Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. A... E..., Mme B... E...et MM. C... et G...E...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 avril 2014 par lequel le maire de la commune de Névian a délivré à M. I... un permis de construire en vue de la réalisation de trois logements dans une habitation existante.
Par un jugement n° 1403139 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2016, les consortsE..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juin 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Névian le versement à leur profit de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige ;
- le dossier de demande est incomplet au regard des exigences des articles R. 431-5 et suivants du code de l'urbanisme, notamment en l'absence d'un plan de coupe du bâtiment répondant aux exigences de l'article R. 431-11, en l'absence d'une notice descriptive répondant aux exigences de l'article R. 431-8 comme de tout document graphique permettant de préciser l'implantation du projet par rapport aux constructions voisines, l'absence de ces éléments ayant exercé une influence sur l'appréciation portée par le service instructeur ;
- la parcelle d'assiette du projet n'a aucun accès à la voie publique et la mention d'une servitude dans le dossier de demande constitue une fraude ;
- le prétendu chemin desservant les propriétés enclavées voisines n'est pas une voie ouverte à la circulation publique mais une simple bande de terrain appartenant à leur propriété, sur laquelle ils ont toléré le passage de leurs voisins ;
- la commune était tenue de s'assurer de l'existence d'un titre créant une servitude au profit de la parcelle d'assiette du projet ou d'une desserte suffisante par une ouverture sur la voie publique ;
- le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme et de l'article UA3 du plan d'occupation des sols de la commune ;
- le bardage bois de la façade nord présente un aspect qui n'est pas compatible avec les lieux avoisinants en méconnaissance de l'article UA 11 du règlement du plan d'occupation des sols ;
- l'implantation du bâtiment n'est pas conforme aux articles UA7 et UA10 du règlement du plan d'occupation des sols ;
- le projet crée des vues sur leur fonds qui nuisent aux conditions de jouissance de leur bien.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2017, la commune de Névian, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête, à l'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans l'hypothèse où la Cour jugerait qu'une illégalité entache le permis de construire, et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants le versement à son profit de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt pour agir contre le permis de construire en litige au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Busidan,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la commune de Névian.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Névian, a été enregistrée le 14 septembre 2018.
1. Considérant que les consorts E...relèvent appel du jugement rendu le 2 juin 2016 par le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2014 par lequel le maire de la commune de Névian a délivré à M. I... un permis de construire en vue de la réalisation de trois logements dans une habitation existante sur la parcelle cadastrée section AA n° 84 et située en zone UA du plan d'occupation des sols de cette commune ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la commune de Névian :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les consorts E...sont propriétaires indivis d'un bien immobilier comprenant une maison d'habitation avec dépendances et parcelle de terre en nature de jardin potager et d'agrément sur des parcelles cadastrées section AA 85 et 86 immédiatement voisines de la parcelle d'assiette du projet, cadastrée section AA n° 84 ; que le projet en litige consistant à porter de un à trois le nombre de logements dans la maison mitoyenne de celle des appelants, ces derniers justifient de leur intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige ; que, dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par la commune doit être écartée ;
Sur les conclusions en annulation :
5. Considérant que l'article UA3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Névian, relatif aux accès et à la voirie, dispose : " 1) Accès : tout terrain enclavé est inconstructible à moins que son propriétaire ne produise une servitude de passage suffisante instituée en application de l'article 682 du code civil." ; que, pour l'application de ces dispositions, un terrain doit être regardé comme enclavé et par suite inconstructible si, à la date à laquelle il est statué sur la demande de permis de construire, il n'a pas d'accès direct à la voie publique et que le propriétaire ne dispose pas d'une servitude de passage obtenue par voie judiciaire ou conventionnelle sur un fonds voisin et permettant cet accès ;
6. Considérant qu'il ressort des plans cadastraux que la parcelle d'assiette du projet, cadastrée n° 84, est séparée de la voie publique, en l'espèce l'avenue de la Gare, par la parcelle cadastrée n° 85 appartenant aux appelants ; que, contrairement à ce qu'a indiqué le pétitionnaire dans le dossier de demande, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier qu'à la date de délivrance du permis de construire en litige, il aurait disposé sur cette parcelle cadastrée n° 85 d'une servitude de passage instituée en application des dispositions de l'article 682 du code civil ; que, certes, il ressort également des photographies figurant au dossier de demande, de celle versée par la commune en première instance et du constat d'huissier versé par le pétitionnaire devant les premiers juges, que la partie non clôturée de la parcelle n° 85 qu'empruntent les voisins des consorts E...pour gagner leurs propriétés, c'est-à-dire les parcelles cadastrées n° 84 et 83, présente les caractéristiques d'un chemin ouvert à la circulation publique ; que, cependant, cette circonstance est sans incidence sur le fait qu'en l'absence de servitude obtenue des propriétaires de la parcelle n° 85, la parcelle d'assiette du projet est enclavée ; que, dans ces conditions, le permis de construire en litige a été délivré en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UA3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune ;
7. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature, en l'état de l'instruction, à entraîner l'annulation de l'arrêté en litige ;
Sur les conclusions de la commune de Névian tendant à l'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
8. Considérant que l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme dispose : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. " ; qu'aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. " ;
9. Considérant, d'une part, que l'illégalité retenue au point 6 du présent arrêt ne se bornant pas à affecter une partie du projet en litige, les dispositions précitées de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ne sont pas susceptibles d'être appliquées dans la présente instance ;
10. Considérant, d'autre part, que l'illégalité retenue au point 6 du présent arrêt serait susceptible d'être purgée par un permis de construire modificatif constatant que le pétitionnaire dispose d'une servitude de passage sur la parcelle n° 85 ; que, cependant, les appelants, qui ont demandé tant en première instance qu'en appel l'annulation du permis de construire en litige sont précisément les personnes desquelles le pétitionnaire devrait obtenir la servitude nécessaire à la délivrance du permis de construire modificatif ; qu'alors que la procédure devant la juridiction administrative a débuté le 25 juin 2014 sans que, depuis cette date, le pétitionnaire ne justifie de l'obtention prochaine d'une servitude par voie conventionnelle, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le pétitionnaire puisse obtenir cette servitude par voie judiciaire dans le délai d'instruction d'un permis de construire modificatif ; qu'ainsi et dans les circonstances de l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que la violation de l'article UA3 puisse être régularisée par la délivrance d'un permis de construire modificatif dans les conditions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Névian tendant à l'application de ces dispositions ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts E...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige ; qu'ils sont, dès lors, fondés à demander l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 24 avril 2014 portant délivrance à M. I... d'un permis de construire ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les consorts E...qui ne sont, dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenus aux dépens, verse à la commune de Névian la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, sur le fondement de ces mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Névian le versement aux appelants pris ensemble de la somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes frais ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 2 juin 2016 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 24 avril 2014 du maire de Névian portant délivrance à M. I... d'un permis de construire sont annulés.
Article 2 : La commune de Névian versera aux consorts E...pris ensemble la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Névian sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à M. C... E..., à Mme B...E..., à M. G... E..., à M. J... I...et à la commune de Névian.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Narbonne.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Busidan et Mme H..., premières conseillères.
Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.
N° 16MA02857 2