Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...A...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé son entrée sur le territoire français au titre de l'asile.
Par un jugement n° 1705456 du 31 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 25 août 2017, le ministre de l'intérieur, représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 juillet 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. A...D...présentée devant le tribunal administratif de Marseille.
Il soutient que :
- l'entretien téléphonique avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut être réalisé par téléphone dans la zone d'attente ;
- les autres moyens de la demande de première instance déposée par M. A... D...ne sont pas fondés.
La requête n'a pu être communiquée à M. A...D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Alain Barthez, président assesseur de la
2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.
Sur le bien-fondé du jugement :
1. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3° la demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. / Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au chapitre III du titre II du livre VII. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile. L'avocat ou le représentant d'une des associations mentionnées au huitième alinéa de l'article L. 723-6, désigné par l'étranger, est autorisé à pénétrer dans la zone d'attente pour l'accompagner à son entretien dans les conditions prévues au même article L. 723-6 (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 723-6 : " L'office convoque le demandeur à un entretien personnel. (...) Chaque demandeur majeur est entendu individuellement, hors de la présence des membres de sa famille (...) Le demandeur se présente à l'entretien et répond personnellement aux questions qui lui sont posées par l'agent de l'office. Il est entendu dans la langue de son choix, sauf s'il existe une autre langue dont il a une connaissance suffisante (...). Le demandeur peut se présenter à l'entretien accompagné soit d'un avocat, soit d'un représentant d'une association de défense des droits de l'homme, d'une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile, d'une association de défense des droits des femmes ou des enfants ou d'une association de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle (...) L'avocat ou le représentant de l'association ne peut intervenir qu'à l'issue de l'entretien pour formuler des observations. / L'absence d'un avocat ou d'un représentant d'une association n'empêche pas l'office de mener un entretien avec le demandeur. / Sans préjudice de l'article L. 723-13, l'absence sans motif légitime du demandeur, dûment convoqué à un entretien, ne fait pas obstacle à ce que l'office statue sur sa demande. / Sans préjudice des nécessités tenant aux besoins d'une action contentieuse, la personne qui accompagne le demandeur à un entretien ne peut en divulguer le contenu. (...) / Un décret en Conseil d'Etat fixe les cas et les conditions dans lesquels l'entretien peut se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle pour des raisons tenant à l'éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur " ; qu'aux termes de l'article R. 723-9 du même code : " L'office peut décider de procéder à l'entretien personnel en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans les cas suivants : / 1° Lorsque le demandeur est dans l'impossibilité de se déplacer, notamment pour des raisons de santé ou des raisons familiales ; / 2° Lorsqu'il est retenu dans un lieu privatif de liberté ; / 3° Lorsqu'il est outre-mer. Les modalités techniques garantissant la confidentialité de la transmission fidèle des propos tenus au cours de l'entretien sont définies par décision du directeur général de l'office. / Le local destiné à recevoir les demandeurs d'asile entendus par un moyen de communication audiovisuelle doit avoir été préalablement agréé par le directeur général de l'office. Cet agrément peut être retiré si les conditions énoncées à l'alinéa précédent ne sont plus remplies. / L'officier de protection chargé de la conduite de l'entretien a la maîtrise des opérations. Il lui appartient de veiller au respect des droits de la personne. Il doit à tout instant pouvoir s'assurer du respect des bonnes conditions d'audition et de visionnage. Il peut mettre fin à l'entretien si ces conditions ne sont pas réunies ou si les circonstances de l'espèce l'exigent. Dans ce cas, l'entretien a lieu en présence de l'intéressé. / L'intéressé entendu par un moyen de communication audiovisuelle doit, si besoin avec l'aide d'un interprète, être informé par l'office avant le commencement de l'entretien du déroulement des opérations, notamment des modalités permettant d'assurer le respect des règles de confidentialité " ;
4. Considérant qu'il ressort de ces dispositions que l'entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a lieu en présence du demandeur d'asile, qu'il peut se dérouler en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans certaines hypothèses, notamment celle dans laquelle le demandeur est retenu dans un lieu privatif de liberté et qu'en cas de mauvaises conditions d'audition ou de visionnage ou si les circonstances de l'espèce l'exigent, l'entretien a lieu en présence du demandeur d'asile ; qu'en l'espèce, M. A...D..., de nationalité tunisienne, est arrivé au port de Marseille le 25 juillet 2017 et a formé une demande d'asile en zone d'attente le même jour ; que l'entretien entre M. A...D...et l'agent de l'OFPRA n'a pas pu se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle et a été réalisé le 27 juillet 2017 par téléphone dans la zone d'attente ; qu'ainsi, la décision contestée est entachée d'un vice de procédure ; que compte tenu de la finalité de cet entretien par lequel l'OFPRA, afin de vérifier que la demande n'est pas manifestement infondée, émet un avis sur l'absence manifeste de pertinence de la demande d'asile au regard des conditions d'octroi de l'asile et de crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves, ce vice est de nature à priver les demandeurs d'asile d'une garantie ; que c'est donc à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a jugé que le recours à un entretien téléphonique avait privé M. A...D...d'une garantie ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 27 juillet 2017 ;
D É C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...A...D....
Délibéré après l'audience du 28 juin 2018, où siégeaient :
- M. Barthez, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- MmeC..., première conseillère,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2018.
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N° 17MA03773