aménager en vue de la réalisation d'un lotissement de 15 lots sur les parcelles C n° 953 et C n° 23 au lieu-dit Chiosello ; que, saisi d'un recours en annulation présenté par Mme J... F...épouse G...agissant au nom de l'indivisionF..., le tribunal administratif de Bastia a, après avoir écarté les autres moyens de la demande, retenu l'existence d'un vice tiré de l'absence de mention des nom et prénom du signataire du permis par un jugement avant dire-droit du 14 janvier 2016 ; qu'il a décidé, par ce jugement, de surseoir à statuer en faisant usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour inviter les pétitionnaires à faire régulariser ce vice par la production dans un délai de trois mois d'un permis modificatif ; que le maire de Quenza a délivré un permis modificatif le 18 janvier 2016 à MM. D... et B...; que, par un jugement du 22 juin 2017 mettant fin à l'instance, le tribunal administratif de Bastia a annulé les permis d'aménager initial et modificatif sur demande de Mme G... en retenant un autre moyen tiré de la violation de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme ; que Mme G... relève appel du jugement avant dire-droit du 14 janvier 2016 ; que M. D... relève appel, quant à lui, du jugement mettant fin à l'instance du 22 juin 2017 ;
Sur la recevabilité des écritures de la commune de Quenza devant la Cour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. Lorsque la notification de la décision soumise à la cour administrative d'appel ne comporte pas la mention prévue au troisième alinéa de l'article R. 751-5, le requérant est invité par la cour à régulariser sa requête dans les conditions fixées aux articles R. 612-1 et R. 612-2 " ;
4. Considérant qu'en dépit de l'invitation à régulariser qui a été faite à la commune de Quenza par une lettre du 14 avril 2016, les mémoires en défense susvisés ont été présentés dans l'instance n° 16MA00987 sans le ministère d'avocat ; que, par suite, ces mémoires sont irrecevables et doivent être écartés des débats ; qu'il en va de même des observations présentées, toujours sans ministère d'avocat par la commune dans l'instance n° 17MA03592 ;
Sur le jugement avant dire-droit du 14 janvier 2016 :
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions à fin d'annulation du jugement :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations " ;
6. Considérant que lorsqu'un tribunal administratif, après avoir écarté comme non fondés des moyens de la requête, a cependant retenu l'existence d'un vice entachant la légalité du permis de construire, de démolir ou d'aménager dont l'annulation lui était demandée et a alors décidé de surseoir à statuer en faisant usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour inviter l'administration à régulariser ce vice, l'auteur du recours formé contre ce jugement avant dire-droit peut contester le jugement en tant qu'il a écarté comme non fondés les moyens dirigés contre l'autorisation initiale d'urbanisme et également en tant qu'il a fait application de ces dispositions de l'article L. 600-5-1 ; que toutefois, à compter de la délivrance du permis modificatif en vue de régulariser le vice relevé, dans le cadre du sursis à statuer prononcé par le jugement avant dire-droit, les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu'il met en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme sont privées d'objet ;
7. Considérant qu'un permis d'aménager modificatif a été délivré le 18 janvier 2016 par le maire de Quenza antérieurement à l'enregistrement le 15 mars 2016 de la requête d'appel de Mme G..., en vue de régulariser le vice de forme relevé par le tribunal administratif par son jugement avant dire-droit du 14 janvier 2016 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les conclusions de la requête dirigées contre ce jugement en tant qu'il met en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme étaient dès lors privées d'objet dès la délivrance de ce permis modificatif antérieurement à l'introduction de l'appel formé par l'intéressée ; qu'elles ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables ;
8. Considérant, en revanche, que les conclusions de la requête de Mme G... dirigées contre le jugement du 14 janvier 2016 en tant que celui-ci a écarté les autres moyens de sa demande tendant à l'annulation de l'autorisation initiale d'urbanisme conservent un objet ; qu'en effet, alors même qu'elle ne figure pas au dispositif du jugement, le tribunal administratif a ainsi pris la décision, sans pouvoir y revenir ultérieurement, d'écarter tous les autres moyens que le vice considéré comme régularisable, et de ne fonder l'éventuelle annulation du permis d'aménager que sur la non réalisation de la régularisation prescrite ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient M.D..., Mme G...pouvait saisir la Cour de manière recevable de telles conclusions, alors même que le tribunal administratif n'avait pas encore statué par un jugement clôturant l'instance ;
En ce qui concerne la régularité du jugement en tant qu'il écarte les moyens dirigés contre le permis d'aménager du 28 février 2014 :
9. Considérant que, lorsque le tribunal estime qu'un moyen invoqué contre le permis en litige est tiré d'un vice susceptible d'être régularisé par un permis modificatif et qu'il décide de faire usage de la faculté qui lui est ouverte par l'article L. 600-5-1, il lui appartient, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, de constater préalablement qu'aucun des autres moyens invoqué devant lui n'est fondé et d'indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés ;
10. Considérant que le tribunal administratif de Bastia, après avoir relevé que le permis d'aménager du 28 mars 2014 était entaché d'un vice de forme susceptible de régularisation tiré de la violation de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, s'est borné à mentionner au point 10 de son jugement avant dire-droit du 14 janvier 2016 qu'aucun autre moyen de Mme G... n'était de nature en l'état du dossier à entraîner l'annulation de la décision, sans indiquer les motifs pour lesquels ces moyens étaient écartés ; que Mme G... est, dès lors, fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité en tant qu'il décide d'écarter les autres moyens articulés à l'encontre du permis initial ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, cette décision fonde le dispositif du jugement du 14 janvier 2016, qui doit être annulé dans cette mesure ;
11. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement, toujours dans cette mesure, sur les conclusions et moyens présentés par Mme G..., tant devant le tribunal administratif que devant la Cour, contre le permis d'aménager du 28 mars 2014 ;
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de Mme G... tendant à l'annulation du permis d'aménager :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, applicable à la date de la décision en litige : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) " ; qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;
13. Considérant que Mme J... G...et MM. I... et A...F..., propriétaires en indivision par voie successorale des parcelles cadastrées C n° 24, 25 et 27 situées immédiatement au nord du terrain d'assiette du projet et desservies par la même voie publique, justifient d'un intérêt pour agir contre le permis d'aménager délivré par le maire de Quenza, autorisant MM. D... et B...à réaliser un lotissement de quinze maisons d'habitation pour une surface de plancher totale de 3 296 mètres carrés en limite de leur propriété ; que la qualité pour agir de Mme G..., tant en son nom personnel qu'en celui des coindivisaires qui ont confirmé lui avoir donné mandat à cet effet, n'est pas davantage sérieusement contredite ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis (...) d'aménager (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 " ; qu'il incombe au bénéficiaire d'un permis d'aménager de justifier qu'il a bien rempli les formalités d'affichage prescrites par les dispositions précitées, le juge devant par ailleurs apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis ;
15. Considérant que ni la commune de Quenza ni les bénéficiaires du permis ne justifient d'un affichage de l'arrêté du 28 mars 2014 sur le terrain d'assiette du projet à une date antérieure à celle, mentionnée par Mme G... elle-même, du 3 juin 2014 ; que les pièces du dossier n'établissent au demeurant pas davantage le caractère continu de l'affichage du permis ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être rejetée ;
16. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces produites par Mme G... et notamment des certificats de dépôt auprès des services postaux du 5 août 2014, que celle-ci a notifié son recours contentieux contre le permis d'aménager par lettre recommandée avec accusé de réception tant à la commune de Quenza qu'aux pétitionnaires, conformément aux exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
17. Considérant qu'il suit de là que l'ensemble des fins de non-recevoir opposées à la demande de Mme G... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2014 doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité du permis d'aménager du 28 mars 2014 :
18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants. " ; que par groupe " de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme, il convient d'entendre un groupe de plusieurs bâtiments qui, bien que ne constituant pas un hameau, se perçoivent, compte tenu de leur implantation les uns par rapport aux autres, notamment de la distance qui les sépare, de leurs caractéristiques et de la configuration particulière des lieux, comme appartenant à un même ensemble ; que, pour déterminer si un projet réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant ;
19. Considérant que le projet de lotissement autorisé porte sur quinze lots destinés à la construction de maisons d'habitation et leur voie de desserte sur un vaste terrain partiellement boisé ne comprenant jusque là qu'une petite construction ancienne ou " caseddu ", au lieu-dit Chiosello situé au sud du centre urbanisé de la commune de Quenza sur le chemin départemental 420 ; que, si deux parcelles encadrant immédiatement l'extrémité est du terrain le long de la voie publique supportent des habitations isolées, le projet de lotissement de quinze habitations nouvelles doit s'étendre vers l'ouest dans un secteur à l'état naturel dépourvu de toute construction, et séparé de l'urbanisation continue du centre du village ; que, dans ces conditions, eu égard à l'implantation prévue du projet et aux caractéristiques des bâtiments situés à proximité, le projet ne peut être regardé comme une urbanisation en continuité d'un groupe d'habitations existantes au sens de ces dispositions ; que la circonstance qu'une chapelle romane isolée soit implantée à une distance relativement proche de l'autre côté de la voie publique, sans d'ailleurs border celle-ci, demeure sans influence à cet égard ; que, par suite, Mme G... est fondée à soutenir, ainsi qu'elle le fait devant la Cour, que le permis d'aménager méconnaît l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme ;
20. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est en l'état du dossier susceptible d'entraîner l'annulation du permis d'aménager du 28 mars 2014 ;
21. Considérant que le vice affectant le permis d'aménager n'est pas susceptible de régularisation par la délivrance d'un permis modificatif ; qu'il est dès lors de nature à entraîner l'annulation totale de l'arrêté contesté du 28 mars 2014 ;
Sur le jugement du 22 juin 2017 mettant fin à l'instance :
22. Considérant qu'à compter de la décision par laquelle le juge fait usage de la faculté de surseoir à statuer ouverte par l'article L. 600-5-1, seuls des moyens dirigés contre le permis de construire modificatif notifié, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier ; que Mme G... a toutefois invoqué de nouveaux moyens dans l'instance devant le tribunal administratif postérieurement au jugement de sursis à statuer du 14 janvier 2016 et à la délivrance d'un permis modificatif le 18 janvier 2016 ; que le tribunal administratif de Bastia, qui était tenu d'écarter ces moyens en tout état de cause comme irrecevables, a néanmoins annulé le permis d'aménager initial ainsi que le permis modificatif délivré le 18 janvier 2016 en se fondant sur la méconnaissance de ces dispositions nouvellement invoquées et qui n'étaient pas propres au permis modificatif ; que le motif par lequel il a annulé les décisions en litige est dès lors entaché d'erreur de droit ;
23. Considérant, toutefois, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 20 que le permis d'aménager délivré par le maire de Quenza à MM. D... et B...le 28 mars 2014 est entaché, en raison de la méconnaissance de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme, d'une illégalité entraînant son annulation totale ; que, par voie de conséquence, le permis d'aménager modificatif du précédent délivré le 18 janvier 2016 aux pétitionnaires et portant sur un projet identique doit être également annulé ;
24. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est en toute hypothèse pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a annulé le permis d'aménager délivré par le maire de Quenza le 28 mars 2014 ainsi que le permis d'aménager modificatif délivré le 18 janvier 2016 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme G..., qui n'a pas la qualité de partie perdante à titre principal, le versement des sommes demandées par M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens dans les instances n°s 16MA00987 et 17MA03592 ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes formées par Mme G... en application des mêmes dispositions dans ces deux instances à l'encontre de la commune de Quenza ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement avant dire-droit du tribunal administratif de Bastia n° 1400671 du 14 janvier 2016 est annulé en tant qu'il prend la décision mentionnée au point 10 du présent arrêt.
Article 2 : Le surplus des conclusions présenté par Mme G...dans l'instance n° 16MA00987 est rejeté.
Article 3 : La requête n° 17MA03592 de M. D...est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme G...et M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les deux instances susvisées sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... F...épouseG..., à la commune de Quenza, à M. E... D...et à M. K... B....
Délibéré après l'audience du 25 juin 2018, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Hameline, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2018.
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N° 16MA00987 - 17MA03592